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19/05/2003 | LUXEMBOURG | N°15460

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 mai 2003, 15460


Tribunal administratif N° 15460 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 octobre 2002 Audience publique du 19 mai 2003 Recours formé par Madame …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15460 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 octobre 2002 par Madame …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 19 septembre 2

002 rejetant comme n’étant pas fondée une réclamation du 26 juillet 2002 contre le bulletin ...

Tribunal administratif N° 15460 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 octobre 2002 Audience publique du 19 mai 2003 Recours formé par Madame …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15460 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 octobre 2002 par Madame …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 19 septembre 2002 rejetant comme n’étant pas fondée une réclamation du 26 juillet 2002 contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des personnes physiques de l’année 2001, émis le 18 juillet 2002 à l’encontre de Madame … ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 janvier 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, Madame …, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 mars 2003.

Madame … fut divorcée avec effet au courant de l’année 1997. Elle a pu bénéficier de la classe d’impôt II en vertu de l’article 119, 3.c) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (LIR) pendant les années 1998, 1999 et 2000. Malgré le fait que le bureau d’imposition « RTS non résidents » établit, pour l’année 2001, une fiche de retenue d’impôt la rangeant dans la classe d’impôt I, il apparaît que l’employeur de l’époque de Madame … continua à retenir un impôt à la source correspondant au barème de la classe d’impôt II. Ce n’est qu’à partir du 1er octobre 2001 que son nouvel employeur respecta la classe d’impôt indiquée sur la fiche de retenue d’impôt de l’année 2001 et a retenu un impôt à la source en classe d’impôt I. Madame … déclara par voie d’assiette ses revenus pour les années 2000 et 2001.

A travers les bulletins de l’impôt sur le revenu pour les années 2000 et 2001, le bureau d’imposition Luxembourg Y fixa à l’égard de Madame … des cotes d’impôt sur le revenu sur base du barème de la classe d’impôt I, lui applicable. Le bureau d’imposition fixa ainsi par voie d’assiette des montants d’impôt supérieurs aux retenues opérées au cours des années 2000 et 2001.

Madame …, demeurant à l’époque à F-…, introduisit le 26 juillet 2002 une réclamation contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des personnes physiques des années 2000 et 2001.

Le directeur statua à l’égard de cette réclamation par une décision du 19 septembre 2002 en déclarant la réclamation dirigée contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2001 non fondée, tout en précisant que la réclamation contre le bulletin de l’année 2000 avait été disjointe pour être vidée séparément.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 15 octobre 2002, Madame … a introduit un recours contre la décision directoriale du 19 septembre 2002.

Lorsque la requête introductive d’instance omet d’indiquer si le recours tend à la réformation ou à l’annulation de la décision critiquée, il y a lieu d’admettre, compte tenu de l’objet du recours que le demandeur a entendu introduire le recours admis par la loi (cf. trib.

adm. 18 janvier 1999, n° 10760 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 3, p.

518).

Le § 228 de la loi générale des impôts, communément appelée « Abgabenordnung », ci-après dénommée « AO », ensemble l’article 8 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif ouvrant un recours au fond contre la décision directoriale critiquée, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit par Madame ….

En premier lieu, Madame … soulève que la notification du bulletin n’aurait pas été faite à une adresse au Luxembourg.

Le délégué du Gouvernement relève qu’il est constant que la conception luxembourgeoise de la souveraineté des Etats n’admet pas que les décisions des autorités et juridictions fiscales soient notifiées en territoire étranger. A ce sujet, il se réfère au § 89 AO et ajoute que le dossier fiscal devrait montrer si le bureau d’imposition Luxembourg Y avait respecté cette forme élémentaire ou si l’imposition, faute d’être communiquée régulièrement par bulletin, serait restée à l’état de projet dépourvu d’effet conformément au § 91 AO.

Au-delà de toute question ayant trait à la régularité formelle de la notification du bulletin d’impôt, il est constant en cause que Madame … a acquis, d’une manière ou d’une autre connaissance de l’existence du bulletin. Même à admettre un défaut ou une irrégularité de notification, il y a lieu de retenir qu’une irrégularité, voire un défaut de notification valable d’un bulletin d’imposition ne conditionne pas pour autant son existence juridique, mais uniquement son efficacité à travers la force exécutoire qu’elle lui confère. En effet, le § 91 AO érige le bulletin d’imposition non pas en un acte réceptif n’ayant d’existence juridique qu’à la condition d’être notifié à son destinataire, mais seulement en un acte ayant une existence juridique propre, sa notification ne conditionnant que ses effets au stade de l’exécution (cf.

trib. adm. 21 juin 2000, Pas. adm. 2002, V° Impôt sous VI. Procédure administrative, n° 258, p. 354).

Une irrégularité, voire un défaut de notification valable d’un bulletin d’impôt reste sans incidence sur la question de l’intérêt à agir du destinataire du bulletin, cet intérêt étant conditionné par les dispositions du paragraphe 232 AO et le contribuable étant admis à agir comme se sentant lésé par l’imposition, nonobstant l’existence d’une irrégularité au niveau de la notification, de sorte que le moyen soulevé en ce que la notification n’aurait pas été faite à une adresse au Luxembourg est à écarter (cf. trib. adm. 18 octobre 2000, Pas. adm. 2002, V° Impôt, sous X , Procédure administrative, n° 283, p. 360).

En deuxième lieu, Madame … invoque l’article 153 LIR pour faire valoir qu’aucun décompte par voie d’assiette n’aurait dû être établi de sa part alors que son revenu imposable annuel n’aurait pas dépassé le montant de 2.300.000 LUF.

Elle ajoute, en se fondant sur le paragraphe 205, alinéa 3 AO, que le bureau d’imposition aurait dû l’informer à l’avance des changements qu’il entendait opérer.

Le délégué du Gouvernement, à son tour, avance que le dossier fiscal et plus particulièrement la déclaration apparemment spontanée des revenus de Madame … devrait montrer si l’un des cas de figure énoncés par l’article 153 LIR a habilité le bureau d’imposition Luxembourg Y à procéder à une imposition par voie d’assiette. Dans l’affirmative, le bureau d’imposition n’aurait certainement pas été tenu d’entendre Madame … sur la classe d’impôt applicable, alors qu’il ne s’écartait nullement des faits déclarés mais se contentait de confirmer les indications de la fiche de retenu d’impôt que l’employeur avait méconnues. Il ajoute que Madame … ne contesterait pas au fond que la classe d’impôt I lui serait applicable au vu de l’article 119 LIR.

Il est constant en cause que Madame …, malgré le fait qu’elle n’y ait pas été légalement tenue, a déclaré volontairement ses revenus pour l’année 2001.

Même s’il résulte de la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2001, versée en cours de délibéré par la demanderesse sur demande y relative du tribunal, que Madame … n’a pas coché sous la catégorie IX. « Investissements » ouvrant droit à un abattement fiscal », la case « investissement mobilier (art. 129c LIR), elle y a inscrit sur la ligne prévue à cet effet le montant de 1508,56 €, de sorte qu’il est établi à suffisance qu’elle a voulu bénéficier d’un abattement à l’investissement mobilier, sur base de l’article 124 LIR ainsi qu’énoncé par elle à l’audience, d’autant plus que l’abattement est accordé jusqu’à concurrence d’un montant de 1.500 € par an.

S’il est certes vrai que Madame … n’était pas a priori légalement imposable par voie d’assiette en application de l’article 153.1.1. LIR parce que son revenu imposable annuel ne dépassait pas pour les années 2000 et 2001 un montant de 2.300.000 LUF, il n’en reste pas moins que l’article 129c), §4 (1) prévoit expressément que « sur demande, les contribuables visés aux paragraphes 1 et 3 ci-dessous obtiennent un abattement de revenu imposable qualifié d’abattement à l’investissement mobilier qui est à faire valoir dans le cadre de l’imposition par voie d’assiette nonobstant les dispositions de l’article 153 », de sorte que le moyen tendant à faire valoir qu’elle n’était pas légalement imposable par voie d’assiette est à écarter, à partir du moment où elle en demandait expressément l’application sur pied de l’article 129c), §4 (1) LIR.

Le bureau d’imposition Luxembourg Y ayant été habilité à procéder à une imposition par voie d’assiette, c’est à juste titre que le délégué du gouvernement relève que le bureau d’imposition n’était pas tenu d’entendre Madame …, alors qu’il ne s’écartait nullement des faits déclarés mais se contentait de confirmer les indications de la déclaration d’impôt, dont celle ayant trait à l’application de la classe d’impôt I. En effet Madame … a été divorcée avec effet au courant de l’année 1997 de sorte que la période de référence des trois ans a pris fin avec l’année d’imposition 2000. La condition d’application du § 205 (3) AO, à savoir la dérogation substantielle par l’administration aux déclarations du contribuable, n’est pas remplie en espèce. Il s’ensuit que le moyen ayant trait à la violation de cette disposition, est à rejeter.

Il est constant en cause que Madame …, suite à son divorce en 1997, a pu bénéficier en application de l’article 119, 3.c) LIR de la classe d’impôt II pour les années 1998, 1999 et 2000 et qu’à partir de l’année d’imposition 2001, elle était de nouveau imposable en classe I.

Ce fait n’est d’ailleurs pas contesté par la demanderesse, laquelle fait cependant valoir dans son troisième moyen que la retenue manquante aurait dû être réclamée à son ancien employeur en application de l’article 136, alinéa 5 LIR, alors que son employeur n’aurait pas respecté la classe d’impôt indiquée sur la fiche d’impôt 2001, elle-même étant de bonne foi dont témoignerait la déclaration volontaire et non obligatoire de ses revenus pour l’année 2001.

Aux termes de l’article 136 (5) LIR, « le salarié est débiteur de l’impôt, mais il ne peut être contraint au payement de l’impôt que 1. si et pour autant qu’il est complice du non-paiement de la retenue ou 2. si et pour autant que la retenue n’a pas été dûment opérée. » Il convient de souligner que seul le salarié est débiteur de l’impôt et que ce n’est que pour des raisons notamment pratiques que conformément à l’article 136 (2) LIR, il appartient à l’employeur à opérer la retenue pour compte et à décharge du salarié.

L’article 136 (5) prévoit deux cas dans lesquels le salarié peut être contraint au payement de l’impôt en cas de violation par l’employeur de son obligation de retenir l’impôt dû : 1. s’il est complice du non-paiement de la retenue et 2. si la retenue n’a pas été faite correctement.

En l’espèce, le premier cas d’ouverture n’est pas donné. Le tribunal ne dispose d’aucun élément pour retenir que Madame … soit complice du du non-paiement de la retenue.

Cependant le deuxième cas d’ouverture se trouve vérifié en l’espèce, étant donné qu’il est constant que la retenue n’a pas été dûment opérée par l’employeur.

C’est dès lors à bon droit que Madame … a pu être contrainte au paiement de la retenue manquante en application de l’article 136 (5) 2 LIR.

Même en retenant la thèse de la demanderesse, à savoir qu’elle n’était pas imposable par voie d’assiette malgré sa demande y relative, il n’en reste pas moins qu’elle-même est et reste débitrice de la retenue manquante et qu’elle a pu être contrainte en application de l’article 136 (5) 2 LIR au paiement de celle-ci.

De tout ce qui précède, il résulte que c’est dès lors à bon droit que la décision directoriale attaquée du 19 septembre 2002 a déclaré la réclamation de Madame … non fondée.

Le présent recours laisse dès lors à son tour d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique du 19 mai 2003 :

M. Delaporte, vice-président, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15460
Date de la décision : 19/05/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-05-19;15460 ?

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