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14/05/2003 | LUXEMBOURG | N°16382

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 mai 2003, 16382


Numéro 16382 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mai 2003 Audience publique du 14 mai 2003 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre un arrêté du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16382 du rôle, déposée le 5 mai 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit

au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Ras-A...

Numéro 16382 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mai 2003 Audience publique du 14 mai 2003 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre un arrêté du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16382 du rôle, déposée le 5 mai 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Ras-Al-

Aïn (CEI), de nationalité russe, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à la réformation d’un arrêté du ministre de la Justice du 23 avril 2003 prononçant à son encontre une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 mai 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté entrepris;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Il ressort d’un procès-verbal référencé sous le numéro 11072 du centre d’intervention de Troisvierges de la police grand-ducale du 21 avril 2003 et d’une lettre télécopiée du 22 avril 2003 adressée par le service de la police judiciaire au ministère belge de l’Intérieur que Monsieur …, fit l’objet, en date du 21 avril 2003, d’un contrôle d’identité à bord d’une voiture arrêtée lors d’un contrôle routier et qu’il fit alors l’objet d’une mesure de rétention ordonnée en date du même jour par le substitut du procureur d’Etat près du tribunal d’arrondissement de Diekirch.

Monsieur … fut ensuite placé, par arrêté du ministre de la Justice du 23 avril 2003, notifié le même jour à l’intéressé, au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification dudit arrêté dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu le procès-verbal no 11072 du 21 avril 2003 établi par la Police grand-ducale ;

Considérant que le Parquet a prononcé une mesure de rétention en date du 21 avril 2003 ;

Considérant que l’intéressé est en possession d’une décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire belge ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’une demande de reprise a été adressée aux autorités belges ;

- qu’en attendant la réponse des autorités belges, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 5 mai 2003, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de l’arrêté ministériel de placement du 23 avril 2003.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre l’arrêté ministériel du 23 avril 2003. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le demandeur estime que le recours par le ministre à une mesure de placement sur base de l’article 15 de la loi prévisée du 28 mars 1972 constituerait une mesure disproportionnée dans ses effets, étant donné que l’article 12 de la même loi aurait constitué une base suffisante pour ordonner purement et simplement son refoulement vers la Belgique au vu de la résidence de sa famille dans ce pays, de manière que l’arrêté déféré devrait encourir l’annulation pour erreur manifeste d’appréciation.

Le demandeur conteste en outre l’existence dans son chef d’un danger de soustraction à son rapatriement, d’autant plus qu’il aurait sollicité son retour en Belgique auprès de sa famille.

Il ajoute que, dans la mesure où il aurait déclaré être entré au Grand-Duché à partir de la Belgique, ce dernier pays serait à considérer comme l’Etat vers lequel il aurait pu être refoulé immédiatement.

Il y a lieu de relever liminairement que le demandeur ne conteste pas que les conditions de fond d’un refoulement, se trouvant nécessairement à la base de l’arrêté de placement entrepris à défaut d’arrêté d’expulsion, se trouvent réunies en l’espèce.

Il est en outre constant en cause que le demandeur a fait l’objet, en Belgique, de deux décisions de la direction générale de l’office des étrangers du ministère belge de l’Intérieur portant, l’une, rejet de sa demande d’asile comme étant non fondée et, l’autre, « refus de séjour avec ordre de quitter le territoire », prise le 25 septembre 2001.

Il s’ensuit que le demandeur tombe directement dans les prévisions de l’article 10, 1.

de la Convention relative à la détermination de l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres des Communautés Européennes, signée à Dublin le 15 juin 1990, approuvée par une loi du 20 mai 1993, en ce sens qu’il se trouve visé soit par le point c) dudit article en tant que demandeur d’asile dont la demande est encore en cours d’examen et qui se trouve irrégulièrement dans un autre Etat membre, ceci dans l’hypothèse par lui alléguée d’un recours judiciaire avec effet suspensif encore pendant en Belgique, soit par le point e) du même article en qualité d’étranger dont la demande d’asile a été définitivement rejetée et qui se trouve irrégulièrement dans un autre Etat membre, étant précisé qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier soumis au tribunal que la Belgique aurait pris les dispositions nécessaires pour que le demandeur rentre dans son pays d’origine ou dans un autre pays où il aurait pu se rendre légalement.

Dans la mesure où la Convention de Dublin du 15 juin 1990 est un instrument de droit international régissant spécifiquement les droits et obligations des Etats membres de l’Union européenne face aux ressortissants d’Etats tiers ayant déposé une demande d’asile sur le territoire de l’Union européenne, elle doit trouver application en l’espèce, conformément au principe que les lois spéciales dérogent aux lois générales, par dérogation à toute disposition de droit international ou interne régissant d’une manière plus générale le statut des ressortissants d’Etats tiers.

Il s’ensuit que c’est à juste titre que le ministre a eu recours en l’espèce à la procédure spécifique instaurée par l’article 13 de ladite Convention du 15 juin 1990 en soumettant aux autorités belges une demande de reprise en charge préliminairement à l’exécution de toute mesure d’éloignement.

A cet égard, il ressort des éléments du dossier administratif que le service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale s’est adressé dès le 22 avril 2003 à la direction générale de l’office des étrangers du ministère belge de l’Intérieur en demandant la reprise du demandeur par renvoi à la décision de « refus de séjour avec ordre de quitter le territoire » belge prise à son égard et dont il était muni lors du contrôle policier prévisé du 21 avril 2003. En outre, le ministère de la Justice a saisi le 24 avril 2003 le même service de police judiciaire d’une demande d’enquête sur le demandeur et de confection de 3 photos et d’une fiche signalétique en vue de son éloignement, documents qui furent retournés au ministère par transmis du 30 avril 2003, parvenu au ministère de la Justice le 5 mai 2003. Enfin, le ministre de la Justice a soumis le 8 mai 2003 à l’office des étrangers du ministère belge de l’Intérieur une demande formelle de reprise en charge du demandeur en se prévalant expressément de la Convention susvisée du 15 juin 1990.

Au vu des diligences ainsi déployées, on ne saurait reprocher au ministre de ne pas avoir entrepris des démarches suffisantes en vue de l’éloignement du demandeur vers la Belgique, de manière que le reproche du demandeur quant à une appréciation manifestement erronée du ministre à cet égard laisse d’être fondé.

Quant au moyen du demandeur tiré de l’absence d’un danger de fuite dans son chef, il y a lieu de relever que Monsieur … fut placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière créé par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002. Dans la mesure où il n’est pas contesté que le demandeur était en situation irrégulière au regard de la loi prévisée du 28 mars 1972 et qu’il a subi une mesure de placement administrative sur base de l’article 15 de ladite loi en vue de son éloignement du territoire luxembourgeois, il rentrait directement dans les prévisions de la définition des « retenus » telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 portant création d’un Centre de séjour pour étrangers en situation irrégulière, de sorte que toute discussion sur l’existence d’un risque de porter atteinte à l’ordre public et d’un risque de fuite dans son chef s’avère désormais non pertinente en la matière, étant donné que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence éventuelle de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent par essence un risque de fuite, fût-il minime, justifiant leur rétention dans un centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise.

Au vu de ce qui précède les reproches tirés du prétendu défaut d’un danger de fuite en l’espèce sont également à rejeter comme étant non pertinents.

Il résulte des développements qui précèdent que le recours n’est fondé en aucun de ses moyens et doit partant être rejeté.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Ravarani, président M. Schockweiler, vice-président M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 14 mai 2003 par le président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Ravarani 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16382
Date de la décision : 14/05/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-05-14;16382 ?

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