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12/05/2003 | LUXEMBOURG | N°15844

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 mai 2003, 15844


Tribunal administratif N° 15844 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 janvier 2003 Audience publique du 12 mai 2003 Recours formé par Madame … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15844 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 janvier 2003 par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, assisté de Maître Cyril CHAPON, avocat, les deux inscrits au tableau d

e l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, épouse …, née le … à Zhdanov (Uk...

Tribunal administratif N° 15844 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 janvier 2003 Audience publique du 12 mai 2003 Recours formé par Madame … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15844 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 janvier 2003 par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, assisté de Maître Cyril CHAPON, avocat, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, épouse …, née le … à Zhdanov (Ukraine), demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision implicite de rejet du ministre de la Justice relativement à sa demande en obtention d’une autorisation de séjour ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 mars 2003 ;

Vu le mémoire en réplique de la demanderesse déposé au greffe du tribunal administratif le 21 mars 2003 ;

Vu les pièces versées en cause ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Cyril CHAPON, en remplacement de Maître Philippe STROESSER, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Madame …, épouse divorcée en premières noces de Monsieur …, a épousé le 20 juillet 2001 Monsieur …, de nationalité française, demeurant à ….

Sur base dudit mariage, une première autorisation de séjour datée au 12 septembre 2001 a été délivrée à Madame … jusqu’au 31 août 2002.

Suivant courriers de son mandataire des 23 août et 2 octobre 2002, Madame … sollicita la délivrance d’une nouvelle autorisation de séjour d’une durée égale à celle délivrée à son époux, Monsieur ….

Restant sans réponse de la part du ministre de la Justice suite à ses demandes, Madame … a déposé en date du 9 janvier 2003 un recours contentieux tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle implicite de rejet découlant du silence gardé pendant plus de trois mois suite à l’introduction de sa demande en obtention d’un permis de séjour en date du 23 août 2002.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, introduit en ordre principal, au motif qu’un tel recours n’est pas prévu en la matière.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (cf. trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 4 et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande principale en réformation de la décision critiquée. Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse expose qu’elle est venue au Luxembourg pour épouser Monsieur …, ressortissant français, qu’elle a effectivement contracté mariage en date du 20 juillet 2001 et qu’une autorisation de séjour provisoire lui a été délivrée le 21 septembre 2001 jusqu’au 31 août 2002. Conformément aux dispositions inscrites à l’article 3 alinéa 2 du règlement grand-ducal du 28 mars 1972 relatif aux conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers faisant l’objet de conventions internationales et à l’article 10 du règlement CEE n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968, elle aurait sollicité une nouvelle demande en autorisation de séjour par courrier du 23 août 2002, demande qui n’aurait cependant connu aucune suite. Elle conclut partant à l’annulation de la décision critiquée, malgré le fait qu’elle serait actuellement en instance de divorce, étant donné que le lien matrimonial ne serait pas dissous à ce jour.

Le délégué du gouvernement relève que suivant un rapport établi par la police grand-

ducale d’Ettelbruck en date du 27 décembre 2002, la demanderesse entretiendrait une relation extraconjugale depuis septembre 2001 et qu’il ressortirait dudit procès-verbal qu’elle se serait uniquement mariée avec Monsieur … afin de bénéficier des droits de résidence et de travail qui sont réservés à un conjoint d’un ressortissant communautaire. Etant donné que l’hypothèse d’un mariage blanc serait clairement donnée, ce serait à bon droit que le ministre de la Justice n’a pas accordé un titre de séjour à la demanderesse.

La légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise. Il appartient aux juges de vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute.

S’il est certes constant en l’espèce que les époux …-… sont en instance de divorce et que suivant ordonnance de référé du premier juge au tribunal d’arrondissement de Diekirch du 15 octobre 2002, la résidence séparée a été prononcée entre Monsieur … et Madame …, que cette dernière s’est vue allouer une pension alimentaire à titre personnel de 250 € par mois et qu’elle réside à l’heure actuelle séparée de son époux à l’ancien domicile commun à E., il n’en demeure cependant pas moins que leur mariage n’est pas dissous à l’heure actuelle.

Il se dégage encore des pièces versées au dossier que l’époux de la demanderesse est ressortissant français occupant au Luxembourg un emploi salarié au sens de l’article 1er du règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972, précité. Il s’ensuit que les dispositions du règlement grand-ducal sont également applicables à Madame …, en sa qualité de conjoint d’une personne visée sub 1) de l’article 1er dudit règlement grand-ducal, ceci au vœu même des dispositions inscrites sub 8), dudit article 1er.

L’article 3 du règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972, précité, en disposant que « les personnes mentionnées à l’article 1er sub 1) à 10), âgées de plus de 15 ans, qui se proposent de résider au Luxembourg plus de trois mois, obtiennent une carte de séjour », consacre dès lors directement dans le chef de la demanderesse le droit à une carte de séjour au Luxembourg, le droit ainsi consacré au niveau de la législation nationale découlant par ailleurs directement de l’article 10 du règlement CEE n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968, qui confère aux ressortissants d’un Etat tiers mariés avec un ressortissant communautaire, le droit de s’installer avec leur conjoint sur les territoires d’un Etat membre de l’Union Européenne.

Dans la mesure où ce droit au séjour dérivé à partir du droit à la libre circulation d’un ressortissant communautaire repose directement sur le lien matrimonial les unissant, ce droit est appelé à perdurer, tant que le lien matrimonial n’est pas dissous, exception faite d’un mariage blanc (cf. trib. adm. 18 juillet 2001, n° 13027 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 107 et autre référence y citée), hypothèse invoquée par le délégué du gouvernement comme motif à la base de la décision déférée.

Or, en l’espèce, il ressort uniquement du procès-verbal établi par la police grand-

ducale en date du 27 septembre 2002 que Madame … entretient une relation extraconjugale depuis septembre 2001 et que les époux …-… sont actuellement en instance de divorce, sans qu’il ne soit établi que ledit mariage aurait été d’emblée un mariage blanc, alors que la réalité d’un ménage commun et d’une vie intime se dégage des reproches formulés par Monsieur … dans l’assignation en divorce du 14 août 2002.

Il s’ensuit que le motif de refus basé sur l’hypothèse du mariage blanc n’est pas de nature à justifier, en l’état actuel du dossier, la décision ministérielle critiquée.

S’il est encore exact que l’autorisation de séjour peut en principe être refusée lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, tel que retenu dans la décision explicite du 22 janvier 2003, il n’en reste pas moins que la situation de la demanderesse s’inscrit dans le cadre plus spécifique du règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972, précité, de sorte que le droit de séjourner au Grand-Duché de Luxembourg se dégageant dans son chef des dispositions dudit règlement grand-ducal, ne saurait être mis en échec par application de la règle générale relative à l’existence de moyens d’existence personnels dans son chef.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à tort que le ministre de la Justice a refusé l’autorisation de séjour au profit de Madame …, étant entendu qu’en sa qualité de ressortissante d’un Etat tiers, assimilée à un ressortissant communautaire, Madame … avait droit à la délivrance d’une autorisation de séjour au même titre que les ressortissants communautaires habitant au Luxembourg.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare justifié, partant annule la décision du ministre de la Justice se dégageant de son silence pendant plus de trois mois suite à la demande du 23 août 2002 et renvoie le dossier pour prosécution de cause audit ministre ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 12 mai 2003 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15844
Date de la décision : 12/05/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-05-12;15844 ?

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