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12/05/2003 | LUXEMBOURG | N°15159

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 mai 2003, 15159


Tribunal administratif N° 15159 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 juillet 2002 Audience publique du 12 mai 2003

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Recours formé par Madame …, épouse … contre deux décisions du ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière de candidature

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 15159 et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 juillet 2002

par Maître Monique WATGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembou...

Tribunal administratif N° 15159 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 juillet 2002 Audience publique du 12 mai 2003

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Recours formé par Madame …, épouse … contre deux décisions du ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière de candidature

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 15159 et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 juillet 2002 par Maître Monique WATGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, épouse …, pédagogue curative, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports du 27 février 2002 refusant sa candidature pour le poste de chargée de direction auprès du Centre d’éducation différenciée de W. et de la lettre confirmative du même ministre du 20 mars 2002, rendue sur recours gracieux, confirmant la décision initiale en exposant plus amplement les motifs se trouvant à la base de la décision du 27 février 2002 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 août 2002 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom de la demanderesse au greffe du tribunal administratif le 24 septembre 2002 ;

Vu le mémoire en duplique déposé par le délégué du gouvernement au greffe du tribunal administratif le 18 octobre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Monique WATGEN, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Par une lettre circulaire datée au 14 janvier 2002, adressée à tous les chargés de la direction des services, centres et instituts spécialisés de l’Education différenciée, la directrice de l’Education différenciée porta à l’attention des destinataires de ladite circulaire le fait qu’à partir du 1er mars 2002 serait vacant le poste de chargé de la direction du Centre d’éducation différenciée de W., en priant d’en informer les membres de leur personnel « susceptibles de poser leur candidature pour la fonction en question, conformément à l’article 18 de la loi du 14 mars 1973 portant création d’instituts et de services d’Education différenciée », en attirant encore l’attention sur le fait que « par la loi de 1973 » les éducateurs « portent aujourd’hui le titre d’éducateurs gradués suite à la loi du 6 août 1990 portant organisation des études éducatives et sociales (Art. 33) ».

Par courrier du 26 janvier 2002, réceptionné par le ministère de l’Education nationale le 29 jour du même mois, Madame …, épouse … introduisit, en sa qualité de pédagogue curative diplômée au Centre d’éducation différenciée de W., sa candidature pour le poste de chargée de la direction du même centre, en estimant disposer des compétences requises pour assumer lesdites fonctions, en se basant à ce titre sur sa formation de pédagogue curative diplômée à l’institut de pédagogie curative de l’université de Fribourg (Suisse), sur sa longue expérience professionnelle dans ledit centre depuis le mois de septembre 1978, et sur ses « nombreuses formations continues à l’institut de l’enseignement spécialisé à Lausanne et à l’institut supérieur d’études et de recherches pédagogiques de Walferdange ».

Par lettre du 27 février 2002, le ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports, ci-après désigné « le ministre », refusa la candidature de Madame … pour le poste précité, au motif que « celle-ci ne satisfait pas aux conditions stipulées à l’article 18, section II du texte coordonné de la loi du 14 mars 1973 portant création d’instituts et de services d’éducation différenciée », en l’informant en outre que « le poste en question a (…) été attribué à un candidat qui satisfait aussi bien aux conditions légales exigées en la matière qu’à l’expérience professionnelle requise ».

A la suite d’un recours gracieux introduit par le mandataire de Madame … auprès du ministre en date du 14 mars 2002, dirigé contre la décision précitée du 27 février 2002, le ministre confirma sa décision initiale par un courrier du 20 mars 2002 adressé audit mandataire, en exposant ce qui suit :

« Il ressort de votre courrier du 12 mars 2002 que vous n’êtes pas convaincue par la thèse défendue par mon Ministère en matière d’exclusion du pédagogue curatif pour l’accession au poste de chargé de direction, dont vous mettez en cause la justification légale.

Vous affirmez que c’est en particulier le dernier alinéa de la première page de mon courrier du 7 février 2002 qui vous pose problème, alors que vous n’auriez pas trouvé dans l’énumération du cadre du personnel prévue à l’article 18, section I, point 1, de la loi du 14 mars 1973 portant création d’instituts et de services d’Education différenciée les postes de pédagogues ou de sociologues. Il vous semblerait dès lors logique que de telles fonctions ne puissent pas entrer en ligne de compte pour occuper le poste de chargé de direction.

Concernant ce premier point, je me permets de vous rendre attentif au fait que la loi du 14 mars 1973 portant création d’instituts et de services d’Education différenciée a été modifiée ultérieurement par la loi du 10 janvier 1989, loi dont référence est faite dans le document annexé à votre courrier. Ainsi, ladite loi a introduit les fonctions de pédagogues et sociologues dans la carrière supérieure de l’administration, tout comme elle a d’ailleurs introduit le poste de pédagogue curatif dans la carrière moyenne de l’administration.

Au vu de ce qui précède, je maintiens ma position telle qu’exprimée dans mon courrier du 7 février 2002, en précisant toutefois et contrairement à ce que vous semblez croire, qu’il ne s’agit pas d’une thèse développée par mon Ministère mais bien de la situation légale telle qu’elle se présente à l’heure actuelle.

Vous estimez encore que mon Ministère ne respecterait pas sa propre interprétation en la matière, alors qu’il résulterait d’une de nos publications que la chargée de direction du Centre d’Observation d’Olm est un pédagogue curatif. Vous versez comme pièce justificative à cela un extrait de la loi du 9 juin 1989 modifiant et complétant la loi du 10 janvier 1989.

Selon vous, mon Ministère devrait adopter une position plus nette quant à cette question et appliquer sa décision de façon uniforme.

Permettez-moi, Maître, de ne pas partager votre point de vue.

En effet, la chargée de direction du Centre d’Observation d’Olm est dans une situation particulière, alors qu’elle a passé un examen-concours auprès de l’Etat dans la carrière de l’éducateur. C’est ainsi, que suite aux résultats de l’examen d’admission au stage d’éducateur, elle a été admise audit stage par arrêté ministériel daté de décembre 1976, pour finalement être nommée éducatrice dans les services de l’éducation différenciée par arrêté ministériel du 7 février 1978.

La personne en question a dès lors travaillé dès cette date auprès des services de l’Education différenciée de l’Etat en qualité d’éducatrice et a été nommée chargée de direction au Centre d’observation par arrêté ministériel en date du 1er février 1989.

Vous comprenez dès lors que mon Ministère n’a déjà à cette époque que fait application des dispositions légales en vigueur, puisque selon l’article 18 section II de la loi du 14 mars 1973 portant création d’instituts et de services d’Education différenciée un éducateur peut être désigné chargé de direction.

Vous faites finalement référence à la candidature de Madame Viviane …-… pour le poste de chargé de direction au Centre de W. qui aurait été écartée par courrier du 27 février 2002 au motif qu’en tant que pédagogue curatif, elle ne satisferait pas aux conditions légales.

Vous entendez attaquer cette décision et la nomination d’autrui devant le Tribunal administratif au cas où je ne confirmerai pas que les pédagogues curatifs satisfont aux conditions légales pour accéder au poste de chargé de direction.

Dans ce cadre, et au risque de me répéter, lors de la prise de la décision précitée je n’ai fait qu’appliquer la législation en vigueur à l’heure actuelle. Je tiens encore à préciser que vous n’êtes pas censée ignorer que dans le cadre de l’embauche de personnel, un poste n’est pas attribué à une personne uniquement parce qu’elle remplit les conditions légales pour accéder audit poste, mais d’autres critères concernant notamment la personne même du candidat sont pris en compte.

Dès lors, et contrairement à ce que vous semblez penser, même si Madame …-… aurait rempli les conditions légales lui permettant d’être désignée au poste de chargée de direction, cela ne veut pas pour autant dire que c’est elle qui aurait obligatoirement été choisie parmi tous les candidats. Vous semblez en effet faire dépendre ma décision uniquement de conditions légales qui ne sauraient cependant pas être le seul facteur déterminant pour un engagement.

Finalement, je tiens à vous informer que je ne puis vous confirmer que les pédagogues curatifs satisfont aux conditions légales pour accéder au poste de chargé de direction, alors que le législateur en a décidé autrement. Or, il n’est pas en mon pouvoir de substituer ma volonté à celle du législateur.

Je tiens encore une fois à préciser qu’en l’espèce je ne fais qu’interpréter et appliquer à la lettre un texte de loi».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 juillet 2002, Madame …, épouse …, a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des décisions ministérielles précitées des 27 février et 20 mars 2002.

C’est à bon droit que le délégué du gouvernement expose qu’il n’existe aucune disposition légale conférant compétence, à la juridiction administrative, pour statuer comme juge du fond en la matière, de sorte que le tribunal est incompétent pour connaître de la demande principale en réformation des décisions critiquées.

Aucun recours spécifique n’étant prévu en la matière, le recours en annulation, recours de droit commun, est donc en principe admissible contre les décisions critiquées.

Le délégué du gouvernement conclut toutefois à l’irrecevabilité du recours en annulation, dans la mesure où il est dirigé contre la lettre précitée du ministre du 20 mars 2002, en ce que cette lettre ne constituerait pas une décision administrative faisant grief, mais qu’il s’agirait au contraire d’une simple lettre d’explication et d’information.

En l’absence d’une prise de position quant à ce moyen d’irrecevabilité par la demanderesse, il échet au tribunal de constater qu’à la suite de la décision prise par le ministre en date du 27 février 2002 de ne pas faire droit à la candidature de Madame …, le mandataire de celle-ci a introduit, dans le délai légal, un recours gracieux à l’encontre de la décision initiale, tel que cela ressort plus particulièrement du 1er alinéa de la page 2 du courrier précité du mandataire de Madame … du 12 mars 2002, réceptionné par le ministre le 14 mars de la même année, à la suite duquel le ministre a confirmé sa décision initiale par un courrier du 20 mars 2002 en exposant, il est vrai, des explications supplémentaires quant au motif de refus de faire droit à la candidature de Madame …, ces précisions supplémentaires se justifiant en effet du fait que la lettre initiale de refus de faire droit à la demande de Madame … contient un motif de refus exposé de manière très sommaire. C’est partant à tort que le représentant étatique estime que la lettre confirmative du 20 mars 2002 constituerait une simple lettre d’information et d’explication, alors qu’en réalité il s’agit d’une décision confirmative de la décision initiale du 27 février 2002, de sorte que le moyen d’irrecevabilité est à écarter pour ne pas être fondé.

Pour le surplus, le recours en annulation, dans la mesure où il a été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse reproche tout d’abord au ministre d’avoir commis une violation de la loi, en ce qu’il n’aurait pas pris en considération sa candidature en vue d’occuper le poste de chargé de direction du centre d’éducation différenciée de W., alors que contrairement à ce qui a été retenu par le ministre, elle remplirait les conditions légales requises en vue d’occuper ce poste.

Elle reproche plus particulièrement au ministre d’avoir violé l’article 18 – II de la loi du 14 mars 1973 portant création d’instituts et de services d’éducation différenciée, en ce sens qu’à la suite de la modification apportée par l’article 2 de la loi du 10 janvier 1989 portant 1) la reprise des centres et services d’éducation différenciée de certaines communes, 2) modification de la loi précitée du 14 mars 1973 (…), 3) modification de la loi du 16 août 1968 portant création d’un centre de logopédie et de services audiométrique et orthophonique, 4) modification de la loi du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat, par lequel a été remplacé l’article 18, I – 1 de la loi précitée du 14 mars 1973, il existerait des « problèmes d’interprétation et d’application du texte légal », dans la mesure où les fonctions nouvellement créées, prévues dorénavant à l’article 18, I-1 de la loi précitée de 1973 n’ont pas été reprises à l’article 18, II de la même loi. Plus particulièrement, elle soutient que certaines des fonctions nouvellement créées par la loi précitée du 10 janvier 1989, et insérées à l’article 18, I précité, seraient plus élevées en grade que les fonctions énumérées par l’article 18, II de la même loi de 1973 sans pour autant donner droit à l’accès au poste de chargé de direction. A titre d’exemple, elle cite le cas de l’éducateur, qui serait classé au grade 8, et qui serait expressément visé par l’article 18, II de la loi précitée du 14 mars 1973 comme étant susceptible de postuler valablement pour un poste de chargé de direction, alors que le pédagogue curatif, qui correspondrait à ces fonctions, classé au grade 10, n’y donnerait pas droit. Elle estime partant qu’au regard des principes d’équité et d’égalité devant la loi, il y aurait lieu « d’interpréter l’article 18, II visé en ce sens que les fonctions nouvelles prévues par la loi du 10 janvier 1989, dans la mesure où elles rangent pour le moins dans le grade 8, donnent également accès au poste de chargé de direction ».

Au vu des considérations et arguments qui précèdent, elle estime que le ministre aurait effectué une fausse interprétation et application des dispositions de l’article 18 et plus particulièrement de celles de l’article 18,II de la loi précitée du 14 mars 1973, de sorte à entraîner l’annulation des deux décisions sous analyse.

Le délégué du gouvernement rétorque que le ministre n’aurait fait qu’appliquer à la lettre les dispositions légales et il estime que suivre l’approche préconisée par la demanderesse risquerait d’entraîner des décisions arbitraires, s’éloignant du texte légal en y rajoutant des fonctions susceptibles de postuler pour un poste de chargé de direction, qui n’y sont pas expressément énumérées.

Le représentant étatique s’oppose encore à l’interprétation faite par la demanderesse des textes légaux, en estimant qu’il ne suffirait pas qu’une fonction appartienne à une même carrière voire à une carrière supérieure en rang à celle qui donne expressément accès au poste de chargé de direction, pour qu’à son tour, cette fonction donne elle aussi accès audit poste.

Il s’oppose encore à voir appliquer, tel que sollicité par la demanderesse, les principes de l’équité et de l’égalité devant la loi, suivant lesquels, d’après l’argumentation de la demanderesse, toutes les fonctions nouvellement créées par la loi précitée du 10 janvier 1989, classées au moins au grade 8, devraient avoir accès au poste de chargé de direction, en soutenant au contraire que le ministre aurait fait une application exacte et littérale des dispositions légales applicables en la matière, en décidant que dans la mesure où le pédagogue curatif n’est pas visé par l’article 18, II de la loi précitée du 14 mars 1973, cette fonction ne saurait donner accès au poste de chargé de direction. Il explique dans ce contexte que non seulement la fonction de pédagogue curatif, mais également d’autres fonctions telles qu’insérées par la loi précitée du 10 janvier 1989 dans l’article 18, I de la loi précitée du 14 mars 1973, ne se seraient pas vues accorder la possibilité d’accéder au poste de chargé de direction. Il ne suffirait par ailleurs pas que cette situation soit perçue comme étant injuste, par la demanderesse, pour faire droit à ses conclusions, étant donné qu’en application de celles-ci, le ministre aurait dû se substituer au législateur, ce qui ne saurait toutefois être envisagé.

En application de l’article 18, II de la loi précitée du 14 mars 1973, « un chargé de direction par institut ou service peut être désigné par le ministre parmi les psychologues, les professeurs d’enseignement logopédique, les instituteurs d’enseignement spécial, les instituteurs et les éducateurs ainsi que les assistants sociaux et les assistants d’hygiène sociale ».

Il échet tout d’abord de constater, à la lecture de la disposition légale en question, que, d’une part, celle-ci contient une liste limitative des fonctions susceptibles de donner droit à l’accès à la fonction de chargé de direction et que, d’autre part, la fonction de pédagogue curatif, que la demanderesse déclare exercer, n’y est pas énumérée.

Il est vrai que par la loi précitée du 10 janvier 1989, a été remplacé l’article 18, I-1 de la loi précitée de 1973 en y faisant figurer une liste plus étendue d’emplois et de fonctions composant le cadre des instituts et des services d’éducation différenciée, comprenant dorénavant notamment la fonction de pédagogue curatif parmi les membres de la carrière moyenne de l’administration, sans qu’à la même occasion, n’ait cependant été modifié d’une quelconque manière l’article 18, II de la même loi de 1973.

Il est partant oiseux de discuter la question de savoir si le législateur ayant voté la loi précitée du 10 janvier 1989 aurait également dû modifier l’article 18, II de la loi précitée de 1973 afin d’y inclure d’autres fonctions que celles initialement énumérées dans l’article 18, II en question, notamment certaines de celles nouvellement énumérées à l’article 18, I-1 précité, étant donné qu’il n’appartient ni au ministre, ni à une juridiction de se substituer à la volonté claire et précise du législateur.

Le ministre a partant appliqué le texte de loi correctement et le moyen d’annulation analysé ci-avant est partant à rejeter, pour ne pas être fondé, sans qu’il y ait encore lieu d’analyser plus en détail l’argumentation développée par la demanderesse tendant à établir que le ministre interpréterait, pour d’autres fonctions, et plus particulièrement celles de l’éducateur, les dispositions légales applicables, ci-avant citées, d’une manière « assez libre », étant donné que non seulement le tribunal, dans le cadre du présent litige, n’a pas à prendre position sur la question de savoir dans quelle mesure les fonctions d’éducateur ou d’éducateur gradué donnent droit à l’accès à la fonction de chargé de direction, car, d’une part, la demanderesse a elle-même déclaré, dans le cadre de ce moyen, se baser sur ses fonctions de pédagogue curative pour faire valoir son droit à l’accès à la fonction de chargé de direction et, d’autre part, le délégué du gouvernement, dans son mémoire en réponse, a, à bon droit, conclu au rejet l’argumentation de la demanderesse en expliquant que la demanderesse a tort de reprocher au ministre une interprétation « libre » des dispositions légales concernées, en détaillant les raisons pour lesquelles, en ce qui concerne la fonction de l’éducateur, il aurait, par sa circulaire précitée du 14 janvier 2002, fait une exacte application des dispositions légales en vigueur.

Il échet encore d’ajouter qu’en ce qui concerne une prétendue violation du principe de l’égalité des citoyens devant la loi, la demanderesse n’a pas apporté et soumis au tribunal des éléments pertinents et concluants permettant à la juridiction d’analyser une éventuelle violation dudit principe constitutionnel, étant donné que pour soutenir son droit à l’accès au poste de chargé de direction, en sa qualité de pédagogue curative, elle fait état d’un certain laxisme dont ferait preuve le ministre quant aux fonctions d’éducateur ou d’éducateur gradué qui auraient droit à l’accès au poste en question, les deux situations n’étant pas comparables, dans la mesure où il ne s’agit pas des mêmes fonctions, et partant pas de la même situation de fait. En effet, pour pouvoir analyser une prétendue violation de l’égalité des citoyens devant la loi, il est indispensable que les différentes personnes qu’on entend comparer entre elles, notamment par rapport à leur situation légale, doivent obligatoirement se trouver dans la même situation de fait et de droit, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, en raison de ce que les situations de fait que la demanderesse entend faire comparer ont trait à des fonctions différentes.

En outre, le tribunal, qui doit rester dans le cadre du litige qui lui a été soumis par l’effet de la requête introductive d’instance, n’a pas non plus à prendre position sur les développements de la demanderesse portant sur l’allocation d’une indemnité spéciale à accorder au chargé de direction en vertu de la dernière phrase de l’article 18, II de la loi précitée du 14 mars 1973, étant donné que cette question excède l’objet du litige et que même s’il devait s’avérer que le régime légal ainsi mis en place ne pourrait pas ou ne pourrait plus donner lieu à des applications, pour des raisons juridiques que le tribunal n’a pas à examiner dans le cadre du présent litige, une telle situation ne saurait influer d’une quelconque manière sur la demande actuellement soumise à la juridiction.

Enfin, il n’appartient certainement pas à la juridiction administrative de se substituer au législateur et, même au cas où un texte de loi actuellement en vigueur serait considéré, par une partie à l’instance, comme n’étant « plus cohérent et plus équitable », de le remplacer, par une interprétation extensive allant le cas échéant jusqu’à contredire le sens même des termes utilisés par le texte légal, « afin d’éviter des injustices criantes et des anomalies » , suivant les termes mêmes de la demanderesse. Au cas où de telles injustices résulteraient de l’application du texte légal sous analyse, aboutissant à des situations inéquitables, il appartiendrait au législateur d’assumer ses responsabilités politiques afin de remplacer ledit texte légal par un texte plus cohérent et s’intégrant mieux dans l’agencement général des lois applicables en la matière.

En ordre subsidiaire, la demanderesse soutient avoir exercé jusqu’en juillet 1989, la fonction d’«éducatrice », qui donnerait expressément accès au poste de chargé de direction d’un centre d’éducation différenciée. A ce titre, elle fait référence à l’arrêté grand-ducal du 13 juillet 1989, par lequel elle a été « nommée pédagogue curative dans les services de l’éducation différenciée à partir du 1er août 1989 », ledit arrêté grand-ducal mentionnant qu’antérieurement elle avait été « engagée en qualité d’éducatrice auprès de la commune d’E.

et affectée au centre d’éducation différenciée d’E./W. ». Elle estime dans ce contexte qu’il suffirait qu’« à une époque de sa carrière », elle ait exercé les fonctions d’éducatrice, pour qu’elle puisse avoir droit à l’accès au poste de chargé de direction, en exposant pour le surplus que le fait qu’après l’exercice de ses fonctions d’éducatrice, elle avait obtenu une fonction plus élevée, à savoir celle de pédagogue curative, ne saurait constituer un empêchement à l’exercice du droit dont elle déclare disposer.

A ce titre, le délégué du gouvernement expose qu’effectivement, il a connaissance du fait que la demanderesse avait été engagée par diverses administrations communales notamment en tant qu’éducatrice, en relevant toutefois qu’à aucun moment, le ministère de l’Education nationale n’a eu une connaissance d’une nomination officielle de la demanderesse à une telle fonction.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse fait valoir qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir exercé ses fonctions d’éducatrice auprès de l’Etat, en soutenant au contraire qu’il devrait être tenu compte de l’exercice desdites fonctions notamment auprès de la commune d’E. avant son entrée au service de l’Etat en date du 1er août 1989.

Elle expose encore dans ce contexte que l’article 18, II de la loi précitée du 14 mars 1973 ne contiendrait pas la condition suivant laquelle l’éducateur y visé doit avoir accompli toute sa carrière auprès de l’un des services de l’Etat, en ajoutant qu’il ne saurait être fait une discrimination entre les agents communaux et les fonctionnaires de l’Etat.

Dans son mémoire en duplique, le représentant étatique ajoute que le ministre n’a à aucun moment posé l’exigence suivant laquelle la demanderesse aurait dû exercer la fonction d’éducateur auprès de l’un des services de l’Etat, mais qu’il voulait simplement souligner qu’à aucun moment, la demanderesse n’avait fait état de sa fonction d’éducateur auprès de diverses communes du pays, de sorte que le ministre ne pouvait en avoir connaissance, ce fait ne ressortant par ailleurs pas de son dossier personnel. Ainsi, plus particulièrement, au moment où elle avait posé sa candidature au poste de chargé de direction, elle aurait exclusivement fait état de son diplôme de fin d’études secondaires ainsi que de son diplôme de pédagogue curative sans faire mention en aucune manière de ses fonctions antérieures d’éducateur, de sorte que le ministre, en prenant les décisions litigieuses, ne pouvait prendre position sur la question de savoir si, en sa qualité d’éducateur auprès de diverses communes du pays, la demanderesse était susceptible de poser sa candidature en vue d’accéder au poste de chargé de direction.

Il échet tout d’abord de relever, comme l’a fait à bon droit le délégué du gouvernement, que tant dans sa demande du 26 janvier 2002, réceptionnée par le ministère d’Education nationale le 29 jour du même mois, que dans son recours gracieux introduit par l’intermédiaire de son mandataire par courrier du 12 mars 2002, précité, Madame … a postulé pour le poste de chargé de direction en sa qualité de pédagogue curative, sans faire en aucune manière référence à ses fonctions antérieures exercées en tant qu’éducatrice, ou au titre d’éducateur qui lui aurait été attribué par diverses communes du pays, de sorte que le ministre, sur base des seuls faits qui lui ont été soumis par la demanderesse, ne pouvait prendre position que par rapport à la fonction dont la demanderesse faisait elle-même état, sans qu’il était en mesure de prendre position le cas échéant sur l’incidence des fonctions d’éducatrice exercées antérieurement par elle. Un reproche ne saurait partant être adressé audit ministre de ce fait, de sorte que les décisions litigieuses n’encourent pas l’annulation de ce chef, étant entendu pour le surplus que le simple engagement par une administration communale de la demanderesse en tant qu’éducatrice ne saurait établir ipso facto qu’elle remplissait les conditions légalement requises afin d’exercer une telle fonction dans le respect des conditions légales et réglementaires en vigueur.

En ce qui concerne encore l’argumentation développée par la demanderesse à propos de la « soit disante désignation récente d’une éducatrice graduée à un poste de chargé de direction » qui aurait été faite au mépris des dispositions légales applicables, il échet de relever que dans la mesure où la demanderesse n’a pas dirigé son recours contre une éventuelle décision de nomination d’une tierce personne à un poste de chargé de direction, l’argumentation ainsi développée dépasse le cadre du litige qui ne porte que sur le refus d’accès de la demanderesse au poste de chargé de direction, de sorte que le tribunal ne saurait y prendre position.

Enfin, la demanderesse reproche au ministre de ne pas lui appliquer le même traitement que celui qu’il aurait accordé à une « pédagogue curative » qui aurait été nommée au poste de chargé de direction du centre d’éducation différenciée d’Olm, et d’avoir commis ainsi un « excès sinon détournement de pouvoir ».

Dans son mémoire en réponse, le représentant étatique soutient qu’en ce qui concerne la personne nommée aux fonctions de chargé de direction du centre d’Olm, celle-ci aurait antérieurement exercé les fonctions d’éducatrice auprès de « l’éducation différenciée », de sorte qu’elle aurait valablement pu avoir accès audit poste. Il soutient dans ce contexte que la situation de la demanderesse ne serait pas identique à celle de la personne en question, ni en droit ni en fait, dans la mesure où la première nommée aurait débuté sa carrière dans le cadre des services de l’éducation différenciée en tant que stagiaire-éducatrice et aurait travaillé en tant qu’éducatrice dans les mêmes services depuis 1978. Ce serait ensuite, en sa qualité d’éducatrice, qu’elle aurait été nommée au poste de chargée de direction, cette nomination ayant eu lieu par arrêté grand-ducal en date du 1er février 1989, cette date étant antérieure à la nomination de cette personne en tant que pédagogue curative, cette dernière étant intervenue par arrêté grand-ducal du 13 juillet 1989. Au contraire, Madame … qui déclare avoir effectivement travaillé en tant qu’éducatrice pour des communes, n’aurait à aucun moment rapporté la preuve qu’elle aurait eu une nomination en tant qu’éducatrice auprès des services de l’Etat, en rapportant simplement la preuve de sa nomination en tant que pédagogue curative dans les services de l’éducation différenciée par arrêté grand-ducal du 13 juillet 1989.

Il échet de relever tout d’abord qu’en substance, le moyen en question tend à voir démontrer la violation de l’égalité des citoyens devant la loi, dans la mesure où la demanderesse, ainsi que la chargée de direction d’Olm, qui se serait trouvée dans la même situation, se serait vue appliquer des décisions administratives différentes.

Dans ce contexte, il échet, d’une part, de rappeler que même au cas où il s’avérerait que la personne nommée au poste de chargé de direction du centre d’Olm se serait vue nommer à ces fonctions en sa seule qualité de pédagogue curative, en violation des dispositions légales applicables, la demanderesse ne saurait tirer d’une telle nomination aucun droit quant à sa situation personnelle, dans la mesure où elle ne saurait exiger l’application à sa personne d’une situation de droit créée en faveur d’une autre personne, même si celle-ci se trouvait dans les mêmes conditions de droit et de fait qu’elle-même, au mépris des dispositions légales, et, d’autre part, de constater qu’il ressort des pièces versées au tribunal que l’actuelle chargée de direction du centre d’Olm bénéficiait d’une nomination en tant qu’éducatrice aux services de l’éducation différenciée par un arrêté ministériel du 21 décembre 1973 versé en photocopie parmi les pièces du dossier. Une nouvelle nomination de ladite personne à la fonction d’éducatrice pour les besoins de l’éducation différenciée a été effectuée par le conseil de gouvernement lors de sa séance du 26 novembre 1976, tel que cela ressort d’une lettre adressée par le ministre de la Fonction publique en date du 2 décembre 1976 au ministre de l’Education nationale.

Il ressort encore d’un arrêté ministériel du 10 décembre 1976, que la personne à laquelle Madame … se compare, a été admise au stage d’éducateur et que par un arrêté ministériel du 7 février 1978 signé par le ministre de l’Education nationale, la personne en question a été nommée éducatrice dans les services de l’éducation différenciée, sa prestation de serment ayant eu lieu le 14 mars 1978.

S’il est vrai que la personne en question a effectivement été nommée chargée de direction « du centre d’observation » par arrêté ministériel du 1er février 1989, il n’en reste pas moins que contrairement à la situation de la demanderesse, cette nomination s’est effectuée au motif que la personne en question avait exercé les fonctions d’éducatrice aux services de l’éducation différenciée, une situation de fait qui est différente de celle de la demanderesse qui s’est basée sur ses fonctions de pédagogue curative pour avoir droit à la même nomination, de sorte que dans la mesure où les situations sont différentes en fait entre les deux personnes, une violation du principe de l’égalité des citoyens devant la loi n’est pas établie, de sorte que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours n’est pas fondé et qu’il doit être rejeté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 12 mai 2003, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 11


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15159
Date de la décision : 12/05/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-05-12;15159 ?

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