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07/05/2003 | LUXEMBOURG | N°15653

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 mai 2003, 15653


Tribunal administratif Numéro 15653 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 novembre 2002 Audience publique du 7 mai 2003 Recours formé par les époux … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15653 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 novembre 2002 par Maître Isabelle HOMO, avocat à la Cour, assistée de Maître Sandra CORTINOVIS, avocat, toutes les deux inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M

onsieur …, né … , et de son épouse, Madame … …-…, née le … , agissant pour eux-mêmes...

Tribunal administratif Numéro 15653 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 novembre 2002 Audience publique du 7 mai 2003 Recours formé par les époux … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15653 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 novembre 2002 par Maître Isabelle HOMO, avocat à la Cour, assistée de Maître Sandra CORTINOVIS, avocat, toutes les deux inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né … , et de son épouse, Madame … …-…, née le … , agissant pour eux-mêmes, ainsi qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs … …, né le …, et … …, née le… , tous les deux nés au Luxembourg, tous de nationalité macédonienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice intervenue le 18 juin 2002, rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision implicite de confirmation dudit ministre se dégageant de son silence observé pendant plus de trois mois par rapport au recours gracieux par eux introduit en date du 25 juillet 2002 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 février 2003 ;

Vu la constitution de nouvel avocat de Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, formulée oralement à l’audience ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Frank WIES, en remplacement de Maître Olivier LANG, et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 avril 2003.

Après avoir fait l’objet en juin 1997 d’une première décision leur refusant le statut de réfugié au Luxembourg au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève », Monsieur … et son épouse Madame … …-…, agissant en leur nom personnel, ainsi qu’en celui de leurs enfants mineurs … et …, introduisirent une nouvelle demande en reconnaissance du statut de réfugié en date du 17 septembre 2001.

Le même jour les époux …-… furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

D’un courrier des autorités allemandes respectivement du 24 octobre 2001 et du 4 décembre 2001, il résulte que les époux …-… ont introduit le 31 juillet 1997 une demande en reconnaissance du statut de réfugié en Allemagne, que la procédure d’asile a été clôturée négativement depuis le 8 janvier 1999 et que leur disparition a été enregistrée le 17 septembre 2001.

Le 3 décembre 2001 les époux …-… furent entendus séparément par un agent du ministère de la Justice sur leur situation et sur les motifs à la base de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 18 juin 2002, leur notifiée en date du 27 juin 2002, le ministre de la Justice informa les époux …-… de ce que leur demande avait été refusée comme non fondée au motif qu’ils n’invoqueraient aucune crainte raisonnable de persécution du fait de leurs opinions politiques, de leur race, de leur religion, de leur nationalité ou de leur appartenance à un groupe social.

Par courrier de leur mandataire datant du 24 juillet 2002, les époux …-… firent introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 18 juin 2002, rencontré par une décision confirmative du 20 novembre 2002.

Les époux …-… ont fait déposer, tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs, un recours en réformation sinon en annulation contre la décision ministérielle de refus du 18 juin 2002 et celle implicite confirmative se dégageant du silence observé par le ministre par rapport à leur recours gracieux, par requête datant du 25 novembre 2002.

Même si les demandeurs ont visé dans leur requête une décision implicite de rejet, il y a lieu d’admettre, en présence d’une décision explicite confirmative du 20 novembre 2002, versée au dossier, que les époux …-… ont entendu diriger leur recours contre la décision confirmative de refus du 20 novembre 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

En premier lieu les époux …-… reprochent au ministre de la Justice que les deux décisions prises à leur encontre manqueraient de motivation.

En ce qui concerne le défaut de motivation soulevé par les demandeurs, force est de constater que ce moyen manque de pertinence. En effet, la décision du ministre de la Justice du 18 juin 2002 est suffisamment motivée. Les faits tels que résumés dans la décision du 18 juin 2002 correspondent aux faits sous-jacents à la demande d’asile des demandeurs et les motifs de refus sont explicitement énoncés.

Quant au fond, les demandeurs exposent qu’ils font partie de la minorité ethnique des Bochniaques et qu’ils sont de religion musulmane. Ils font valoir qu’ils seraient rejetés aussi bien par les Macédoniens que par les Albanais. Ils invoquent qu’ils n’auraient aucun droit et qu’aucun représentant ne se chargerait de faire respecter leurs droits. En ce qui concerne plus précisément Monsieur …, ils font valoir qu’il risquerait d’encourir une forte peine de prison alors qu’il aurait refusé de faire son service militaire malgré trois convocations dont la dernière daterait de janvier 2001. Ils exposent qu’en cas de retour dans leur pays Monsieur … serait condamné à une forte peine de prison totalement disproportionnée à l’infraction commise.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que leur recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d’asile, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

Malgré le fait que le « Bundesamt für ausländische Flüchtlinge » a attesté que les époux …-… ont été déboutés de leur demande d’asile en date du 8 janvier 1999 et que leur disparition du territoire allemand fut enregistrée le 17 septembre 2001, à savoir le jour même de la seconde demande d’asile posée au Luxembourg, ils continuent à nier qu’ils ont été demandeurs d’asile en Allemagne. Cette contradiction est de nature à ébranler sérieusement la véracité et la crédibilité des déclarations de Monsieur et Madame …-….

Même à admettre la véracité des déclarations des demandeurs, quod non, il y a lieu de retenir que l’examen des déclarations faites lors de leurs auditions respectives, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures non contentieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Concernant le motif invoqué de l’insoumission de la part de Monsieur …, il convient en effet de rappeler que celle-ci n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié. Le tribunal constate que la décision ministérielle de refus est légalement justifiée par le fait que la paix s’est établie dans la région originaire des demandeurs, de sorte qu’il n’est pas établi qu’actuellement Monsieur … risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables. Il convient par ailleurs de relever qu’ils n’établissent pas à suffisance de droit qu’une condamnation serait encore susceptible d’être prononcée à son encontre du chef d’une éventuelle insoumission, voire qu’un jugement déjà prononcé serait encore effectivement exécuté, ceci au vu de l’évolution de la situation actuelle en Macédoine et plus particulièrement de la loi d’amnistie votée par le parlement macédonien en mars 2002.

Il y a lieu de relever par ailleurs que la situation générale des membres de minorités ethniques, en l’espèce celle des Bochniaques, n’est pas telle que tout membre de cette minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève. Une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considérés individuellement et concrètement, les demandeurs d’asile risquent de subir des persécutions. Or, en l’espèce, les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit une crainte personnelle de persécution, voire une incapacité des autorités en place d’assurer leur protection.

Il résulte des développements qui précèdent que les demandeurs restent en défaut d’établir une crainte raisonnable de persécution leur rendant leur retour dans leur pays impossible, de sorte que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 mai 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. SCHMIT s. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15653
Date de la décision : 07/05/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-05-07;15653 ?

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