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05/05/2003 | LUXEMBOURG | N°15435

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 mai 2003, 15435


Tribunal administratif N° 15435 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 octobre 2002 Audience publique du 5 mai 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Intérieur et une décision du conseil communal de Bous, ainsi que divers actes préparatoires en matière de plan d’aménagement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15435 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 octobre 2002 par Maître Marc THEWES, avocat à la

Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, ten...

Tribunal administratif N° 15435 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 octobre 2002 Audience publique du 5 mai 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Intérieur et une décision du conseil communal de Bous, ainsi que divers actes préparatoires en matière de plan d’aménagement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15435 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 octobre 2002 par Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation 1) de la décision du ministre de l’Intérieur du 4 juin 2002 de rétracter une décision prise par lui-même le 15 janvier 2002 portant approbation d’une délibération du conseil communal de Bous prise le 2 juin 1999, 2) de la décision du conseil communal de Bous du 23 janvier 2001 de ne pas inclure un terrain lui appartenant à l’intérieur du périmètre d’agglomération de ladite commune, tel qu’il a été fixé par le plan d’aménagement général adopté le même jour, et 3) « pour autant que de besoin » de l’ensemble des actes préparatoires de la susdite décision, notamment une lettre du ministre de l’Intérieur du 31 juillet 2000, les décisions ministérielles des 15 janvier 2002 rejetant les réclamations du demandeur et 4 juin 2002 portant approbation des la délibération du conseil communal de Bous précitée du 23 janvier 2001 et déclarant non fondées les réclamations du demandeur ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 16 octobre 2002 portant signification de ce recours à l’administration communale de Bous ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2002 par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en nom et pour compte de l’administration communale de Bous ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 9 janvier 2002 par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 6 février 2003 en nom et pour compte du demandeur, lequel mémoire a été notifié par voie de télécopie au mandataire de l’administration communale de Bous le 4 février 2003 ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 7 février 2003 en nom et pour compte de l’administration communale de Bous ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maîtres Marc THEWES et Georges KRIEGER, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Par délibération du 14 juillet 1998, le conseil communal de Bous, statuant à l’unanimité, adopta provisoirement le nouveau plan d’aménagement général - parties graphique et écrite - de la commune de Bous, désigné ci-après par le « PAG », en modification de celui antérieurement en vigueur.

Par lettre du 17 août 1998, Monsieur … sollicita l’extension du périmètre d’agglomération, tel que fixé par la partie graphique provisoirement adoptée, par l’inclusion d’un terrain lui appartenant, sis à … au lieu-dit « … », inscrit au cadastre de la commune de Bous, section B de …/…, sous le n° …, afin de lui permettre « la réalisation d’une maison unifamiliale ».

Le 25 janvier 1999, le conseil communal de Bous, statuant dans le cadre des réclamations introduites contre sa décision précitée du 14 juillet 1998 portant approbation provisoire du nouveau PAG, accueillit favorablement la susdite demande d’extension du périmètre d’agglomération de la commune en décidant, avec cinq voix contre deux, de faire entrer le terrain de Monsieur … dans la zone d’habitation à faible densité soumise à l’élaboration d’un projet d’aménagement particulier.

Par délibération du 2 juin 1999, le conseil communal de Bous adopta définitivement le nouveau PAG « tel qu’il a été complété et modifié suite aux réclamations présentées ».

Le 7 juin 2000, le ministre de l’Environnement, statuant sur base de l’article 2 alinéa final de la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, a approuvé le PAG de la commune de Bous, adopté définitivement le 2 juin 1999, sous réserve que les aires par lui énumérées au corps de son dit acte et délimitées en pointillé sur les plans joints, restent classées zone verte au sens dudit article 2, les aires en question ne comprenant pas le terrain de Monsieur ….

Par courrier du 31 juillet 2000, le ministre de l’Intérieur s’adressa au commissaire de district à Grevenmacher en ces termes : « Monsieur le commissaire de district, Je vous prie de bien vouloir informer les autorités communales de Bous que je ne suis actuellement pas en mesure d’approuver sur la base de l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes la délibération du 2 juin 1999 du conseil communal portant adoption définitive du Projet d’Aménagement Général présenté par les autorités communales.

En effet, le projet, tel qu’il fut adopté définitivement par le conseil communal ne saurait trouver mon consentement alors qu’il contient certaines extensions du périmètre d’agglomération classant des fonds en zones constructibles dont l’affectation à la construction serait contraire à l’intérêt général. Il s’agit en effet notamment de certaines modifications du périmètre d’agglomération effectuées suite aux réclamations introduites par des administrés après le vote provisoire du conseil communal, à savoir :

- les zones de faible densité soumises à l’élaboration d’un projet d’aménagement particulier au lieu-dit « Beitgesbann » et « Om Weeweiser » à Bous ;

- la zone de faible densité au lieu-dit « Am Krank » à … ;

- la zone de faible densité au lieu-dit « Bounegaard » à … ;

- la zone d’activités « am Geier » à Erpeldange ;

- la zone d’aménagement différé respectivement la zone inondable située le long de la Ierpeldengerbaach à Erpeldange, au lieu-dit Déilchen ;

- la zone de faible densité soumise à l’élaboration d’un projet d’aménagement particulier, au lieu-dit « Emeringerhaff » à Erpeldange.

En effet, ces extensions contribueraient sensiblement au développement désordonné et tentaculaire des différentes localités de la commune de Bous ainsi qu’au mitage du paysage, ce qu’il y a lieu d’éviter. Dans ce contexte, je voudrais également préciser que la création d’îlots d’habitation en rase campagne ne pourra trouver mon accord.

Suite à des jurisprudences récentes de la Cour administrative, le Ministre de l’Intérieur ne saurait approuver partiellement une délibération adoptant un Projet d’Aménagement Général, mais que sa décision doit être pure et simple. Comme je ne voudrais pas refuser le Projet d’Aménagement Général dans son intégralité j’invite les autorités communales de reprendre la procédure d’approbation en classant les fonds prémentionnés en zone verte, afin que je puisse prendre une décision sans que je risque de la voir annulée devant la juridiction administrative.

Par conséquent, je propose aux autorités communales de prendre contact avec les responsables du Service d’aménagement communal afin de discuter les détails de la démarche proposée.

Veuillez agréer, Monsieur le commissaire de district, l’expression de mes sentiments très distingués. » Le 19 octobre 2000, le collège échevinal de Bous rencontra le ministre de l’Intérieur ainsi que le président de la commission d’aménagement auprès du ministre de l’Intérieur, prévue par l’article 6 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, ci-après désignée par la « commission d’aménagement ».

Dans un courrier supplémentaire adressé le 27 novembre 2000 par le ministre de l’Intérieur au commissaire de district à Grevenmacher, ledit ministre lui demanda « de bien vouloir informer les autorités communales de Bous que je reviens sur ma lettre du 31 juillet 2000 que je vous ai fait parvenir au sujet du Projet d’Aménagement Général de Bous.

Premièrement, il y a lieu de procéder par rapport au projet tel qu’il fut adopté définitivement par le conseil communal, à une réduction du périmètre d’agglomération en reclassant les fonds dont l’affectation à la construction serait contraire à l’intérêt général en zone verte. Il s’agit notamment de certaines modifications du périmètre d’agglomération effectuées suite aux réclamations introduites par des administrés après le vote provisoire du conseil communal, à savoir :

- la zone de faible densité soumise à l’élaboration d’un projet d’aménagement particulier au lieu-dit « Om Weeweiser » à Bous ;

- la zone de faible densité au lieu-dit « Am Krank » à … ;

- la zone de faible densité au lieu-dit « Bounegaard » à … ;

- la zone d’activités « am Geier » à Erpeldange ;

- la zone d’aménagement différé respectivement la zone inondable située le long de la Ierpeldengerbaach à Erpeldange, au lieu-dit « Déilchen ».

En effet, ces extensions contribueraient sensiblement au développement désordonné et tentaculaire des différentes localités de la commune de Bous ainsi qu’au mitage du paysage, ce qu’il y a lieu d’éviter.

Peuvent par contre rester classés en zone d’habitation les terrains suivants :

- la zone de faible densité soumise à l’élaboration d’un projet d’aménagement particulier au lieu-dit « Beitgesbann » ;

- la zone de faible densité soumise à l’élaboration d’un projet d’aménagement particulier, au lieu-dit « Emeringerhaff » à Erpeldange.

Deuxièmement, lors de l’analyse du dossier j’ai constaté que la procédure d’approbation, telle qu’elle est définie à l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, n’a pas été suivie correctement. Je ne saurais partant approuver un projet irrégulier en la forme.

En effet, le réclamant L. a pris part au vote définitif du projet litigieux en sa fonction de conseiller communal, ce qui est contraire aux dispositions de l’article 20.1 de la loi communale du 13 décembre 1988. La même remarque vaut pour le conseiller C. M., qui a pris part au vote définitif du conseil communal bien qu’il est le fils légitime M., qui ont réclamé contre le projet en question auprès du collège échevinal après le vote provisoire du conseil communal.

Je vous prie donc de bien vouloir informer les autorités communales de Bous qu’il importe de reprendre la procédure d’approbation définie à l’article 9 de la loi prémentionnée du 12 juin 1937 d’après le vote définitif du conseil communal, tout en tenant compte des considérations développées ci-devant ».

Par délibération du 23 janvier 2001, le conseil communal de Bous approuva définitivement le nouveau PAG - parties graphique et écrite - de la commune de Bous, tel qu’il a été modifié en tenant compte de l’arrêté du ministre de l’Environnement du 7 juin 2000 et des considérations du ministre de l’Intérieur énoncées dans son courrier prévisé du 27 novembre 2000.

Par lettre du 1er février 2001, le collège échevinal de Bous informa Monsieur … de ce qu’il venait d’approuver définitivement le nouveau PAG, que son terrain restera classé dans la zone agricole et qu’il pouvait introduire une réclamation contre le PAG dans les quinze jours à partir de la réception dudit courrier.

Le 12 février 2001, Monsieur … s’adressa au ministre de l’Intérieur pour réclamer contre la délibération prédite du 23 janvier 2001 dans la mesure où son dit terrain était maintenu en zone agricole et pour réitérer sa demande de reclassement à l’intérieur du périmètre d’agglomération.

Par délibération du 3 mai 2001, le conseil communal de Bous statuant sur les mérites des réclamations introduites contre sa délibération précitée du 23 janvier 2001 et, notamment celle de Monsieur …, émit au sujet de cette dernière la proposition libellée comme suit :

« Considérant que le terrain en question a été rayé du périmètre d’agglomération sur recommandation du Ministre de l’Intérieur du 27 novembre 2000 et bien que le conseil communal n’a en principe aucune objection contre la demande du sieur …, propose avec six voix contre trois de ne pas incorporer le terrain en question dans le périmètre d’agglomération afin de ne pas encourir le risque d’un refus du plan d’aménagement général par les autorités supérieures ».

Dans son avis du 10 janvier 2002, la commission d’aménagement estima qu’il n’y avait pas lieu de faire droit à la réclamation de Monsieur …, au motif que l’intégration du terrain du réclamant dans le périmètre d’agglomération « contribuerait sensiblement au développement tentaculaire et désordonné de la localité de … ».

Par arrêté du 15 janvier 2002, le ministre de l’Intérieur, rejetant, entre autres, la réclamation de Monsieur …, approuva la délibération du « 2 juin 1999 du conseil communal de Bous portant adoption définitive du Projet d’Aménagement Général, parties graphique et écrite ».

Le 4 juin 2002, constatant qu’une erreur matérielle s’était glissée dans son arrêté précité du 15 janvier 2002, le ministre de l’Intérieur a pris un nouvel arrêté par lequel il a abrogé son arrêté du 15 janvier 2002 et par lequel il a approuvé la délibération du 23 janvier 2001 du conseil communal de Bous portant adoption définitive du PAG, parties graphique et écrite, de la commune de Bous.

Par requête introduite auprès du tribunal administratif le 9 octobre 2002, Monsieur … a introduit un recours tendant à l’annulation 1) de la décision précitée du ministre de l’Intérieur du 4 juin 2002, 2) de la décision précitée du conseil communal de Bous du 23 janvier 2001 et 3) « pour autant que de besoin » de l’ensemble des actes préparatoires de la susdite décision, notamment la lettre du ministre de l’Intérieur du 31 juillet 2000 et la décision ministérielle du 15 janvier 2002.

Avant de procéder à l’examen des questions de compétence de la juridiction saisie et de la recevabilité du recours, voire à l’examen du fond de l’affaire, le tribunal est de prime abord appelé à examiner le moyen d’inadmissibilité pour cause de dépôt tardif du mémoire en réplique déposé en nom et pour compte de la partie demanderesse, moyen soulevé par le mandataire de l’administration communale de Bous dans sa duplique.

L’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives dispose en son paragraphe (5) que « le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse ; la partie défenderesse et les tiers intéressés sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois ».

L’article 7 de la même loi dispose en son alinéa 1er qu’« il ne pourra y avoir plus de deux mémoires de la part de chaque partie, y compris la requête introductive ».

Dans la mesure où l’article 7 précité prévoit qu’il ne pourra y avoir plus de deux mémoires de la part de chaque partie, y compris la requête introductive, la partie demanderesse ne peut en règle générale déposer qu’un seul mémoire en réplique, sauf les exceptions légalement prévues.

Dans ce contexte, il convient de rappeler que si la signification de la requête introductive d’instance à la partie défenderesse, c’est-à-dire l’autorité administrative émettrice de la décision litigieuse, doit intervenir, d’après les dispositions de l’article 4 (2) de la loi précitée du 21 juin 1999, au plus tard dans le mois du dépôt du recours sous peine de caducité, aucun délai n’est imposé par le législateur concernant la signification de la requête introductive d’instance aux parties tierces intéressées, laquelle, en vertu des dispositions de l’article 4 (4), peut même être opérée du fait que le tribunal l’ordonne, le cas échéant à un niveau avancé de l’instruction de l’affaire.

Il s’ensuit donc qu’en fonction de la date de signification de la requête introductive d’instance à des parties tierces intéressées, les différents délais pour répondre ouverts dans le chef respectivement de la partie défenderesse et des parties tierces intéressées peuvent se trouver être déphasés, conditionnant de la sorte le délai pour répliquer.

Ceci étant, il n’en reste pas moins qu’en règle générale c’est la partie demanderesse qui non seulement est à l’origine du dépôt du recours, mais encore de la signification faite aux parties tierces intéressées, de sorte qu’elle est la mieux placée pour calculer l’expiration respective des délais de réponse en cours et de programmer le dépôt utile de son mémoire en réplique.

S’il est vrai que l’aléa relativement à la fourniture effective d’un mémoire par une partie défenderesse ou tierce intéressée est à première vue difficilement compatible avec un exercice des droits de la défense conforme aux normes applicables en la matière, le système procédural, tel qu’institué par les articles 5 et suivants de la loi précitée du 21 juin 1999, comporte cependant la particularité qu’en règle générale, la partie demanderesse est elle-

même aux commandes du point de départ des délais pour fournir une réponse courant dans le chef des parties défenderesse et tierce intéressée et partant de leur aboutissement, au cas où aucun mémoire en réponse ne serait fourni.

Ainsi, afin de garder prévisible pour la partie demanderesse l’expiration des délais au-

delà de la fourniture effective d’un mémoire en réponse, l’article 5 (5) de la loi précitée du 21 juin 1999 doit être interprété de manière à écarter tout aléa afférent, au vœu même du respect des droits de la défense, en ce sens que le délai pour répliquer dans le chef de la partie demanderesse se situe dans le mois de la communication effective ou possible des réponses susceptibles d’être fournies compte tenu des significations à parties tierces intéressées intervenues dans le cadre de la procédure en cours, cette interprétation s’imposant dans la mesure où elle est la seule à permettre une combinaison utile des dispositions des articles 5 (5) et 7 alinéa 1er de la loi précitée du 21 juin 1999 dans le respect des droits de la défense s’imposant en la matière.

Etant donné qu’en l’espèce, la requête introductive d’instance a été déposée en date du 9 octobre 2002, tandis qu’elle a été signifiée à l’administration communale de Bous par exploit d’huissier de justice du 16 octobre 2002, le délai utile pour l’Etat, partie défenderesse, de déposer un mémoire en réponse a expiré le 9 janvier 2003, tandis que le délai utile pour l’administration communale concernée est venu à expiration le 16 janvier 2003.

Or, comme la partie demanderesse connaissait et devait prendre en considération cette cristallisation des délais tout en la combinant avec l’exigence d’une seule réplique, bien que le mandataire de l’administration communale de Bous ait déposé son mémoire en réponse déjà le 13 décembre 2002, aucun besoin n’était pour la partie demanderesse de déposer son mémoire en réplique déjà pour le 13 janvier 2003 au plus tard, étant donné que, la partie demanderesse, admise à répliquer qu’à travers un seul mémoire, peut être amenée à déposer celui-ci, dans l’hypothèse où plusieurs réponses ont été fournies, plus d’un mois après que la première d’entre elles a été déposée (cf. trib. adm. 25 juillet 2001, n° 12820 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Procédure contentieuse n° 257 et autres références y citées).

Il se dégage de l’ensemble des considérations ci-avant faites relativement à l’application combinée des articles 5 (5) et 7 alinéa 1er de la loi précitée du 21 juin 1999 et du principe des droits de la défense, que le mémoire en réplique déposé le 6 février 2003, c’est-à-

dire dans le délai d’un mois du dernier mémoire en réponse, en l’occurrence celui du délégué du gouvernement déposé le 9 janvier 2003 dans le délai légal, n’a pas été déposé tardivement et le moyen d’inadmissibilité est à écarter.

Concernant la compétence d’attribution du tribunal administratif, question que le tribunal est encore appelé à examiner, il convient de relever que, d’une part, les décisions sur les projets d’aménagement, lesquels ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire et, d’autre part, la décision d’approbation du ministre de l’Intérieur, intervenue après réclamation de particuliers, comme c’est le cas en l’espèce, participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé (Cour adm. 10 juillet 1997, n° 9804C, Pas. adm. 2002, V° Actes réglementaires (Recours contre les), n° 16 et autres références y citées).

Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit à l’encontre des actes litigieux.

Quant à la recevabilité, le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en ce qu’il vise le courrier du ministre de l’Intérieur du 31 juillet 2000 par lequel le commissaire de district a été prié d’informer les autorités communales de Bous de différents problèmes que la délibération du conseil communal de Bous du 2 juin 1999 risquerait de poser et de l’inviter à reprendre la procédure d’approbation.

L’administration communale de Bous insiste sur le caractère décisionnel dudit courrier.

Force est de constater que le recours sous examen n’est pas directement dirigé contre ledit courrier, mais que le demandeur ne le vise qu’en tant qu’acte préparatoire dans le cadre d’une procédure complexe ayant abouti à la décision d’approbation définitive de l’autorité communale du 23 janvier 2002, telle qu’elle a été approuvée finalement par la décision ministérielle du 4 juin 2001. Or, dans ces mesure et limite, le recours est recevable, pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai légaux.

Le demandeur conclut en premier lieu à l’annulation des décisions communale et ministérielle querellées, au motif que les règles de compétence auraient été violées, en ce sens que la loi précitée du 12 juin 1937 attribue compétence au conseil communal pour adopter des plans d’aménagement et que le ministre aurait méconnu son rôle de contrôleur dans le cadre de la tutelle administrative pour s’immiscer dans la sphère de compétence communale.

Il soulève en outre la violation de l’article 9 de la loi précitée du 12 juin 1937 en ce que le conseil communal serait revenu par sa nouvelle décision du 23 janvier 2001 sur sa délibération antérieure du 2 juin 1999, sans procéder à une quelconque mesure de publicité.

Or, selon la thèse du demandeur, le plan d’aménagement aurait été définitivement approuvé dès le 2 juin 1999, de sorte que la commune aurait dû reprendre la procédure d’adoption depuis le début. Enfin, il estime que la décision ministérielle finale aurait été prévisible dès le courrier du 31 juillet 2000, de sorte que l’autorité de tutelle n’aurait plus été impartiale.

Concernant les deux moyens d’annulation susdits, qu’il convient d’examiner ensemble, il y a lieu de relever en premier lieu que les deux décisions précitées du conseil communal de Bous en date des 2 juin 1999 et 23 janvier 2002 ont été prises en tant que votes définitifs sur base de l’article 9 alinéa 5 de la loi de précitée du 12 juin 1937.

Ceci étant, on ne saurait soutenir qu’un projet d’aménagement général deviendrait définitif au fur et à mesure de la disparition des objections solutionnées et qu’en l’espèce, la délibération communale du 25 janvier 1999 aurait définitivement admis la demande de classement du demandeur, de sorte à avoir définitivement épuisé la compétence et le champ d’intervention des autorités communales, notamment en ce qui concerne le demandeur.

En effet, si le vote provisoire d’un conseil communal portant approbation provisoire d’un projet d’aménagement ne faisant pas l’objet de réclamations dans le délai légalement prévu constitue un acte réglementaire préparatoire et intérimaire nécessitant l’approbation de l’autorité de tutelle (v. Cour adm. 16 novembre 2000, n° 11878C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Tutelle administrative, n° 16), il en est de même du vote définitif du conseil communal qui statue aux termes de l’article 9 alinéa 5 de la loi de 1937 « sous l’approbation du Ministre de l’Intérieur ».

Ainsi, il appartient au ministre de l’Intérieur, en tant qu’autorité de tutelle, de veiller à ce que les décisions de l’autorité communale ne violent aucune règle de droit et ne heurtent pas l’intérêt général. Le droit d’approuver la décision du conseil communal a comme corollaire celui de ne pas approuver cette décision. Cette approbation implique nécessairement l’examen du dossier et comporte l’appréciation du ministre sur la régularité de la procédure et des propositions du conseil communal, ainsi que sur les modifications de la partie graphique et écrite des plans (cf. Cour adm. 17 juin 1997, n° 9481C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Tutelle administrative, I. Pouvoirs et obligations de l’autorité de tutelle, n° 1, p. 552 et autres références y citées).

Il est vrai que la tutelle n’autorise pas, en principe, l’autorité supérieure à s’immiscer dans la gestion du service décentralisé et à substituer sa propre décision à celles des agents du service (Buttgenbach A., Manuel de droit administratif, 1954, p. 117, n° 149), ce principe découlant de la nature même de la tutelle qui est une action exercée par un pouvoir sur un autre pouvoir, non pas en vue de se substituer à lui, mais dans le seul but de le maintenir dans les limites de la légalité et d’assurer la conformité de son action avec les exigences de l’intérêt général.

Il est vrai encore que le rôle de l’autorité de tutelle consiste dès lors à vérifier, non pas que chaque décision soit prise exclusivement dans le seul intérêt général, mais que la décision ne soit pas contraire à l’intérêt général.

Il est cependant erroné d’en déduire qu’en l’espèce, les courriers des 31 juillet et 27 novembre 2000, par lesquels le ministre de l’Intérieur a prié le commissaire de district compétent d’inviter les autorités communales de Bous à reprendre la procédure d’approbation du projet d’aménagement général notamment pour des raisons de régularité de la procédure d’adoption et pour reconsidérer différents points apparaissant comme incompatibles avec l’intérêt général, constitueraient une immixtion dans les affaires communales ou qu’ils auraient impliqué une violation des règles procédurales.

D’une part, concernant la prétendue immixtion, force est de constater que lesdits courriers, destinés à faire régulariser la procédure en cours, constituent non pas une façon illégale de procéder, mais au contraire une façon régulière et efficace, voire même souhaitable dans le cadre d’une bonne administration. En effet, dans le cadre de l’autonomie communale, les autorités administrative ont conservé l’intégralité de leurs pouvoirs d’appréciation et leur liberté de décider de maintenir la décision d’approbation définitive et de la soumettre à l’appréciation de l’autorité de tutelle. Le fait que les autorités communales ont décidé de régulariser la procédure et de changer différents points n’implique pas qu’elles aient abandonné leurs pouvoirs ou que le ministre aurait outrepassé ses compétences.

D’autre part, concernant les mesures de publicité et de reprise de la procédure, les susdits courriers ne constituent pas non plus une décision ministérielle de refus, de sorte que la procédure a pu être continuée sans une nouvelle consultation préalable, donc sans nouvelles mesures de publicité ni consultation de la commission d’aménagement et du conseil communal.

Il s’ensuit que la procédure d’adoption litigieuse, suite aux courriers prérelatés des 31 juillet et 27 novembre 2000, se déroulait toujours au niveau de la phase préparatoire et intérimaire nécessitant l’approbation de l’autorité de tutelle pour devenir définitive.

Or, les projets d’aménagement, même adoptés définitivement au niveau communal, peuvent être révisés et modifiés sans l’observation de la procédure prescrite pour le premier établissement du plan en question jusqu’au moment de l’approbation définitive par l’autorité tutélaire, étant entendu que la mutabilité des plans d’aménagement généraux relève de leur essence même, consistant à répondre à des contraintes variables à travers le temps concernant à la fois les aspects urbanistiques de l’aménagement des agglomérations et le volet politique de la vie en commun sur le territoire donné (v. trib. adm. 25 juillet 2001, n° 12813a du rôle, confirmé par Cour adm., 8 janvier 2002, n° 13891C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Urbanisme, n° 46).

Il en est a fortiori ainsi en l’espèce pour un projet d’aménagement adopté seulement provisoirement au niveau communal, étant donné que les autorités communales avaient été invitées à reprendre la procédure « d’après le vote définitif », d’autant plus que plusieurs années se sont écoulées depuis la première décision.

Il s’ensuit que les moyens tirés des prétendues violations des règles de compétence et de l’article 9 de la loi de 1937 sont à abjuger.

Quant à la légalité interne, le demandeur soutient que :

- la décision du conseil communal de Bous du 23 janvier 2001, ne serait pas motivée à suffisance de droit, qu’en réalité, la commune n’aurait fait que suivre les pressions ministérielles, respectivement que les considérations ministérielles s’analyseraient en des considérations générales ;

- la motivation serait erronée et que la décision baserait sur une erreur manifeste d’appréciation des éléments de fait. Dans ce contexte, le demandeur expose que son terrain serait d’ores et déjà desservi par des infrastructures et accessible par une voie publique, de sorte que la commune aurait dû, dans un souci d’intérêt général, notamment d’« harmonie », accorder l’extension et que le « souci esthétique aurait dû laisser la place à un souci de rentabilisation des travaux nécessités par l’installation des infrastructures » et que la situation actuelle serait « incohérente et irrationnelle » ;

- le principe de proportionnalité aurait été violé en ce « qu’à supposer que le risque de voir s’étendre le village de manière excentrique soit réel, une réaction appropriée et proportionnée aurait été de n’autoriser la construction que sur une profondeur déterminée et de laisser le reste des terrains en-dehors du périmètre ».

Concernant le défaut de motivation, en ce qu’il vise une prétendue pression de la part de l’autorité ministérielle, il convient de l’écarter en renvoyant aux développements qui précèdent, desquels il se dégage que les autorités communales ont conservé leurs pouvoirs et liberté d’appréciation.

Pour le surplus, étant relevé que les décisions litigieuses constituent des actes à caractère réglementaire et que le délégué du gouvernement ainsi que le mandataire de l’autorité communale ont à juste titre relevé que les actes administratifs à caractère réglementaires ne tombent pas dans le champ d’application de la réglementation relative à la procédure administrative non contentieuse, telle qu’elle est organisée par le règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes et qu’aucune disposition légale n’exige une motivation explicite des actes à caractère réglementaire, il n’en reste pas moins que les droits des citoyens ne sont pas, au moins partiellement, protégés en cette matière, en ce sens qu’à travers les articles 95 de la Constitution et 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ils doivent être légalement pris et que ce principe implique notamment l’existence de motifs légaux.

Ceci étant rappelé, force est de constater qu’en l’espèce, les décisions querellées, tant de l’autorité communale que du ministre de l’Intérieur, sont fondées, tel que cela se dégage des décisions litigieuses, ensemble les compléments de motivation apportés par le délégué du gouvernement au cours de la procédure contentieuse, sur des considérations urbanistiques et sur un souci d’éviter un développement désordonné et tentaculaire de la localité de Bous, de sorte que les décisions sont basées sur des motifs s’intégrant dans le cadre légal spécifique et que les critiques relativement à une inexistence de motifs ne sont pas fondées.

Il convient encore d’analyser le bien-fondé des décisions attaquées et d’examiner les moyens tirés d’une erreur d’appréciation manifeste et d’une violation du principe de proportionnalité.

Dans ce contexte, il échet de rappeler que la mission du juge de la légalité conférée au tribunal à travers l’article 7 de la loi précitée du 7 novembre 1996 exclut le contrôle des considérations d’opportunité et notamment d’ordre politique, à la base de l’acte administratif attaqué et inclut la vérification, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, de ce que les faits et considérations sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute (cf. trib. adm. 7 mars 2001, n° 12282 du rôle, confirmé par Cour adm. 23 octobre 2001, n° 13319C, Pas. adm. 2002, V° Urbanisme, n° 9).

Dans cette démarche de vérification des faits et des motifs à la base des actes déférés, le tribunal est encore amené à analyser si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits dont l’existence est vérifiée, une erreur d’appréciation étant susceptible d’être sanctionnée, dans la mesure où elle est manifeste, au cas notamment où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité (cf. Cour adm. 21 mars 2002, n° 14261C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Recours en annulation, n° 10).

A la lumière des considérations qui précèdent, il convient d’analyser le motif tiré de ce que l’extension du périmètre d’agglomération sollicitée par le demandeur contribuerait à un développement désordonné et tentaculaire de la localité de Bous.

Or, même si d’après les renseignements soumis au tribunal par les parties en cause, la parcelle litigieuse se trouve située à proximité immédiate du périmètre d’agglomération, qu’elle est d’ores et déjà desservie par des infrastructures spécifiques (conduite d’eau, canalisation, etc.) et qu’elle est accessible par un chemin syndical, il n’en reste pas moins qu’une extension du périmètre d’agglomération au niveau d’un seul terrain, qui aboutit à un prolongement d’un village contribue à rendre plus difficile un développement cohérent et concentrique de la localité et est partant contraire au concept urbanistique exposé par le ministre (cf. trib. adm. 10 juillet 2002, n° 14378 du rôle, confirmé par Cour adm. 26 novembre 2002, n° 15233C du rôle, non encore publié) et, en l’espèce, à une extension excentrique de la localité de Bous. Ainsi l’objectif du ministre et des autorités communales à travers leurs décisions litigieuses s’inscrit entièrement dans le cadre de la décision du gouvernement en Conseil du 11 juillet 1986 concernant la révision des directives générales du programme directeur de l’aménagement du territoire, tel que mis en avant dans le mémoire en réponse du délégué du gouvernement.

Il suit de l’ensemble des développements qui précèdent que loin d’avoir versé dans une erreur d’appréciation à sanctionner par le tribunal ni dans une violation du principe de proportionnalité, les autorités communales et le ministre de l’Intérieur ont agi sur base de considérations légales d’ordre urbanistique tendant à une finalité d’intérêt général, en l’occurrence dans un but vérifié d’éviter une extension excentrique de la localité de Bous.

Le recours laisse partant d’être fondé.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un import de 1.000.- euros formulée par la partie demanderesse est à rejeter comme n’étant pas fondée, étant donné qu’elle a succombé dans ses moyens et arguments.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 5 mai 2003 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 12


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15435
Date de la décision : 05/05/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-05-05;15435 ?

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