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05/05/2003 | LUXEMBOURG | N°15351

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 mai 2003, 15351


Tribunal administratif N° 15351 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 septembre 2002 Audience publique du 5 mai 2003

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Recours formé par Madame … et Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15351 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 septembre 2002 par Maître Guy THOMAS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordr

e des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le… , de nationalité brésilienne, demeurant à … (Bré...

Tribunal administratif N° 15351 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 septembre 2002 Audience publique du 5 mai 2003

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Recours formé par Madame … et Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15351 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 septembre 2002 par Maître Guy THOMAS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le… , de nationalité brésilienne, demeurant à … (Brésil), et de Monsieur …, né le… , de nationalité portugaise, demeurant à L-… , agissant tant en leur nom personnel qu’en leur qualité de représentant de la personne et des biens de leur enfant mineur …, née le… , demeurant actuellement auprès de sa mère, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 8 décembre 2000, sans préjudice quant à la date exacte, refusant l’entrée et le séjour au Luxembourg à Madame …, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre prise en date du 12 juin 2002, à la suite d’un recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 décembre 2002 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif par Maître Guy THOMAS au nom des demandeurs en date du 17 janvier 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Guy THOMAS et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 février 2003.

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Après avoir déposé en date du 3 mai 2000 une demande de carte de séjour auprès du ministre de la Justice moyennant une carte d’identité portugaise falsifiée, Madame …, après s’être vu délivrer une carte de séjour valable jusqu’au 5 juillet 2005, fit l’objet d’un arrêté de refus d’entrée et de séjour émis à son encontre par le ministre de la Justice en date du 8 décembre 2000 aux motifs suivants :

« - usage de pièces d’identité et de voyage falsifiées ;

- défaut de moyens d’existence personnels ;

- constitue par son comportement personnel un danger pour l’ordre public ».

Après avoir quitté volontairement le Grand-Duché de Luxembourg en date du 15 décembre 2000 en direction de Sao Paulo au Brésil, Madame … a fait introduire, ensemble avec son concubin Monsieur …, un recours gracieux par courrier de leur mandataire datant du 15 mars 2002 à l’encontre de l’arrêté ministériel prévisé du 8 décembre 2000 en signalant notamment qu’elle a donné naissance en date du 16 novembre 2001 à un enfant conçu par Monsieur … au Grand-Duché de Luxembourg. Ledit recours gracieux s’étant soldé par une décision confirmative du ministre de la Justice datant du 12 juin 2002, Madame … et Monsieur …, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leur enfant commun …, ont fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des décisions ministérielles prévisées des 8 décembre 2000 et 12 juin 2002 par requête déposée en date du 17 septembre 2002.

Le délégué du Gouvernement conclut d’abord à l’irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté en faisant valoir que la décision litigieuse du 8 décembre 2000 aurait été notifiée à Madame … en date du 15 décembre 2000, de sorte que le recours gracieux du 15 mars 2002 aurait été introduit en dehors du délai du recours contentieux et que partant le recours sous examen serait également à déclarer irrecevable pour cause de tardiveté.

Les parties demanderesses rétorquent qu’à part un rapport du service de police judiciaire du 18 décembre 2000 adressé au ministre de la Justice, une notification de l’arrêté ministériel litigieux du 8 décembre 2000 refusant l’entrée et le séjour à Madame … ne se dégagerait pas des pièces produites en cause, de sorte qu’aucun délai de recours contentieux n’aurait pu commencer à courir à son encontre. Les demandeurs font relever en outre que le ministre, dans sa décision confirmative du 12 juin 2002, a statué après réexamen du dossier sur base d’un élément nouveau, en l’occurrence la naissance d’un enfant commun des demandeurs au Grand-Duché de Luxembourg.

Encore qu’il y a lieu d’admettre au vu des pièces versées au dossier et plus particulièrement du rapport adressé en date du 18 décembre 2000 par le service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale au ministre de la Justice que l’arrêté ministériel litigieux du 8 décembre 2000 fut effectivement notifié à Madame … en date du 15 décembre 2000 lors de son départ par la voie aérienne en direction du Brésil et que partant un délai de recours contentieux a utilement commencé à courir à son encontre à partir de cette date de notification, c’est à juste titre que les parties demanderesses ont relevé que la décision également déférée du 12 juin 2002, tout en étant confirmative de celle du 8 décembre 2000, est néanmoins basée, au moins partiellement, sur des éléments nouveaux à l’égard desquels l’administration prend position, de sorte qu’un nouveau délai de recours a commencé à courir dans le chef de Madame …, ainsi que de Monsieur … à partir de la notification de cette décision confirmative du 12 juin 2002 (cf. trib. adm. 7 mai 1997, n° 9322 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Procédure contentieuse, n° 71 et autres références y citées).

En effet, le fait que Madame … a donné naissance à un enfant né sur le territoire luxembourgeois après l’arrêté ministériel litigieux du 8 décembre 2000, circonstance portée à la connaissance du ministre de la Justice à travers le recours gracieux prévisé du 15 mars 2002, est à considérer comme étant un élément nouveau justifiant un réexamen de son dossier.

Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité pour cause de tardiveté soulevé par le délégué du Gouvernement laisse d’être fondé.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours en principal en réformation. Le recours en annulation introduit à titre subsidiaire l’ayant été dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de leur recours les demandeurs concluent à l’annulation des décisions déférées en faisant valoir que la décision de refuser l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg à Madame …, confirmée sur recours gracieux après qu’elle a donné naissance à un enfant au Grand-Duché de Luxembourg, porterait atteinte à leur droit au respect de leur privée et familiale, de sorte qu’il y aurait violation de l’article 8, alinéa 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, approuvée par une loi du 29 août 1953, ci-après dénommée la « Convention européenne des droits de l’homme ».

Ils estiment à cet égard que le respect dû à leur vie privée et familiale tel que garanti par l’article 8 prévisé devrait prendre le dessus sur le délit commis à l’époque par Madame … dans des circonstances tout à fait particulières, « à savoir le refus systématique de notre Gouvernement de délivrer des permis de travail à des personnes non communautaires arrivées légalement dans notre pays pour s’y adonner à une occupation rémunérée dans un contexte économique on ne peut plus florissant et un marché du travail en pleine expansion ».

Ils signalent encore que l’infraction commise par Madame …, en ce qu’elle avait fait usage d’un passeport portugais falsifié, n’aurait jamais fait l’objet d’une poursuite judiciaire, ce qui documenterait le faible degré du trouble à l’ordre public causé par cette infraction.

Ils font valoir que les décisions attaquées violeraient l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme non seulement en les empêchant de continuer à vivre ensemble au Luxembourg comme ils l’avaient fait avant la naissance de leur enfant, mais encore et surtout en ce qu’elles les empêchent de mener une vie familiale harmonieuse avec leur enfant en bas âge et de garantir ainsi le plein épanouissement de cet enfant né au Grand-

Duché de Luxembourg.

Les demandeurs s’emparent ensuite du principe de libre circulation des travailleurs communautaires et de leur famille, tel que découlant de l’article 39 du Traité de l’Union européenne (ancien article 48 du Traité CEE) et du règlement CEE/1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, ensemble la directive CEE/64/221 du 25 février 1974 pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées pour des raisons d’ordre public et de santé publique, pour soutenir que Madame … bénéficierait de manière dérivée du principe de libre circulation à travers une autorisation d’entrée, de séjourner et de demeurer librement au pays, sauf menace grave à l’ordre public.

L’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, en disposant que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger :

- qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis, - qui est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics, - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour », énonce un motif de refus facultatif (cf. Cour adm. 25 mars 2003, n° 15902C du rôle, non encore publié), de manière à opérer une restriction au niveau des possibilités accordées au ministre de la Justice pour refuser l’entrée et le séjour au pays à un étranger, sans pour autant délimiter l’étendue de son pouvoir en matière d’octroi d’une autorisation de séjour.

Concernant plus particulièrement les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne et des Etats ayant adhéré à l’Accord sur l’Espace économique européen, il y a lieu de se référer à cet égard au règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972 relatif aux conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers faisant l’objet de conventions internationales, ainsi qu’au règlement CEE/1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 précité, lequel, d’essence supérieure à la législation nationale, est directement applicable au Grand-Duché de Luxembourg.

Dans la mesure où les possibilités de refuser l’entrée et le séjour à un étranger telles qu’inscrites à l’article 2 de la loi du 28 mars 1972 précitée se trouvent relativisées, voire mises en échec notamment par la réglementation communautaire ci-avant visée, il y a lieu d’examiner si en l’espèce, le ministre a valablement pu refuser l’entrée et le séjour à Madame … sans se heurter aux dispositions du règlement CEE 1612/68 du Conseil qui dispose dans son article 10, 1. qu’« ont le droit de s’installer avec le travailleur ressortissant d’un Etat membre employé sur le territoire d’un autre Etat membre, quelle que soit leur nationalité :

a) son conjoint et leurs descendants de moins de vingt et un ans ou à charge ;

b) (….) ».

L’enfant … …, en sa qualité de descendant de moins de vingt et un ans d’un travailleur communautaire, peut se prévaloir directement, sur base de la disposition communautaire prérelatée, d’un droit de séjour dérivé lui permettant de s’installer avec son père au Grand-

Duché de Luxembourg, étant entendu qu’aux termes de l’article 17 CE « la citoyenneté de l’union complète la citoyenneté nationale » et que les droits attachés à la citoyenneté de l’union, voire les droits dérivés par le biais d’un facteur de rattachement tel le cas en l’espèce, ont partant en tout état de cause vocation à s’ajouter aux droits dont une personne se trouve investie par ailleurs en vertu de son statut national.

Une autre conclusion s’impose en ce qui concerne Madame …. En effet, même s’il est établi à partir des pièces versées au dossier en cours de délibéré que Monsieur … n’est plus marié avec Madame…, le divorce ayant été prononcé par jugement du 11 juillet 2002, et qu’il n’est pas non plus contesté en cause que les consorts …-… entendent désormais vivre en communauté de vie avec leur enfant … au Grand-Duché de Luxembourg, il n’en demeure cependant pas moins que la Cour de justice des Communautés européennes interprète le terme « conjoint » au sens littéral, en l’associant strictement au mariage, de sorte que Madame …, en état actuel du droit communautaire, ne saurait prétendre directement au bénéfice des dispositions de l’article 10 du règlement CEE/1612/68 précité au motif qu’elle est la concubine d’un travailleur communautaire, faute d’être unie par les liens du mariage avec Monsieur ….

Dans la mesure où la présence de Madame … en tant que mère auprès de sa fille … est cependant nécessaire pour permettre à celle-ci d’exercer pleinement et utilement son droit de séjour, la décision litigieuse a pour effet d’apporter une restriction à l’exercice du droit de séjour au Grand-Duché de Luxembourg de l’enfant … au point d’en affecter l’essence-même, l’enfant encore en bas âge ayant en effet été amené en fait à suivre sa mère par l’effet du refus de l’autorisation de séjour accordée à cette dernière.

Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont elle assure le respect. Ainsi la CJCE a retenu dans un arrêt Commission/Allemagne du 18 mai 1989 référencé sous le numéro 249/86 qu’il faut interpréter le règlement CEE 1612/68 à la lumière de l’exigence du respect de la vie familiale mentionné par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il s’ensuit qu’il y a lieu d’examiner en l’espèce si la décision litigieuse, en ce qu’elle est de nature à porter atteinte au droit de séjour dont se trouve investi l’enfant … par application des dispositions du règlement CEE 1612/68, est compatible avec les exigences du droit communautaire dans son état actuel en la matière.

A cet égard, il a été retenu par la CJCE en date du 17 septembre 2002 dans une affaire inscrite sous le numéro du rôle C-413/99, dans un cas certes non analogue quant à l’ensemble des faits, mais transposable quant au principe dégagé en l’espèce par la CJCE que « lorsque des enfants bénéficient d’un droit de séjour dans un Etat membre d’accueil afin d’y suivre des cours d’enseignement général conformément à l’article 12 du règlement n° 1612/68, cette disposition doit être interprétée en ce sens qu’elle permet au parent qui a effectivement la garde de ces enfants, quelle que soit sa nationalité, de séjourner avec eux de manière à faciliter l’exercice dudit droit nonobstant le fait que les parents ont entre-temps divorcé ou que le parent qui a la qualité de citoyen de l’Union Européenne n’est plus un travailleur migrant dans l’Etat membre d’accueil » (att. 75), au motif notamment que la finalité dudit règlement telle que résultant de l’ensemble de ses dispositions tend à faciliter la circulation des membres de la famille des travailleurs, le Conseil ayant pris en considération d’après la Cour « d’une part, l’importance que revêt du point de vue humain, pour le travailleur, le regroupement à ses côtés de sa famille et, d’autre part, l’importance que revêt, à tout point de vue, l’intégration du travailleur et de sa famille dans l’Etat membre d’accueil, sans aucune différence de traitement par rapport aux nationaux » (att. 68) et que par ailleurs, « il faut, conformément à la jurisprudence de la Cour, interpréter le règlement n° 1612/68 à la lumière de l’exigence du respect de la vie familiale prévu à l’article 8 de la CEHD » (att. 72).

S’il est vrai que les faits à la base dudit arrêt diffèrent de la présente espèce notamment en ce que le parent qui y prétendait au droit de séjour était au préalable investi d’un droit de séjour dérivé qu’il a perdu par la suite par l’effet du divorce, tandis que Madame … n’a pas encore légitimement bénéficié d’un droit de séjour dérivé du droit communautaire, il n’en demeure pas moins que cette différence n’est pas de nature à énerver le principe retenu par la Cour en sa substance, étant donné que tant le cas par elle tranché que celui sous examen se résument en l’hypothèse d’un parent ne bénéficiant pas personnellement, au moment de la prise de la décision litigieuse, d’un droit de séjour dérivé du droit communautaire, mais prétendant de manière indirecte au bénéfice d’un tel droit afin de permettre l’exercice effectif et utile d’un droit dont est directement investi, par application des dispositions du règlement CEE 1612/68, l’enfant dont il a la garde.

En l’espèce, où tant l’enfant de Madame … que son concubin et père de son enfant jouissent du droit de séjourner, respectivement de s’adonner à une activité professionnelle au Luxembourg, tandis que la mère, assurant également la garde de l’enfant concerné, se voit refuser le droit de séjour à défaut notamment d’être le conjoint en titre du travailleur migrant, il est clair que le refus opposé à Madame … de la possibilité de demeurer dans l’Etat membre d’accueil auprès de son enfant et du père de ce dernier, outre de porter atteinte à leur vie familiale effective, est de nature à priver de son effet utile le droit de séjour dérivé que l’enfant … tire directement du règlement CEE/1612/68, de sorte que la décision déférée est à considérer comme portant atteinte au droit reconnu à cet enfant par l’article 10 du règlement CEE/1612/68 en ce qu’elle ne lui permet pas de demeurer dans les meilleures conditions auprès de son père au Grand-Duché de Luxembourg, étant entendu que son séjour au Grand-

Duché de Luxembourg dans les meilleures conditions implique nécessairement la présence auprès d’elle de sa mère assurant effectivement sa garde.

S’y ajoute que conformément aux dispositions de l’article 3 (1) de la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, approuvée au Grand-Duché de Luxembourg par une loi du 20 décembre 1993, également invoquée par les demandeurs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, de sorte que tant le ministre de la Justice, appelé à statuer par rapport à l’entrée et au séjour d’une personne ayant donné naissance à un enfant au Grand-Duché de Luxembourg dont le père, ressortissant communautaire, réside régulièrement au pays, que le tribunal administratif, appelé à apprécier la légalité d’une décision intervenue à cet égard, sont tenus de prendre en considération l’intérêt de l’enfant concerné.

Il y a lieu de relever à cet égard que la Convention consacre dans son article 7 le droit de l’enfant de connaître ses parents et d’être élevé par eux, de même que, conformément aux articles 8 et 9 de ladite Convention, les Etats parties s’engagent à respecter le droit de l’enfant de préserver ses relations familiales et veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, l’article 10 de la même Convention de préciser en outre que toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d’entrer dans un Etat partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les Etats parties « dans un esprit positif, avec humanité et diligence ».

S’il est certes vrai que Madame … a porté atteinte à l’ordre public luxembourgeois en faisant usage au début de l’année 2000 d’une carte d’identité portugaise falsifiée afin de se voire délivrer une carte de séjour et un permis de travail par les autorités luxembourgeoises, force est cependant de constater que ce seul fait, par ailleurs non poursuivi par les autorités compétentes bien que pénalement répréhensible, n’est pas de nature à dénoter dans son chef une menace actuelle suffisamment grave pour l’ordre public, étant donné que le dossier tel que soumis au tribunal ne comporte aucun élément de nature à dénoter dans son chef un état d’esprit tendant au maintien d’un comportement délictieux à l’avenir.

Ainsi la mise en balance des intérêts supérieurs de l’enfant …, ensemble la considération que son droit d’être accompagné de sa mère lors de son séjour au Luxembourg tel que dérivé du règlement CEE/1612/68 ci-avant dégagé, avec les motifs ayant amené le ministre à refuser l’entrée et le séjour à Madame …, dégage en l’espèce une disproportion manifeste devant entraîner l’annulation de la décision litigieuse du 12 juin 2002 en ce qu’elle confirme purement et simplement l’arrêté ministériel également déféré du 8 décembre 2000.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit justifié ;

partant annule les décisions ministérielles déférées des 8 décembre 2000 et 12 juin 2002 et renvoie le dossier en prosécution de cause devant le ministre de la Justice ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 mai 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15351
Date de la décision : 05/05/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-05-05;15351 ?

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