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05/05/2003 | LUXEMBOURG | N°15336

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 mai 2003, 15336


Tribunal administratif N° 15336 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 septembre 2002 Audience publique du 5 mai 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision prise par le ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15336 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif le 9 septembre 2002 par Maître Jeannot BIVER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, a

u nom de Monsieur …, né le … à Rozaje (Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à...

Tribunal administratif N° 15336 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 septembre 2002 Audience publique du 5 mai 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision prise par le ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15336 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif le 9 septembre 2002 par Maître Jeannot BIVER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Rozaje (Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 12 juin 2002, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en obtention d’une autorisation de séjour ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Zohra BELESGAA, en remplacement de Maître Jeannot BIVER, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 3 mars 1999, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Par décision du 24 juillet 2001, le ministre de la Justice l’informa que sa demande d’asile avait été rejetée.

Par requête déposée le 7 septembre 2001, Monsieur … fit introduire un recours contentieux tendant à l’annulation sinon à la réformation de la décision précitée du ministre de la Justice du 24 juillet 2001.

Par jugement du 10 avril 2002, le tribunal administratif déclara le recours en annulation irrecevable, et, concernant le recours en réformation, à l’appui duquel le demandeur avait fait valoir que ce serait à tort que le ministre de la Justice aurait retenu dans sa décision qu’il n’aurait pas fait état d’un risque actuel de persécution pour des motifs tenant à la race, aux opinions politiques, à la religion, à la nationalité ou à son appartenance à un groupe social, alors qu’il « a fait état d’un risque de persécution lié à sa religion, en l’occurrence la religion musulmane, et à ses opinions politiques, en l’occurrence son refus d’effectuer le service de réserve », le tribunal l’en débouta, au motif qu’il n’avait pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Le 4 juin 2002, Monsieur … sollicita auprès du ministre de la Justice une autorisation de séjour.

Par lettre du 12 juin 2002, le ministre de la Justice rejeta cette demande au motif que Monsieur … ne disposerait pas de moyens d’existence personnels suffisants au sens de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ; 3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère et qu’il n’aurait pas justifié l’existence de raisons humanitaires justifiant l’octroi d’un permis de séjour.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 septembre 2002, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation sinon à la réformation de la décision ministérielle de refus du 12 juin 2002.

QUANT AU RECOURS EN REFORMATION Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre la décision critiquée, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation de la décision critiquée.

QUANT AU RECOURS EN ANNULATION Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre de la Justice de ne pas avoir pris en considération qu’en cas de retour dans son pays d’origine, il serait exposé à un risque de persécution de la part des proches du parti « SNP ». Dans ce contexte, il expose que son frère Esad aurait été agent de police au Monténégro, que dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, il aurait été accidentellement renversé par la voiture de M. Bogoljub BULATOVIC, membre du parti « SNP » et proche parent du leader dudit parti, M. Predrag BULATOVIC et que par la suite, son frère, ainsi que les autres membres de sa famille auraient subi des « pressions et menaces de liquidation physique ». Le demandeur relève en outre qu’en raison des susdits faits, son frère Esad aurait obtenu une permission de séjour au Luxembourg.

Le délégué du gouvernement estime que la décision litigieuse serait légalement motivée en ce que le demandeur n’établirait ni l’existence de moyens personnels de subsistance ni l’existence d’un risque effectif que sa vie serait effectivement menacée à l’heure actuelle dans son pays d’origine. Il estime plus particulièrement que le récit du demandeur manquerait de crédibilité, au motif qu’il serait sensiblement différent de celui de son frère, qu’il aurait par ailleurs séjourné sous d’autres identités dans différents pays voisins et qu’on « voit mal en quoi le récit concernant le frère du requérant, à supposer ce récit établi, alors que le frère lui-même raconte autre chose, mette en danger la vie du requérant en cas de retour au Monténégro. Un tel danger est d’autant moins établi que la famille Bulatovic n’est plus au pouvoir au Monténégro ».

L’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme proscrit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, étant entendu qu’il faut considérer la notion de traitement inhumain comme le risque - réel - de subir des souffrances mentales ou physiques d’une certaine intensité.

Au titre de l’article 13 alinéa 1er de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile ; 2) d'un régime de protection temporaire, lorsque le statut de réfugié a été refusé, le demandeur d’asile sera éloigné du territoire en conformité avec les dispositions de la loi précitée du 28 mars 1972 et l’alinéa 3 du prédit article prévoit une exception à ce principe « si l’exécution matérielle de l’éloignement s’avère impossible en raison de circonstances de fait, le ministre de la Justice peut décider de le tolérer provisoirement sur le territoire jusqu’au moment où ces circonstances de fait auront cessé ».

S’il est dès lors vrai qu’un risque pour la vie ou l’intégrité physique - dûment justifié -

en cas de retour dans son pays d’origine dans le chef d’un demandeur d’asile débouté est susceptible de constituer une circonstance de fait rendant l’exécution matérielle d’un éloignement immédiat impossible et, par conséquent, de nature à justifier que l’intéressé soit admis à demeurer sur le territoire luxembourgeois jusqu’au moment où la circonstance de fait aura cessé, force est de constater qu’en l’espèce, le ministre de la Justice n’a pas méconnu ni l’article 13 (3) de la loi précitée du 3 avril 1996, ni l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, étant donné qu’il ne ressort d’aucun élément de preuve tangible qu’à l’heure actuelle, la vie du demandeur soit effectivement menacée en cas de retour au Monténégro et que les nouvelles autorités qui y sont au pouvoir ne soient pas capables de lui assurer un niveau de protection suffisant.

En effet, abstraction faite des différences dans le récit du demandeur par rapport à celui de son frère et de l’usage d’une fausse identité par le demandeur en Allemagne, force est de constater que la situation politique en Serbie et Monténégro a sensiblement évoluée depuis le départ du demandeur, respectivement depuis les problèmes que son frère a pu rencontrer, qu’un processus de démocratisation est en cours et que le demandeur n’a pas fait état d’une raison suffisante justifiant à l’heure actuelle qu’il ne puisse pas utilement se réclamer de la protection des nouvelles autorités au pouvoir, de sorte que le tribunal n’arrive pas à la conclusion que le ministre de la Justice a commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que les éléments produits en cause sont insuffisants pour établir qu’à l’heure actuelle, en cas de retour au Monténégro - le cas échéant, dans une autre ville du Monténégro - le demandeur soit exposé à un risque pour sa vie ou son intégrité physique de la part de certains membres de la population de son pays d’origine et que les autorités chargées du maintien de l’ordre tolèrent ou encouragent pareils méfaits.

Il convient encore d’ajouter que le demandeur ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, de sorte que ce motif de refus justifie légalement la décision ministérielle querellée.

Il suit des considérations qui précèdent que la décision ministérielle est légalement fondée et que le demandeur est à débouter de son recours.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 5 mai 2003, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15336
Date de la décision : 05/05/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-05-05;15336 ?

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