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05/05/2003 | LUXEMBOURG | N°14949

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 mai 2003, 14949


Tribunal administratif N° 14949 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mai 2002 Audience publique du 5 mai 2003

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Recours formé par la société anonyme … S.A., … contre une décision de refus implicite du bourgmestre de la commune de Bettembourg en matière d’autorisation de construire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14949 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 mai 20

02 par Maître Marc KERGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg...

Tribunal administratif N° 14949 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mai 2002 Audience publique du 5 mai 2003

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Recours formé par la société anonyme … S.A., … contre une décision de refus implicite du bourgmestre de la commune de Bettembourg en matière d’autorisation de construire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14949 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 mai 2002 par Maître Marc KERGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, tendant à l’annulation de la décision implicite de refus découlant du silence gardé pendant plus de trois mois par le bourgmestre de la commune de Bettembourg, suite à sa demande du 28 janvier 2002 adressée audit bourgmestre par l’intermédiaire de l’architecte …, tendant à « l’obtention d’un permis de construire » concernant le projet de construction d’un hall industriel à Bettembourg sur un terrain sis à L-

3225 Bettembourg, zone industrielle Schéleck II, cadastré sous le numéro 1955/8760 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Carlos CALVO, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 4 juin 2002 portant signification de ce recours à l’administration communale de Bettembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 septembre 2002 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg au nom de l’administration communale de Bettembourg, ainsi que du bourgmestre de la commune de Bettembourg ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Yves TAPELLA, agissant en remplacement de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant tous les deux à Luxembourg, du 20 septembre 2002 portant signification de ce mémoire en réponse à la société anonyme … S.A. ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26 septembre 2002 par Maître Marc KERGER au nom de la société anonyme … S.A. ;

Vu la notification de ce mémoire en réplique intervenue en date du 2 octobre 2002 par voie de télécopies adressées au mandataire de l’administration communale de Bettembourg et du bourgmestre de la commune de Bettembourg ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 octobre 2002 ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 31 octobre 2002 par Maître Albert RODESCH au nom de l’administration communale de Bettembourg, ainsi que du bourgmestre de ladite commune ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Yves TAPELLA, préqualifié, du 31 octobre 2002 portant signification de ce mémoire en duplique à la société anonyme … S.A. ;

Vu les pièces versées au dossier ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maîtres Marc KERGER et Rachel JAZBINSEK, en remplacement de Maître Albert RODESCH, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 février 2003.

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Suivant un acte notarié référencé sous le numéro 436 reçu pardevant Maître… , notaire de résidence à…, qu’en date du 14 mars 1997 les associés de la société à responsabilité limitée … s.à r.l. se sont réunis en assemblée générale extraordinaire et ont pris à l’unanimité des voix notamment la résolution de transformer cette société en société anonyme à compter rétroactivement du 1er janvier 1997 sous la spécification expresse que cette transformation s’opère « en continuation de la société sous une autre forme, sans qu’il y ait création d’une société nouvelle ».

Par courrier du 28 janvier 2002, la société anonyme … S.A., ayant par la suite changé de dénomination sociale en … S.A., après avoir absorbé par fusion suivant acte notarié … du 12 décembre 2002 les sociétés anonymes … S.A. et … S.A., s’est adressée au bourgmestre de la commune de Bettembourg, par l’intermédiaire de l’architecte… , pour solliciter un permis de construire concernant le projet de construction d’un hall industriel à L-3225 Bettembourg, zone industrielle Schéleck II, cadastré sous le numéro 1955/8760, d’une contenance de 99 ares 13 centiares, en joignant un exemplaire du certificat de l’O.A.I., un extrait cadastral à l’échelle 1/2500, un formulaire concernant l’isolation thermique et des plans définissant l’affectation des espaces et leurs mesures en deux exemplaires.

En date du 27 mai 2002, la société anonyme … S.A. a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision implicite de refus résultant du silence du bourgmestre pendant plus de trois mois suite à ladite demande du 28 janvier 2002.

Les parties défenderesses concluent à l’irrecevabilité du recours pour défaut de qualité et d’intérêt à agir dans le chef de la société anonyme … S.A. en faisant valoir que ce serait la société à responsabilité limitée … s. à r. l. qui serait le détenteur du droit de superficie pour le terrain concerné, ceci conformément aux stipulations de l’acte notarié reçu pardevant Maître… , notaire de résidence à… , en date du 10 décembre 1992, aux termes duquel la commune, avec l’accord de l’Etat, a accordé un droit de superficie pour le terrain concerné à la société à responsabilité limitée prévisée, de sorte que la société demanderesse, n’étant pas titulaire du droit de superficie, ne serait pas habilitée à exploiter le site en question.

L’administration communale de Bettembourg et son bourgmestre signalent également que si la société à responsabilité limitée … s.à r.l. avait effectivement été reprise par un autre groupe et transformée en société anonyme, il aurait appartenu à ladite société anonyme d’effectuer le changement nécessaire pour régulariser sa situation par rapport au contrat de superficie, que par ailleurs une proposition en ce sens aurait été effectuée et qu’un avenant au contrat de superficie aurait dû être réalisé afin de transférer le droit de superficie au profit de la société anonyme demanderesse, démarche qui n’aurait cependant pas été effectuée par cette dernière.

La société demanderesse rétorque que conformément à l’article 3 de la modifiée du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales, la transformation d’une société à responsabilité limitée en société anonyme ne donnerait pas lieu à une personnalité juridique nouvelle, de sorte que le changement intervenu devrait rester sans conséquence sur les relations contractuelles entre cette société et la commune. Elle signale par ailleurs que la commune aurait été au courant du changement ainsi intervenu déjà au mois d’août 1997, qu’elle aurait en effet fourni les renseignements afférents à la commune dès le changement intervenu et que cette dernière se serait toujours adressée à elle depuis lors en tant que société anonyme … S.A..

Il se dégage par ailleurs des pièces versées au dossier que le collège échevinal de la commune de Bettembourg, par courrier datant du 20 mars 1997, s’est enquis auprès de la société à responsabilité limitée … s.àr.l. « des changements substantiels » qui se seraient produits au sein de cette société et qu’en réponse à ce courrier l’intéressée, par courrier datant du 24 mars 1997, a informé la commune de Bettembourg notamment du fait que la société a été transformée en société anonyme.

Encore que le collège échevinal de la commune de Bettembourg, par courrier datant du 29 octobre 1997, se soit adressé au notaire … en le priant de bien vouloir rédiger « un avenant au contrat de concession du 10 décembre 1992, lequel devrait contenir les clauses suivant proposition de texte joint à la présente » aux fins d’y voir mentionner comme futur exploitant du site la société anonyme … SA, laquelle « est à considérer comme le successeur de la société … s à r. l. », ceci afin d’éviter, selon les recommandations du ministère de l’Economie, tout problème et de faire en sorte que l’exploitant devrait également détenir le droit de superficie, mais que cet avenant, d’après le dossier tel que soumis au tribunal, n’a jamais été acté devant qui de droit, il y a lieu de relever qu’en tout état de cause la transformation de la société à responsabilité limitée … s à r.l. en société anonyme en date du 14 mars 1997, conformément aux dispositions de l’article 3 de la loi modifiée du 10 août 1915 précitée, n’a pas donné lieu à une personnalité juridique nouvelle et est intervenue sous réserve des droits des tiers.

Il s’ensuit que la société demanderesse, en ce qu’elle a continué la personnalité juridique de la société à responsabilité limitée du même nom qui s’est vu concéder un droit de superficie s’étendant sur le terrain devant recevoir la construction litigieuse suivant acte notarié … précité, ne saurait se voir utilement opposer un défaut de qualité, voire d’intérêt à agir en l’espèce, étant entendu que la mise à jour de l’acte de concession par un avenant tel que préconisé par la commune de Bettembourg en date du 29 octobre 1997 n’est pas une condition nécessaire pour rendre effective en droit la continuité de la personnalité juridique concernée, laquelle se dégage, tel que relevé ci-avant, de la loi.

Le recours en annulation ayant pour le surplus été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Dans le cadre d’un refus de permis de construire, décision administrative individuelle, la requête est à communiquer à la commune au nom de laquelle le bourgmestre compétent a pris la décision déférée, de sorte qu’en l’espèce, la signification intervenue, à côté de celle faite à la commune, au bourgmestre pris en tant que tel et non en tant que représentant de la commune est à considérer comme étant sans objet, le bourgmestre n’étant pas à considérer comme partie au litige (cf. trib. adm. 8 novembre 1999, n° 11139 du rôle, Pas. adm. 2002, v.

Procédure contentieuse, n° 126 et autres références y citées).

A l’appui de son recours, la société demanderesse se prévaut des stipulations de l’article 7 de l’acte notarié prévisé du 10 décembre 1992 pour soutenir que pendant toute la durée du droit de superficie, initialement fixée à 30 ans, elle ne pourrait ni démolir, ni transformer fondamentalement les bâtiments et autres ouvrages construits ou faits sur le terrain qu’avec le consentement exprès de la commune de Bettembourg et du ministère de l’Economie, mais que lesdites autorités ne pourraient refuser leur accord dans l’hypothèse y visée et à son avis vérifiée en l’espèce où la démolition ou la transformation interviennent dans le cadre de la continuation de l’entreprise.

Dans la mesure où la construction projetée serait conforme tant aux stipulations contractuelles convenues entre parties qu’au plan d’aménagement général de la commune, ainsi qu’à son règlement sur les bâtisses, elle conclut partant au caractère illégal de la décision de refus déférée et sollicite son annulation.

Encore que la décision litigieuse, de par sa nature implicite, n’ait pas été utilement motivée au jour où elle est présumée être intervenue, la sanction de l’obligation de motiver une décision administrative consiste en principe dans la suspension des délais de recours et la décision reste valable lorsque l’administration peut produire ou compléter des motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif (cf. Cour adm. 8 juillet 1997, n° 9918C du rôle, v. Pas. adm. 2002, Procédure administrative non contentieuse, n° 38 et autres références y citées).

En l’espèce, la commune de Bettembourg a complété la motivation à la base de la décision litigieuse à travers son mémoire en réponse déposé en date du 19 septembre 2002 en ce sens que le projet litigieux ne s’inscrirait pas dans l’hypothèse de la continuation de l’entreprise par rapport au projet ayant fait l’objet de la première autorisation du 9 novembre 1995 ayant porté sur la construction d’un dépôt artisanal avec bureau et exposition et que, face à l’impossibilité tant pour la commune de Bettembourg que pour le ministre de l’Economie de vérifier si continuation de l’entreprise il y avait, faute pour la partie demanderesse de leur avoir fourni les renseignements nécessaires à cet effet, la décision litigieuse serait dès lors justifiée. Elle signale à cet égard avoir demandé à plusieurs reprises un projet de développement des activités de la demanderesse, mais que cette dernière n’aurait pas effectué le nécessaire pour permettre une évolution dans le dossier concerné.

Dans la mesure où la commune de Bettembourg est liée à la société demanderesse par la concession d’un droit de superficie datant du 10 décembre 1992, elle a valablement pu se référer en l’espèce d’abord aux prévisions du contrat de superficie en question, donnant lieu, entre autres, à la naissance de droits réels, ces considérations étant en effet étrangères et préalables à l’examen du projet entrevu sous l’angle de la réglementation urbanistique applicable, de manière à justifier, le cas échéant et dans l’intérêt d’une bonne administration, un examen préalable.

Force est cependant de constater qu’au vu des pièces versées au dossier aucune demande de renseignement, voire de clarification dans le sens allégué par la commune n’a été adressée par cette dernière à la société demanderesse postérieurement à l’introduction de la demande du 28 janvier 2002 ayant fait l’objet du refus implicite litigieux.

Dans ces conditions le seul motif de refus avancé en cause basé sur la considération que le projet ne s’inscrirait pas dans le cadre de la continuation de l’entreprise n’est en tout état de cause pas de nature à motiver valablement la décision litigieuse, étant donné que même à admettre que tel serait le cas, il aurait appartenu à la commune de solliciter de plus amples renseignements quant au projet lui soumis afin de la mettre en mesure de statuer préalablement et utilement par rapport à la question de la continuation d’entreprise, ce qui d’après les pièces versées au dossier n’a pas été le cas.

Face à la carence ainsi dégagée d’une motivation valable en rapport avec le contrat de superficie liant par ailleurs la commune à la demanderesse et en l’absence de tout autre motif de refus avancé en cause tiré plus particulièrement du plan d’aménagement général, suivi du règlement sur les bâtisses de la commune, la décision de refus implicite déférée encourt partant l’annulation pour absence de motivation valable.

La partie demanderesse ayant sollicité dans sa requête introductive d’instance l’allocation d’une indemnité de procédure de l’ordre de 2000 €, il y a lieu de retenir que compte tenu de l’issue du litige, ensemble la considération que la partie demanderesse était tenue d’introduire un recours contentieux afin de se voir communiquer la motivation à la base de la décision de refus déférée, la demande en allocation d’une indemnité de procédure est justifiée en son principe. Eu égard notamment aux efforts qui ont par ailleurs dû être déployés afin de clarifier la situation juridique de la société demanderesse, il y a lieu de fixer le montant à liquider, au vu des actes de procédures posés, ex æquo et bono à 1.200 €.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, met le bourgmestre de la commune de Bettembourg hors cause en tant que partie tierce intéressée ;

reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le dit justifié, partant annule la décision implicite déférée du bourgmestre de la commune de Bettembourg et renvoie le dossier devant lui en prosécution de cause ;

condamne la commune de Bettembourg à payer à la demanderesse une indemnité de procédure de 1.200 € ;

condamne la commune de Bettembourg aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 mai 2003 par:

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT S. DELAPORTE 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 14949
Date de la décision : 05/05/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-05-05;14949 ?

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