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30/04/2003 | LUXEMBOURG | N°15962

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 avril 2003, 15962


Tribunal administratif N° 15962 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 février 2003 Audience publique du 30 avril 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15962 du rôle, déposée le 10 février 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean MINDEN, avocat à la Cour, assisté de Maître Pascale SPELTZ, avocat, tous les deux inscrits

au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Anosimanjaka (Madagascar...

Tribunal administratif N° 15962 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 février 2003 Audience publique du 30 avril 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15962 du rôle, déposée le 10 février 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean MINDEN, avocat à la Cour, assisté de Maître Pascale SPELTZ, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Anosimanjaka (Madagascar), de nationalité malgache, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 29 novembre 2002 portant refus de prolonger son autorisation de séjour pour étudiants pour l’année scolaire 2002/2003 et l’invitant à quitter le pays sans délai ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 février 2003 ;

Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 20 février 2003 prise suite à une requête en sursis à exécution introduite le 17 février 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 12 mars 2003 au greffe du tribunal administratif en nom et pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Pascale SPELTZ et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Par décision du 29 novembre 2002, Monsieur … se vit rejeter sa demande en délivrance d’une autorisation de séjour pour étudiants pour l’année académique 2002/2003 aux motifs suivants :

« Votre année académique 1999/2000 au Département des études en gestion et en informatique, 1ère année DUT, au Centre Universitaire s’était soldée par un échec. Votre autorisation de séjour fut exceptionnellement reconduite pour une nouvelle durée de 12 mois pendant laquelle vous avez accompli avec succès votre 1ère année en DUT. Par la suite l’année académique 2001/2002 au Département des études en gestion et en informatique, 2e année DUT, au Centre Universitaire s’est à nouveau soldée par un échec. Je m’empresse de vous rappeler que l’année académique ne peut être reconduite qu’une seule fois en cas d’échec et que le cycle des trois premières années d’études doit être accompli endéans quatre ans.

Par conséquent vous ne remplissez plus les conditions prescrites pour l’obtention d’une autorisation de séjour provisoire pour étudiants pour l’année scolaire 2002/2003.

En outre, l’autorisation de séjour ne saurait vous être délivrée alors que vous ne disposez pas de moyens d’existence personnels conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers qui dispose que la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence suffisants permettant à l’étranger d’assurer son séjour au Grand-Duché indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

Comme vous vous trouvez en séjour irrégulier au pays depuis le 15 septembre 2002, vous êtes invité à quitter le pays sans délai ».

Par requête déposée le 10 février 2003, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de cette décision ministérielle de rejet du 29 novembre 2002.

Le recours est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Au fond, le demandeur soutient que la décision ministérielle serait illégale au motif que le ministre de la Justice se serait fondé sur l’impossibilité pour le demandeur de poursuivre ses études au Centre universitaire sans prendre en considération son admission en 1ère année au département de l’informatique appliquée à l’Institut Supérieur de Technologie.

Concernant le défaut de moyens d’existence suffisants, il reproche au ministre d’avoir violé la loi en y rajoutant une condition additionnelle consistant en ce que les moyens d’existence devraient être indépendants de l’aide que de tierces personnes pourraient s’engager à fournir, cette condition n’étant pas inscrite dans la loi qui ne prévoirait aucune exigence quant à la provenance des fonds.

Dans le même contexte, mais dans un deuxième ordre d’idées, il soutient que la décision litigieuse encourrait l’annulation, en ce que l’esprit de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ;

3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, serait détourné si l’on exigeait de la part d’un étudiant d’être en possession de moyens d’existence personnels suffisants en dehors de l’aide apportée par de tierces personnes, étant donné que le « statut d’étudiant » ne permettrait pas de se livrer à un emploi rémunéré pendant le temps des études. Il renvoie encore à l’article 1er du règlement grand-ducal du 28 mars 1972 relatif aux conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers faisant l’objet de conventions internationales, lequel soumettrait les étudiants originaires des Etats membres de l’Union européenne ou de l’Accord sur l’Espace Economique Européen seulement à une obligation de déclaration ou de preuve de l’existence de ressources à l’égard des autorités afin d’éviter qu’ils ne deviennent, durant leur séjour, une charge pour l’assistance sociale, pour soutenir que, même s’il n’est pas directement visé par ledit article 1er, l’objectif devrait être le même pour les étudiants ressortissants d’Etats tiers, à savoir la justification de ressources propres afin de prévenir le risque qu’ils ne deviennent pendant leur séjour une charge pour l’Etat luxembourgeois. Il ajoute que le ministre aurait d’ailleurs fait application de pareil raisonnement en lui octroyant deux permis de séjour successifs pour accomplir ses études au Centre universitaire de Luxembourg.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement rétorque qu’on ne saurait forcer le ministre à tolérer le maintien « artificiel » d’un ressortissant d’un Etat tiers après deux échecs « sous le couvert d’un prétendu statut d’étudiant » et il fait état de différentes jurisprudences qui retiendraient l’exigence de la preuve de moyens personnels suffisants dans le chef des étudiants étrangers. Il relève encore que l’application de l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 constituerait une faculté pour le ministre, de manière qu’on ne pourrait pas lui faire le reproche de ne plus accorder la faveur d’une autorisation de séjour pour étudiant au demandeur et d’appliquer la loi s’il « constate le manque de sérieux de ce prétendu étudiant ».

Dans sa réplique, le demandeur conteste qu’il tenterait de se maintenir artificiellement au Luxembourg et il soutient que ses intentions de s’adonner à des études seraient effectives.

Il ajoute qu’il n’appartiendrait pas au ministre de la Justice d’apprécier son bilan scolaire et son admissibilité à un cycle d’études, de sorte que les considérations afférentes seraient à écarter comme étant étrangères à la matière des autorisations de séjour.

Il se référe en outre à un arrêt prononcé par la Cour administrative en date du 12 novembre 2002 (affaire portant le n° 15102C du rôle), pour soutenir que les critères définis et rendus publics par le gouvernement relativement aux conditions d’octroi d’un permis de séjour pour un étranger poursuivant des études au Luxembourg, qui lui auraient été appliqués dans le passé, constitueraient une application de l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 et une directive que le gouvernement se serait donnée, de sorte que toute personne remplissant les critères ainsi définis serait à considérer comme possédant des moyens personnels suffisants tels qu’exigés par l’article 2 en question. Dans ce contexte, il soutient que le ministre de la Justice aurait omis d’examiner son cas au regard des conditions à remplir par les étudiants pour se voir accorder ou proroger une autorisation de séjour et qu’il remplirait lesdites conditions, de sorte que le motif de refus basé sur un défaut d’existence de moyens personnels serait contraire à la loi ainsi qu’aux principes de confiance légitime, d’égalité devant la loi, des droits légitimement acquis et de celui suivant lequel l’administration est liée par les règles qu’elle a elle-même édictées.

Il y a lieu de relever de prime abord que le rôle du juge administratif, en présence d’un recours en annulation, consiste à vérifier le caractère légal et réel des motifs invoqués à l’appui de l’acte administratif attaqué (cf. trib. adm. 11 juin 1997, Pas. adm. 2002, V° Recours en annulation, n° 9 et autres références y citées). En outre, la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise (trib. adm. 27 janvier 1997, op. cit. n° 12, et autres références y citées), étant précisé que le juge administratif est appelé à contrôler également les motifs complémentaires lui soumis par la partie ayant pris la décision déférée en cours de procédure contentieuse.

Concernant le motif de refus basé sur le défaut d’existence de moyens personnels suffisants dont un étranger non communautaire doit bénéficier pour résider au Grand-Duché de Luxembourg, il y a lieu de relever encore que l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger (…) -

qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour », cette disposition étant en principe applicable à tous les étrangers qui entendent séjourner au pays, y compris les étudiants.

Or, en application de cette disposition le ministre de la Justice peut refuser l’octroi d’un permis de séjour lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers (trib. adm. 17 février 1997, n° 9669 du rôle, Pas. adm. 2002, v° Etrangers, n° 121, et autres références y citées) et ni une prise en charge signée par un tiers ni une aide financière apportée le cas échéant au demandeur par une telle personne ne saurait être considérée comme constituant des moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour (trib. adm. 9 juin 1997, n° 9781 du rôle, Pas. adm.

2002, v° Etrangers, n° 122, et autres références y citées).

En l’espèce, le tribunal doit constater qu’il ressort des éléments du dossier et des renseignements qui lui ont été fournis que le demandeur ne disposait pas de moyens d’existence personnels légalement perçus, la déclaration de prise en charge produite en cause émanant de son cousin, qui demeure à Luxembourg, étant insuffisante au regard des considérations qui précèdent, l’existence d’autres moyens personnels n’ayant ni été invoquée ni a fortiori prouvée.

Ceci étant, le demandeur a en outre tort de critiquer la décision prise par le ministre de la Justice en ce que celui-ci se serait écarté de sa pratique antérieure et de ses propres instructions inscrites au formulaire sur les autorisations de séjour provisoires pour étudiants, parmi lesquelles l’exigence d’être en possession de moyens personnels ne figurerait pas de façon dirimante.

La protection de l’administré, à travers le principe général du droit de la confiance légitime, contre les changements brusques et imprévisibles de l’attitude de l’administration, ne saurait cependant jouer au cas où la pratique annoncée par l’administration n’était pas conforme à la loi.

Dans la mesure où la loi nationale, à travers son article 2 précité prévoit clairement, parmi d’autres conditions à remplir par les ressortissants étrangers désirant obtenir une autorisation de séjour, la condition de disposer de moyens personnels suffisants, et en l’absence d’exemption de cette condition en faveur des étudiants, voire de toute autre réglementation spécifique à caractère contraignant s’appliquant aux étudiants, il n’y a pas lieu de recourir au principe général du droit sus-énoncé, la condition formulée au prédit article 2 étant claire et précise et ne nécessitant aucune interprétation.

Cette conclusion n’est pas non plus affectée par la référence à la jurisprudence de la Cour administrative, qui n’est pas transposable au cas d’espèce, étant donné que s’il est vrai qu’en présence d'un pouvoir discrétionnaire, l'administration peut user d'un pouvoir autonome ayant pour vocation l'orientation de l'action administrative par le biais d’une « directive », c'est-à-dire d'un acte de rationalisation de l'action administrative tendant à assurer la cohérence des décisions à prendre dans une série d'affaires et à organiser la façon d'apprécier ce que doit être le contenu des décisions, il n’en reste pas moins que pareille ligne de conduite ne saurait en tout état de cause se mouvoir que dans le cadre des dispositions légales applicables, en l’occurrence en matière d’entrée et de séjour des étrangers, et qu’une renonciation à une possibilité légale de refus d’un permis de séjour, pour le surplus pour une durée non déterminée, ne saurait s’analyser en un critère s’inscrivant dans le cadre légal fixé par l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972. En effet, pareille renonciation ne se limite pas à préciser le contenu d’une disposition légale, en l’occurrence la notion de « moyens personnels suffisants », pendant une durée déterminée à l’avance, mais constitue une suspension inadmissible des effets de la loi que ni les autorités administratives respectivement compétentes, ni un justiciable étranger dans le cadre d’un litige ayant pour objet une décision de refus d’octroi d’une autorisation de séjour ne saurait valablement invoquer.

Il s’ensuit que le motif de refus, basé sur le défaut de moyens personnels suffisants, justifie légalement la décision ministérielle litigieuse par rapport aux exigences inscrites à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée et que le recours en annulation est partant à écarter comme étant non fondé, sans qu’il y ait encore lieu de se prononcer sur le deuxième motif de refus, cet examen devenant surabondant.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 30 avril 2003, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15962
Date de la décision : 30/04/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-04-30;15962 ?

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