La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/04/2003 | LUXEMBOURG | N°15495

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 avril 2003, 15495


Tribunal administratif N° 15495 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 octobre 2002 Audience publique du 30 avril 2003

==============================

Recours formé par Monsieur …, … contre une délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg en matière de révocation du service provisoire

---------------------------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15495 du rôle et déposée en date du 25 octobre 2002 au greffe du tribunal admi

nistratif par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats ...

Tribunal administratif N° 15495 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 octobre 2002 Audience publique du 30 avril 2003

==============================

Recours formé par Monsieur …, … contre une délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg en matière de révocation du service provisoire

---------------------------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15495 du rôle et déposée en date du 25 octobre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, agent pompier stagiaire, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 26 juillet 2002, lui notifiée le 12 août 2002, se ralliant à la proposition du collège échevinal du 12 juin 2002 et prononçant la révocation du service provisoire à son encontre ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 29 octobre 2002, portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 27 janvier 2003 par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 23 janvier 2003 portant notification dudit mémoire en réponse à Maître Nicolas DECKER ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Nicolas DECKER et Jean KAUFFMAN en leurs plaidoiries respectives.

------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Sur initiative de Monsieur E. K., officier-commandant-chef de service du service d’incendie et d’ambulances de la Ville de Luxembourg, Monsieur …, agent pompier stagiaire auprès dudit service fut informé oralement devant ses collègues de travail en date du 16 mars 2002 par l’intermédiaire de Monsieur A. S., adjudant-chef, de son transfert de l’équipe d’intervention 4 vers l’équipe d’intervention 1, et ceci avec effet au 18 mars 2002.

Il ressort de deux constats d’incapacité de travail des 25 et 30 mars 2002 que Monsieur … fut incapable de travailler les 26 et 27 mars 2002 et du 30 mars au 20 avril 2002.

Sur initiative de Monsieur J. S., ingénieur-directeur, Monsieur … se présenta en date du 15 avril 2002 pour examen chez le médecin de confiance de la Ville de Luxembourg, le Dr. R. G., qui rédigea son rapport médical le même jour, rapport qui est de la teneur suivante :

« Je ne vois pas de possibilité de continuer d’occuper l’intéressé à son poste actuel.

A mon avis un changement de poste est nécessaire.

Dans ces conditions il pourra reprendre un travail le 20.4.2002 ».

Suivant courrier de son mandataire du 21 mai 2002, le demandeur critiqua sa mutation vers l’équipe d’intervention 1 du corps des sapeurs pompiers de Luxembourg dans la mesure où il ne disposait que d’un seul week-end pour réorganiser sa vie privée et il sollicita que ses intérêts légitimes soient respectés.

Suivant courrier du 13 juin 2002, remis en mains propres en date du 20 juin 2002, le collège échevinal, en se basant sur l’article 4. (3), alinéa 2 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, informa Monsieur … qu’il avait décidé en date du 10 juin 2002 de mettre fin à son engagement et de proposer au conseil communal de le révoquer du service provisoire, tout en l’invitant à présenter ses explications dans la huitaine à venir.

Le demandeur fit parvenir au collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg une prise de position détaillée suivant courrier du 25 juin 2002.

Suivant courrier du 10 juillet 2002 à l’adresse du collège échevinal, la délégation des fonctionnaires et employés de la Ville de Luxembourg avisa défavorablement la révocation envisagée et demanda au collège échevinal de maintenir le fonctionnaire concerné en service.

En sa séance publique du 26 juillet 2002, le conseil communal de la Ville de Luxembourg se rallia à la proposition du collège échevinal et prononça la révocation du service provisoire de Monsieur …, aux motifs que le service provisoire serait venu à expiration le 31 octobre 2001 en raison d’un second échec à l’examen d’admission définitive lors de la session d’automne 2000, que Monsieur … aurait contesté de manière inappropriée la décision de ses supérieurs hiérarchiques tendant à l’affecter à une autre équipe d’intervention et qu’au vu des conclusions de l’examen médical effectué par le médecin de confiance, il serait inapte à occuper son poste d’agent pompier.

Ladite décision fut notifiée à l’intéressé par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 12 août 2002.

Par requête déposée le 25 octobre 2002, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision prévisée du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 26 juillet 2002.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur critique la motivation à la base de la décision du conseil communal du 26 juillet 2002 en ce que :

- ce serait à tort que son employeur lui reproche d’avoir échoué à deux reprises aux épreuves de l’examen d’admission définitive, étant donné que le conseil communal lui aurait accordé après le deuxième échec une nouvelle nomination provisoire le 15 octobre 2001, - ce serait à tort que son employeur lui reprocherait d’avoir contesté de manière inappropriée la décision de mutation de l’équipe d’intervention 4 vers l’équipe d’intervention 1, étant donné qu’il n’aurait à aucun moment contesté le fond de la décision de ses supérieurs hiérarchiques, mais uniquement la manière d’après laquelle cette nouvelle affectation serait intervenue, - ce serait à tort que le conseil communal, en se basant sur l’avis de son médecin de confiance, a constaté dans son chef une inaptitude à occuper son poste actuel, d’autant plus que l’avis du médecin de confiance ne contiendrait aucune motivation et que l’impartialité objective dudit médecin serait à mettre en doute.

L’administration communale de la Ville de Luxembourg fait rétorquer en ordre principal que les formalités inscrites à l’article 4 (3), alinéa 8 de la loi modifiée du 24 décembre 1985, précitée, auraient été respectées, de sorte qu’aucune exigence supplémentaire au niveau de la motivation de la décision prise ne serait à respecter.

Subsidiairement, l’administration communale invoque comme motifs à la base de la fin des relations entre parties les échecs répétés du demandeur aux deux épreuves de l’examen d’admission définitive, son refus d’accepter la mutation dans une autre équipe d’intervention et surtout l’incapacité médicale d’exercer l’activité de sapeur pompier, telle qu’établie par le médecin de confiance de la Ville de Luxembourg.

Concernant d’abord l’étendue de l’obligation de motivation d’une décision de révocation d’une nomination au service provisoire l’article 4 (3), alinéa 2 de la loi modifiée du 24 décembre 1985, précitée, dispose que :

« L’admission au service provisoire est révocable. Le licenciement du fonctionnaire en service provisoire peut intervenir à tout moment, l’intéressé entendu en ses explications et la délégation du personnel, si elle existe, entendue en son avis. Sauf dans le cas d’un licenciement pour motifs graves, le fonctionnaire en service provisoire a droit à un préavis d’un mois ».

S’il est exact que ledit article reste muet quant à l’étendue de l’obligation de motivation à charge de l’administration en matière de révocation respectivement de licenciement du fonctionnaire en service provisoire, ladite procédure se limitant à exiger que l’intéressé soit entendu en ses explications, et la délégation du personnel, si elle existe, en son avis, il échet de retenir que ladite procédure ne présente pas pour l’intéressé des garanties équivalentes à celles prévues par le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.

Or, les règles de la procédure administrative non contentieuse ont vocation à s’appliquer dans tout le domaine administratif et suppléent ou remplacent celles contraires des textes en vigueur, à l’exception des procédures particulières organisées d’après les règles assurant au moins une égale protection des administrés (cf. trib. adm.

12 mars 1997, n° 9404 du rôle, Pas. adm. 2002, v° Procédure administrative non contentieuse, n° 1 et autres références y citées), de sorte que les règles édictées dans ledit règlement grand-ducal de 1979 sont applicables en l’espèce et plus particulièrement l’obligation de motivation telle qu’inscrite à l’article 6 dudit règlement.

D’autre part, il échet de préciser que le rôle du juge administratif, en présence d’un recours en annulation, consiste à vérifier le caractère légal et réel des motifs invoqués à l’appui de l’acte administratif attaqué. L’appréciation des faits échappe au juge de la légalité, qui n’a qu’à vérifier l’exactitude matérielle des faits pris en considération par la décision (cf. trib. adm. 27 janvier 1997, Pas. adm. 2002, V° Recours en annulation, n° 9 et autres références y citées).

Dans ce contexte, c’est à juste titre que le demandeur soutient que le reproche tiré du double échec aux épreuves de l’examen d’admission définitive n’est pas fondé, étant donné que l’administration communale de la Ville de Luxembourg n’a pas fait application dans son chef de la disposition inscrite à l’article 4 (3) alinéa 7 d’après laquelle « un nouvel échec au deuxième examen d’admission définitive entraîne l’élimination définitive du fonctionnaire en service provisoire », mais qu’il a bénéficié d’une nouvelle nomination provisoire en date du 15 octobre 2001.

Etant donné que l’administration communale de la Ville de Luxembourg a maintenu Monsieur … en service provisoire malgré un double échec à l’examen d’admission définitive, elle ne saurait à l’heure actuelle revenir sur cette faveur sous peine de laisser le fonctionnaire stagiaire dans une incertitude inadmissible quant à son avenir professionnel, d’autant plus que la nouvelle nomination provisoire prise en date du 15 octobre 2001 l’a été en raison d’une pénurie au niveau du personnel et dans le but de donner une troisième chance à l’intéressé, tel que cela ressort précisément de la décision attaquée.

Il s’ensuit que le motif de révocation tiré du double échec à l’examen d’admission définitive ne saurait être retenu pour justifier la décision attaquée.

Concernant ensuite le motif basé sur le refus de Monsieur … d’accepter sa mutation de l’équipe d’intervention 4 vers l’équipe d’intervention 1, il échet de noter que ce motif n’est pas établi en fait. En effet, il ressort des pièces versées en cause que le demandeur a certes critiqué la forme et les modalités de communication de la décision de mutation, étant donné qu’il n’a été informé de cette mutation qu’avec un préavis de deux jours, mais qu’il n’a pas critiqué la mutation en elle-même et qu’il s’est présenté à son travail les 18, 19, 22 et 23 mars 2002. Cette attitude du demandeur est encore confirmée par le contenu du courrier de son mandataire du 21 mai 2002 et son courrier circonstancié du 25 juin 2002, desquels il ressort qu’il a uniquement critiqué le fait qu’un préavis de 2 jours seulement lui avait été accordé avant sa nouvelle affectation et le fait qu’il avait été mis au courant de manière orale de cette nouvelle affectation le samedi 16 mars 2002 en présence de la totalité de l’équipe d’intervention 1. Il échet d’ailleurs de noter dans ce contexte que Monsieur E. K., officier-commandant-chef de service, a lui-même estimé la manière de divulgation de la nouvelle affectation du demandeur « malencontreuse », tel que cela ressort de son courrier du 12 avril 2002, et que la délégation des fonctionnaires et employés de la Ville de Luxembourg, dans son courrier du 10 juillet 2002 a également estimé « indélicates les modalités dans lesquelles le fonctionnaire concerné a été informé de son affectation immédiate à une autre équipe ».

Dès lors la motivation tirée du refus d’accepter sa mutation dans une autre équipe d’intervention n’est pas établie en fait et doit être écartée.

Concernant finalement la motivation basée sur l’incapacité du demandeur d’exercer l’activité d’agent pompier stagiaire, il ressort de deux constats d’incapacité de travail que le demandeur fut porté malade les 26 et 27 mars 2002 en raison d’un accident de loisir ou d’activité sportive privée et du 30 mars au 20 avril 2002 en raison d’une maladie. Il ressort encore des pièces du dossier que l’employeur s’est plus précisément penché sur cette dernière période de maladie, estimant que le certificat établi par le docteur M. L., médecin spécialiste en psychiatrie, était à vérifier par son médecin de confiance, le Dr. R. G. Or, ledit médecin conseil, dans son rapport médical extrêmement succint du 15 avril 2002, tout en restant muet quant à la maladie dont souffrirait le demandeur, arrive à la conclusion qu’un changement de poste dans le chef de Monsieur … est nécessaire et que dans ces conditions, il aurait été de nouveau apte à reprendre un travail à partir du 20 avril 2002.

De son côté le demandeur conteste, à côté de l’impartialité objective du médecin de confiance, le fait que ledit rapport médical ne contient aucune motivation de nature à justifier son inaptitude médicale à occuper son poste actuel.

Or, comme au vu des pièces versées, le tribunal n’est pas en mesure de se forger une opinion éclairée sur l’état de santé de Monsieur …, il y a lieu, avant tout autre progrès en cause, de recourir à l’avis d’un expert.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

reçoit le recours en la forme ;

avant tout autre progrès en cause, nomme expert Monsieur Jacques PREYVAL, médecin, demeurant à L-3333 Hellange, 49, rue de Bettembourg, avec la mission de se prononcer dans un rapport écrit et motivé sur l’état de santé de Monsieur … et de déterminer si celui est apte au poste d’agent pompier stagiaire ;

autorise l’expert à entendre de tierces personnes, dans le respect du contradictoire ;

invite l’expert à déposer son rapport le 1er juillet 2003 au plus tard ;

dit qu’en cas de refus ou d’impossibilité d’accepter la mission, l’expert désigné sera remplacé à la requête de la partie la plus diligente par ordonnance du président du tribunal, l’autre partie dûment informée ;

ordonne à la partie demanderesse de déposer une provision de 750 € à la caisse des consignations, et d’en justifier au greffe du tribunal, réserve les frais et fixe l’affaire au rôle général.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmannn, juge, et lu à l’audience publique du 30 avril 2003 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15495
Date de la décision : 30/04/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-04-30;15495 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award