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30/04/2003 | LUXEMBOURG | N°15436

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 avril 2003, 15436


Tribunal administratif N° 15436 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 octobre 2002 Audience publique du 30 avril 2003

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Recours formé par Monsieur …, S.

contre une décision du bourgmestre de la commune de S.

en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15436 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 octobre 2002 par Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, insc

rit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annu...

Tribunal administratif N° 15436 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 octobre 2002 Audience publique du 30 avril 2003

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Recours formé par Monsieur …, S.

contre une décision du bourgmestre de la commune de S.

en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15436 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 octobre 2002 par Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune de S. du 18 juillet 2002 lui refusant le bénéfice d’une autorisation de construire une maison unifamiliale sur un terrain lui appartenant sis à S., au lieu-dit « … » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 16 octobre 2002, portant signification de ce recours à l’administration communale de S. ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 13 janvier 2003 par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en nom et pour compte de l’administration communale de S. ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 10 janvier 2003 par lequel ledit mémoire en réponse a été notifié au mandataire de Monsieur … ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 31 janvier 2003 en nom et pour compte du demandeur ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du même jour portant notification dudit mémoire en réplique au mandataire de l’administration communale de S. ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 27 février 2003 par Maître Jean KAUFFMAN pour compte de l’administration communale de S. ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 26 janvier 2003 par lequel ledit mémoire en duplique a été notifié au mandataire de Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maîtres Marc THEWES et Jean KAUFFMAN en leurs plaidoiries respectives.

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Par délibération du 24 septembre 1998, le conseil communal de S. approuva provisoirement le nouveau plan d’aménagement général - parties graphique et écrite - de la commune de S., désigné ci-après par le « PAG ».

Le 10 novembre 1998, Monsieur …, par l’intermédiaire de son mandataire, réclama contre ladite approbation provisoire et plus particulièrement contre le classement hors zone constructible de son terrain sis au lieu-dit « … », inscrit sous le numéro cadastral ….

Le 21 août 2001, le ministre de l’Environnement, statuant dans le cadre de la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, accorda à Monsieur … l’autorisation concernant la construction d’une maison unifamiliale sur le fonds inscrit au cadastre de la commune de S. sous le numéro …, tout en soumettant cette autorisation à un certain nombre de conditions.

Suivant courrier du 26 février 2002, Monsieur R. B., architecte, sollicita pour compte de Monsieur … l’autorisation de bâtir auprès de l’administration communale de S..

Par courrier du 18 juillet 2002, le bourgmestre de la commune de S. refusa l’autorisation de bâtir sollicitée aux motifs suivants :

« Le plan d’aménagement général de la commune de S., dûment approuvé [par] la délibération du conseil communal du 24 septembre 1998 et publié par la suite, place le terrain incriminé en dehors du périmètre de construction. Le plan d’aménagement général provisoirement approuvé par le conseil communal sort immédiatement ses effets.

En outre le terrain en question est situé dans une zone de bâtiment et d’aménagement public et dans une zone non aedificandi et il n’y a aucune infrastructure existante sur le terrain ».

Par requête introduite auprès du tribunal administratif en date du 9 octobre 2002, Monsieur … a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du bourgmestre de la commune de S. du 18 juillet 2002.

Ledit recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur estime en premier lieu que le fait que le terrain litigieux soit situé en dehors du périmètre de construction, tel que fixé par le PAG, serait sans pertinence juridique, étant donné que cela signifierait uniquement que la construction est soumise aux conditions plus rigoureuses découlant de la loi du 11 août 1982, précitée, qui aurait été prise en compte dans le cadre de l’autorisation du 21 août 2001 délivrée par le ministre de l’Environnement. Pour le surplus, la construction projetée se conformerait aux prescriptions du PAG pour la zone concernée, de sorte qu’il n’existerait aucun motif valable de refus de la part du bourgmestre.

En deuxième lieu, le demandeur critique la décision attaquée, étant donné que ce serait à tort que le bourgmestre a estimé que le terrain en question se situerait dans une zone de bâtiment et d’aménagement public et dans une zone non aedificandi, telles que décrites dans le PAG.

Finalement, Monsieur … estime que le motif de refus tiré du fait que le terrain litigieux ne disposerait pas de l’infrastructure nécessaire ne serait pas valable, étant donné qu’il aurait clairement indiqué son intention de se plier aux exigences en la matière et qu’il pourrait se raccorder aux infrastructures existantes à travers un terrain appartenant à des membres de sa famille.

L’administration communale de S. fait rétorquer que le PAG, provisoirement voté, aurait un effet obligatoire et s’imposerait aux administrés. Comme le terrain litigieux est placé en dehors de la zone constructible, le bourgmestre n’aurait plus été en droit d’accorder le permis de construire sollicité par Monsieur …. Pour le surplus, la décision favorable du ministre de l’Environnement du 21 août 2001 ne lierait pas le bourgmestre, étant donné que chaque autorité administrative interviendrait dans son champ de compétence respectif.

Comme le terrain litigieux se situe en dehors du périmètre de construction dans une zone non aedificandi, aucune construction à destination d’habitation privée ne pourrait être autorisée.

Dans son mémoire en réplique le demandeur fait référence à un arrêt du Conseil d’Etat du 17 mars 1971, rendu en présence de la commune de S., duquel il se dégagerait qu’il serait en droit d’ériger une construction sur le terrain litigieux et il invoque l’autorité de chose jugée dudit arrêt, au motif que la situation de fait n’aurait pas changé depuis 1971, vu que son terrain se situerait toujours en dehors du périmètre de construction. Pour le surplus, en refusant le permis de construire pour des motifs relevant exclusivement de l’appréciation du ministre de l’Environnement, la commune se serait ingérée dans les compétences d’une autre autorité et la décision serait partant entachée de nullité.

L’administration communale de S. fait dupliquer que le demandeur pourrait tout au plus entreprendre le PAG une fois définitivement voté, soit entamer et mener à terme une procédure d’extension du périmètre de construction pour faire inclure le terrain litigieux dans le périmètre de construction. Etant donné cependant que la construction projetée est située sur le terrain de la commune, le demandeur aurait l’obligation de solliciter une autorisation de construire communale même s’il n’y avait pas d’opposition de la part de l’Etat agissant par l’intermédiaire de son ministre de l’Environnement. Par sa façon de procéder, la commune ne s’ingérerait pas dans les compétences étatiques et elle ne se trouverait pas liée par la décision prise par une autre autorité agissant dans une sphère de compétence tout à fait différente. Pour le surplus, le nouveau PAG aurait remis en cause les prétendus droits du demandeur déduits de l’arrêt du Conseil d’Etat du 17 mars 1971, ce qui serait d’ailleurs démontré par le fait que Monsieur … aurait réclamé par courrier du 10 novembre 1998 dans le cadre de la procédure ayant abouti à l’adoption provisoire du PAG.

Le tribunal n’est pas tenu de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse, mais dans l’intérêt de l’administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, il peut les traiter suivant un ordre différent (cf. trib. adm. 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle, Pas.

adm. 2002, V° Procédure contentieuse, n° 134).

Concernant tout d’abord le reproche tiré du fait que le bourgmestre de la commune de S. se serait ingéré dans les sphères de compétence d’une autre autorité, en l’espèce le ministre de l’Environnement, et que partant la décision attaquée serait entachée de nullité, il convient de rappeler que, concernant la construction en dehors du périmètre d’agglomération communal, l’obligation de requérir de la part du ministre concerné une autorisation de construire est uniquement basée sur des considérations relatives à la protection de la nature, à l’exclusion de toutes autres, notamment de celles relatives au maintien de la sécurité publique et à l’observation des règles d’urbanisme. - Le pouvoir de police des autorités communales en matière de bâtisses et la faculté que la loi leur accorde de réglementer l’aménagement du territoire de la commune, ne sont donc nullement entamées par la loi concernant la protection de la nature, ces prérogatives du pouvoir local restant pleines et entières. – Le bourgmestre, ainsi que le ministre ayant dans ses attributions respectivement l’administration des Eaux et Forêts et l’administration de l’Environnement ont donc, notamment dans les zones situées en dehors des agglomérations, des compétences concurrentes, chacune de ces autorités administratives agissant dans la sphère de sa compétence propre et en application de ses lois et règlements spécifiques, de sorte qu’elles doivent tirer autorité des normes et conditions qui relèvent de leurs sphères de compétences respectives (cf. trib. adm. 24 juin 1998, n° 10381 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Urbanisme, n° 184).

C’est dès lors à juste titre que la commune de S. soutient que la compétence des autorités communales est donnée, au motif que la construction est projetée sur le territoire communal et que l’autorisation ministérielle n’affranchit partant pas le demandeur de solliciter une autorisation de construire en bonne et due forme. Il s’ensuit également que l’arrêt du Conseil d’Etat du 17 mars 1971 ne saurait affranchir le demandeur de solliciter et d’obtenir pareille autorisation de construire, étant donné que cet arrêt a été rendu à la suite d’un refus du ministre de l’Intérieur sur base de la loi du 29 juillet 1965 concernant la conservation de la nature et des ressources naturelles, l’arrêt en question ne pouvant partant avoir une quelconque influence sur la compétence des autorités communales, compétentes à leur tour en vertu de leurs prérogatives du pouvoir local pour statuer en matière d’autorisation de construire.

Aux termes de l’article 12 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes :

« A partir du jour où le projet d’aménagement est déposé à la maison communale, tout morcellement des terrains, toute construction ou réparation confortative, ainsi que tous travaux généralement quelconques, en tant que ces morcellements, constructions, réparations ou travaux seraient contraires aux dispositions du plan, sont interdits (…) ».

Cet effet conservatoire négatif attaché à un plan d’aménagement a encore été affirmé par le PAG litigieux, en ses articles 2 et 89, dispositions d’après lesquelles « tous travaux contraires aux dispositions du présent règlement sont interdits à partir du jour de sa publication qui suit le vote provisoire par le conseil communal », solution d’ailleurs expressément reconnue par les parties au litige dans leurs mémoires respectifs.

En l’espèce, il ressort de la partie graphique du PAG soumis et librement débattue à l’audience du tribunal à laquelle l’affaire a été plaidée, que le terrain litigieux se trouve situé à l’extérieur du périmètre d’agglomération pour partie en zone agricole, pour partie en zone non aedificandi et à la limite de la zone forestière.

Or, aux termes de l’article 15 alinéa 2 du PAG :

« Toute construction, sauf celle indispensable à l’exploitation forestière, doit respecter une distance de 30 mètres de la zone forestière ».

Pour le surplus, l’article 16 dudit PAG dispose que :

« La zone agricole est réservée à l’agriculture au sens général du terme. La construction de bâtiments nécessaires à l’exploitation agricole ainsi que l’implantation de fermes entières peuvent y être autorisées sans préjudice des dispositions de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles ».

Il est dès lors établi en l’espèce que la construction projetée est à la fois contraire aux articles 15 et 16 de la partie écrite du PAG, de même que par rapport à la partie graphique dudit plan dans la mesure où le terrain litigieux est situé pour partie en zone non aedificandi.

Il s’ensuit que contrairement à l’affirmation du demandeur, la construction projetée ne se conforme pas aux prescriptions éditées par le PAG de la commune de S., mais est contraire à la partie graphique et à deux dispositions écrites dudit plan, de sorte que c’est à bon droit que le bourgmestre a refusé l’autorisation sollicitée.

Il s’ensuit que sur base des développements qui précèdent le recours laisse d’être fondé, l’examen des autres moyens devenant surabondant.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 30 avril 2003 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15436
Date de la décision : 30/04/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-04-30;15436 ?

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