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28/04/2003 | LUXEMBOURG | N°s15648,15771

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 avril 2003, s15648,15771


Tribunal administratif N°s 15648 et 15771 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits les 25 novembre et 20 décembre 2002 Audience publique du 28 avril 2003

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Recours formés par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 15648 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 novembre 2002 par Maître Louis TINTI, avoc

at à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le… , de n...

Tribunal administratif N°s 15648 et 15771 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits les 25 novembre et 20 décembre 2002 Audience publique du 28 avril 2003

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Recours formés par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 15648 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 novembre 2002 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le… , de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 5 juin 2002, lui notifiée le 25 juin 2002, portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro 15771 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 décembre 2002 par Maître Louis TINTI, au nom de Monsieur …, tendant à la réformation de la décision prévisée du ministre de la Justice du 5 juin 2002, ainsi que de celle confirmative du même ministre datant du 18 novembre 2002, lui notifiée le 20 novembre 2002, intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 février 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 31 mars 2003.

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En date du 18 octobre 2001, Monsieur … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut ensuite entendu en date du 22 novembre 2001 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 5 juin 2002, notifiée le 25 juin 2002, le ministre de la Justice l’informa que sa demande avait été rejetée au motif qu’il ne ferait pas état de persécutions ou de problèmes particuliers, mais se référerait uniquement à la situation générale des musulmans slaves au Kosovo, de manière à ne pas faire état d’une crainte raisonnable de persécution au sens de la Convention de Genève. Le ministre a relevé en outre qu’il ne ressortirait pas du dossier qu’il aurait été impossible à Monsieur … de s’installer au Monténégro ou en Serbie et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne.

Le recours gracieux introduit par courrier de son mandataire du 25 juillet 2002 à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 5 juin 2002 s’étant soldé par une décision confirmative du ministre du 18 novembre 2002, Monsieur … a fait introduire d’abord un recours contentieux tendant à la réformation de la seule décision ministérielle prévisée du 5 juin 2002 par requête déposée en date du 25 novembre 2002 et ensuite un recours étendu également à la décision confirmative prévisée du 18 novembre 2002.

Les deux recours sous examen ayant en substance le même objet, en l’occurrence le refus du ministre de la Justice de faire droit à la demande d’asile de Monsieur …, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de joindre les recours inscrits sous les numéros du rôle respectifs 15648 et 15771 et de les toiser par un seul jugement.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que seul un recours en réformation a pu être dirigé contre les décisions ministérielles déférées.

Les recours en réformation ayant par ailleurs été introduits dans les formes et délai de la loi, ils sont recevables. Les recours subsidiaires en annulation sont par voie de conséquence irrecevables.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer qu’il est originaire du Kosovo, de confession musulmane et qu’il ferait partie de la minorité des « Bochniaques ». Il reproche à l’autorité administrative d’avoir fait une appréciation erronée des faits d’espèce et de ne pas avoir tiré les conséquences qui se seraient imposées du fait de la persécution dont il aurait été victime ou pourrait être victime en cas de retour dans son pays d’origine. Il expose à cet égard que les Bochniaques du Kosovo éprouveraient toujours les pires difficultés à coexister avec les Albanais du Kosovo et qu’ils seraient de surcroît soupçonnés par les Albanais d’avoir participé militairement au côté des Serbes aux exactions commises par ces derniers à l’égard du peuple albanais.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. - Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 9, p. 519).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition du 22 novembre 2001, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, en ce qui concerne la situation actuelle dans le pays de provenance du demandeur, il est constant que suite au départ de l’armée fédérale yougoslave et des forces de police dépendant des autorités serbes du Kosovo, une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée sur ce territoire, de même qu’une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, y a été mise en place.

Il convient d’ajouter que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence et qu’une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, il ne saurait en être autrement qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce-qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p.113, nos. 73-s).

En ce qui concerne la situation des membres des minorités au Kosovo, notamment de celle des « Bochniaques », s’il est vrai que leur situation générale est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à subir des insultes, voire d’autres discriminations ou agressions par des groupes de la population, notamment du groupe majoritaire des Albanais, elle n’est cependant pas telle que tout membre de la minorité ethnique visée serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève, étant entendu qu’une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des traitements discriminatoires.

Or, en l’espèce, les craintes exprimées par le demandeur en raison de la prétendue hostilité des Albanais à son égard en raison de la participation de ses frères à la guerre du Kosovo, de son appartenance à la minorité « bochniaque » et de la situation générale tendue dans sa région d’origine, s’analysent, en substance, en un sentiment général de peur, insuffisant à établir une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève.

En effet, le demandeur fait essentiellement état de sa crainte de voir commettre des actes de violence à son encontre de la part de membres de la population albanaise, mais il ne démontre point que les autorités administratives chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant aux habitants du Kosovo, étant entendu qu’il n’a pas fait état de faits concrets qui seraient de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part des autorités actuellement en place.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit les recours en réformation inscrits sous les numéros 15648 et 15771 du rôle en la forme ;

au fond, prononce leur jonction, les déclare non justifiés et en déboute ;

condamne le demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 avril 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : s15648,15771
Date de la décision : 28/04/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-04-28;s15648.15771 ?

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