La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/04/2003 | LUXEMBOURG | N°15685

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 avril 2003, 15685


Tribunal administratif N° 15685 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 décembre 2002 Audience publique du 28 avril 2003

================================

Recours formé par Monsieur et Madame … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

--------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 15685 et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 décembre 2002 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg,

au nom de Monsieur …, né le … et de son épouse, Madame …, née le …, de nationalité bosniaque, demeurant...

Tribunal administratif N° 15685 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 décembre 2002 Audience publique du 28 avril 2003

================================

Recours formé par Monsieur et Madame … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

--------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 15685 et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 décembre 2002 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … et de son épouse, Madame …, née le …, de nationalité bosniaque, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 23 octobre 2002, notifiée le 7 novembre 2002, par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en reconnaissance du statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 février 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2003 par Maître François MOYSE au nom des demandeurs ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître François MOYSE et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 31 mars 2003.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

En date du 10 juillet 2002, Monsieur … … et son épouse, Madame … …, accompagnés de leurs enfants mineurs … et … …, introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur et Madame … furent entendus le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Ils furent en outre entendus séparément en date du 7 août 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Par décision du 23 octobre 2002, leur notifiée par courrier recommandé expédié en date du 4 novembre 2002, le ministre de la Justice les informa que leur demande avait été rejetée aux motifs qu’ils resteraient en défaut d’établir que leur situation individuelle serait telle qu’elle laisserait supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans leur chef, étant donné que la guerre en Bosnie est achevée depuis plusieurs années, de sorte qu’il serait peu probable que la soif de vengeance des Serbes par eux invoquée serait à ce point inextinguible qu’ils seraient encore réellement menacés, que concernant la situation actuelle en Bosnie-Herzégovine il y aurait par ailleurs lieu de constater que ce pays est toujours sous le contrôle des forces de stabilisation de l’OTAN qui veillent au respect mutuel des différentes communautés ethniques et que les demandeurs resteraient pour le surplus en défaut d’établir des raisons rendant impossible leur installation à Tuzla, voire toute autre possibilité de fuite interne. Le ministre a relevé en outre le caractère inexact des déclarations des demandeurs au sujet de leur demande de visa en Allemagne pour retenir que cette circonstance jetterait le doute sur la crédibilité de l’ensemble de leurs déclarations.

Par requête déposée en date du 3 décembre 2002, les époux … ont fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle prévisée du 23 octobre 2002.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles entreprises. Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

Au fond, les demandeurs exposent qu’ils auraient subi de véritables persécutions en raison notamment de leurs convictions politiques et de la non-présentation à l’armée de Monsieur … dans leur pays d’origine. Ce dernier aurait d’abord fait son service militaire de 1989 à 1990 en Macédoine et ensuite il aurait été dans une unité de « Mudjaheddins » lors des combats en Bosnie, avant de passer finalement dans l’armée bosniaque. Ils signalent que Monsieur … aurait été victime de menaces en relation avec ses opinions politiques et de ses combats dans les différentes armées. Les demandeurs critiquent la décision déférée d’abord en ce qu’elle ne remplirait pas les exigences de motivation légale. Quant aux craintes de persécution par eux invoquées à l’appui de leur demande d’asile, ils signalent avoir fait l’objet de menaces ainsi d’avoir porté plainte devant la police de leur lieu de résidence sans que les autorités en question n’aient réagi, de sorte qu’il y aurait lieu de conclure à l’existence d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève dans leur chef. Ils relèvent en outre qu’il y aurait toujours un risque d’affrontements entre les différentes ethnies en Bosnie lequel aurait trouvé une application concrète dans leur chef à travers les agressions dont ils ont fait l’objet.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des époux … et que leur recours laisserait d’être fondé.

Il se dégage des pièces versées au dossier plus particulièrement de la décision litigieuse que le ministre a clairement énoncé la base légale, ainsi que les faits sur lesquels il s’est appuyé pour refuser de faire droit à la demande d’asile sous examen, de sorte que le premier moyen basé sur un défaut de motivation suffisante laisse d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. - Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 9).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle des demandeurs, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité de leurs déclarations.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur et Madame … lors de leurs auditions respectives en date du 7 août 2002 , telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, même à admettre que l’ensemble des doléances des demandeurs soient véridiques, force est de constater que le ministre de la Justice a relevé à juste titre que les craintes de persécution invoquées en l’espèce se cristallisent essentiellement autour du lieu de résidence des demandeurs, mais qu’ils restent en défaut d’établir qu’ils ne peuvent trouver refuge, à l’heure actuelle, dans une autre partie de la Bosnie-Herzégovine, étant entendu que la Convention de Genève vise le pays d’origine ou de nationalité des demandeurs d’asile sans restriction territoriale et que le défaut d’établir des raisons suffisantes pour lesquelles un demandeur d’asile ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre région de son pays d’origine et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne est pris en compte pour refuser la reconnaissance du statut de réfugié (trib. adm 10 janvier 2001, n° 12240 du rôle, Pas. adm.

2002, V° Etrangers, n° 40 et autres références y citées).

Il suit de ce qui précède que les demandeurs n’ont pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 avril 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15685
Date de la décision : 28/04/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-04-28;15685 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award