La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/04/2003 | LUXEMBOURG | N°15639

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 avril 2003, 15639


Tribunal administratif N° 15639 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 novembre 2002 Audience publique du 28 avril 2003

==============================

Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

-------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 15639 et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 novembre 2002 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembou

rg, au nom de Madame …, née le …, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l...

Tribunal administratif N° 15639 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 novembre 2002 Audience publique du 28 avril 2003

==============================

Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

-------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 15639 et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 novembre 2002 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le …, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 3 juin 2002, notifiée le 24 juin 2002, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision implicite confirmative se dégageant du silence observé par le prédit ministre par rapport à son recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 février 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI, en remplacement de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 31 mars 2003.

En date du 22 mars 2002, Madame … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Madame … fut entendue le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Madame … fut entendue en outre le 28 mars 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 3 juin 2002, notifiée le 24 juin 2002, le ministre de la Justice informa Madame … de ce que sa demande avait été rejetée aux motifs que ses assertions traduiraient plutôt un sentiment général d’insécurité qu’une réelle crainte de persécution au sens de la Convention de Genève et qu’il ne ressortirait pas du dossier que les agressions par elle alléguées, à les supposer établies, soient motivées par des motifs de persécution entrant dans le cadre de la Convention de Genève. Le ministre a relevé en outre qu’il ne ressortirait pas du dossier qu’il aurait été impossible à Madame … de s’installer dans une autre partie de son pays d’origine et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne.

Par lettre du 24 juillet 2002, Madame … introduisit, par le biais de son mandataire, un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 3 juin 2002. Celui-ci n’ayant pas fait l’objet d’une décision de la part du ministre, elle a fait introduire, par requête déposée en date du 22 novembre 2002, un recours en réformation à l’encontre de la décision prévisée du 3 juin 2002 ainsi que de celle implicite se dégageant du silence observé par le ministre à la suite de son recours gracieux.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles entreprises.

Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Au fond, Madame …, originaire du Monténégro et de confession musulmane, fait exposer qu’elle aurait quitté son pays d’origine alors que sa vie aurait été sérieusement menacée par le pouvoir en place et que ses droits les plus élémentaires auraient été bafoués du seul fait de son appartenance religieuse et ethnique. Elle signale avoir été agressée et persécutée à plusieurs reprises par des éléments extrémistes serbes lesquels n’auraient pas souhaité sa présence dans leur quartier, très majoritairement peuplé par des Serbes. Dans la mesure où la situation dans son pays d’origine serait loin d’être sécurisée, elle estime qu’un retour dans son pays d’origine ne pourrait être raisonnablement envisagé.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Madame … et que le recours laisserait d’être fondé.

Concernant le bien fondé de la demande d’asile, il ressort de l’article 1er, section A, 2.

de la Convention de Genève, que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. - Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 9).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Madame … lors de son audition en date du 28 mars 2002, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, force est de constater que le risque de persécution allégué par la demanderesse émane en substance d’un certain groupe de la population, en l’occurrence la population serbe, de sorte que ledit risque de persécution ne peut être reconnu comme motif d’octroi du statut de réfugié politique que si la personne en cause ne bénéficie pas de la protection des autorités de son pays. Or, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée. Il faut en plus que le demandeur d’asile ait concrètement recherché cette protection, de sorte que ce n’est qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce-qu’un réfugié ?, Bruylant, Bruxelles, 1998, p. 113, nos 73-s).

En l’espèce, la demanderesse fait état de sa crainte de voir commettre des actes de violence à son encontre, mais ne démontre point que les autorités en place seraient incapables de lui assurer un niveau de protection suffisant, aucun fait concret et circonstancié de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part des autorités en place n’ayant été allégué ni, a fortiori, établi en cause.

A cela s’ajoute que les craintes de persécution invoquées se cristallisent essentiellement autour du lieu de résidence de la demanderesse et qu’elle reste en défaut d’établir qu’elle ne peut trouver refuge, à l’heure actuelle, dans une autre partie de son pays d’origine, étant entendu que la Convention de Genève vise le pays d’origine ou de nationalité sans restriction territoriale.

Il suit de ce qui précède que la demanderesse n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 avril 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15639
Date de la décision : 28/04/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-04-28;15639 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award