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28/04/2003 | LUXEMBOURG | N°15618

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 avril 2003, 15618


Tribunal administratif N° 15618 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 novembre 2002 Audience publique du 28 avril 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15618 du rôle et déposée le 18 novembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M

onsieur …, né le …, chauffeur professionnel, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision ...

Tribunal administratif N° 15618 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 novembre 2002 Audience publique du 28 avril 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15618 du rôle et déposée le 18 novembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, chauffeur professionnel, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Transports du 29 octobre 2002 par laquelle « la validité du permis de conduire du requérant a été soumise aux mêmes restrictions que celles prévues dans la décision judiciaire » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 janvier 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 31 janvier 2003 au greffe du tribunal administratif au nom du demandeur ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 février 2003 ;

Vu les pièces versées et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Christian-Charles LAUER, en remplacement de Maître Henri FRANK, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Par arrêt du 14 décembre 1999, la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle, réformant partiellement un jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, chambre correctionnelle, du 25 février 1999, condamna Monsieur … pour avoir conduit un véhicule automoteur sur la voie publique le 14 février 1998 et « [d’] avoir, par défaut de prévoyance et de précaution, mais sans l’intention d’attenter à la personne d’autrui, partant involontairement, porté des coups et fait des blessures à G. W. (…); [d’] avoir circulé avec un taux d’alcool d’au moins 0,55 milligramme par litre d’air expiré, en l’espèce de 0,73 mg/l ; défaut de conduire de façon à rester constamment maître de son véhicule ; défaut de se comporter raisonnablement et prudemment de façon à ne pas causer un dommage aux propriétés privées, [ainsi que] défaut de pouvoir arrêter son véhicule dans les limites de son champ de visibilité vers l’avant » à une peine d’amende de 30.000.- francs ainsi qu’à une interdiction de conduire un véhicule automoteur des catégories A-F sur la voie publique pendant une durée de dix-huit mois, cette interdiction de conduire ayant été assortie intégralement du sursis à exécution.

Par arrêt du 11 juin 2001, la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, sixième chambre, siégeant en matière correctionnelle, réformant partiellement un jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, chambre correctionnelle, du 8 décembre 2000, condamna Monsieur … pour avoir conduit un véhicule automoteur sur la voie publique le 20 novembre 1999 « sachant qu’il a causé un accident, d’avoir pris la fuite pour échapper aux constatations utiles ; d’avoir circulé, même en l’absence de signes manifestes d’ivresse, avec un taux d’alcool d’au moins 0,55 mg par litre d’air expiré, en l’espèce de 0,76 mg/l ; [et] défaut de se comporter raisonnablement et prudemment de façon à ne pas causer un dommage aux propriétés privées » à une peine d’amende de 30.000.- francs ainsi qu’à une interdiction de conduire un véhicule automoteur des catégories A-F, à l’exception des catégories C et E, sur la voie publique pendant une durée de trente-six mois.

Le 18 juillet 2002, après avoir entendu Monsieur … en ses explications et moyens de défense, la commission spéciale prévue à l’article 90 de l’arrêté grand-ducal précité du 23 novembre 1955, ci-après dénommée la « commission spéciale », proposa à l’unanimité de « limiter la validité du permis de conduire à la fin de l’interdiction de conduire judiciaire c’est-à-dire, jusqu’au 08 octobre 2004 et avec les mêmes restrictions que celles prévues dans la décision judiciaire ».

Par arrêté ministériel du 29 octobre 2002, le ministre des Transports décida de restreindre la validité du permis de conduire de Monsieur … en ce sens que « la durée de validité du permis de conduire des catégories A sous 2), 3), B, C, C + E ainsi que des sous-

catégories C1, C1+E et F (…) est limitée à la fin de l’interdiction de conduire judiciaire, c’est-à-dire jusqu’au 8 octobre 2004 et avec les mêmes restrictions que celles prévues dans la décision judiciaire (sic) ». L'arrêté en question se réfère aux avis du procureur général d’Etat et de la commission spéciale et il retient que Monsieur … « a à plusieurs reprises enfreint les règles de la circulation routière ».

Par requête déposée le 18 novembre 2002, M. … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de l’arrêté ministériel prévisé du 29 octobre 2002.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient en premier lieu que l’arrêté ministériel serait insuffisamment motivé en ce qu’il ne préciserait pas la décision judiciaire à laquelle il se rapporterait.

Le délégué du gouvernement estime que l’arrêté litigieux est suffisamment motivé, étant donné que le demandeur aurait été informé par la commission spéciale de l’existence des deux condamnations pénales qui sont à l’origine de la procédure engagée à son encontre et que les deux condamnations auraient été prononcées contradictoirement et à une époque récente, de sorte qu’il ne saurait les ignorer. Le délégué ajoute que même si l’indication des motifs dans le corps même de la décision devait être jugée insuffisante, pareil manquement ne saurait impliquer l’annulation de la décision administrative, mais que cela ne saurait avoir d’influence que sur les délais pour agir en justice.

D’après l’article 6 (1) du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, une décision administrative doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, notamment lorsqu’elle révoque ou modifie une décision antérieure. - La sanction de l’obligation de motiver une décision administrative ne consiste cependant que dans la suspension des délais de recours. La décision reste valable et l’administration peut produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif (Cour adm. 8 juillet 1997, n° 9918C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 38 et autres références y citées) En l’espèce, malgré un libellé quelque peu malencontreux de l’arrêté ministériel litigieux, notamment en ce qui concerne la précision de la décision judiciaire à laquelle le ministre fait référence, il appert néanmoins indubitablement à la lecture dudit arrêté, ensemble les pièces produites en cause par le délégué du gouvernement et dont le demandeur a pu prendre examen et formuler telles observations qu’il jugeait nécessaires ou opportunes, de sorte que ses droits de la défense n’ont pas été affectés de ce chef, que le ministre des Transports a visé le second arrêt en date rendu par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, à savoir l’arrêt prévisé du 11 juin 2001, et que l’arrêté doit être lu comme limitant, à partir de la fin des interdictions de conduire judiciaires, la validité du permis de conduire de Monsieur … en ce sens que le ministre des Transports lui retire l’autorisation de conduire un véhicule relevant des catégories A, B, D et F, alors que Monsieur … conserve le droit de conduire sur la voie publique tout véhicule relevant des catégories C et E.

La motivation indiquée dans l’arrêté ministériel ensemble les éléments communiqués au demandeur au cours de l’instruction de l’affaire sous examen, suffit en conséquence aux exigences de l’article 6 (1) du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, de manière que le moyen relatif à l’absence de motivation est à rejeter.

Le demandeur conclut ensuite à l’annulation de l’arrêté ministériel en cause, au motif qu’il constituerait une violation à l’article 86 de la Constitution, en ce sens que la commission spéciale constituerait une juridiction spéciale qui aurait dû être créée par le législateur et non pas par le gouvernement comme ce serait le cas en la présente matière.

Ledit moyen laisse d’être fondé, étant donné que la commission spéciale constitue de toute évidence un organe consultatif destiné à assister l’autorité administrative notamment dans le cadre de la prise d’une décision de retrait administratif ou de limitation administrative de validité de permis de conduire, et que le demandeur reste en défaut de prouver le moindre indice relativement à l’existence d’une attribution juridictionnelle dans le chef de ladite commission.

Enfin, le demandeur estime que la décision querellée ne serait pas justifiée, mais « disproportionnée par rapport aux infractions isolées à la réglementation de la circulation reprochées au requérant ».

Concernant ce dernier reproche, consistant en substance à soutenir que la décision ministérielle serait le résultat d’une erreur manifeste d’appréciation, il convient de relever que l’article 2 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques prévoit que le ministre des Transports ou son délégué peut retirer le permis de conduire, notamment lorsque le conducteur d’un véhicule « 1) présente des signes manifestes d’alcoolisme ou d’autres intoxications ; 2) n’offre pas, compte tenu des faits d’inhabilité ou de maladresse, suffisamment concluants constatés à sa charge, les garanties nécessaires à la sécurité routière » ou s’il « 3) est dépourvu du sens des responsabilités requis, dans l’intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d’un véhicule ».

Il convient encore de rappeler que le but assigné à un retrait administratif du permis de conduire est de protéger, pour l'avenir, la sécurité des usagers de la route contre des personnes représentant un danger potentiel à leur égard et non celui de sanctionner les personnes concernées pour des faits commis dans le passé et que dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif peut vérifier les faits formant la base des décisions administratives qui lui sont soumises et examiner si ces faits sont de nature à justifier la décision. Cet examen amène le juge à vérifier si les faits à la base de la décision sont établis et si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits établis (cf. trib. adm. 7 décembre 1998, n° 10807, Pas. adm. 2002, V° Recours en annulation, n° 10, et autres références y citées).

Ceci étant, en l’espèce, force est de constater qu’il se dégage des pièces du dossier que Monsieur … a commis différentes infractions aux règles de la circulation routière, notamment en conduisant à deux reprises un véhicule automoteur sur la voie publique en présentant chaque fois un taux d’alcool d’au moins 0,55 milligramme par litre d’air expiré, en l’occurrence respectivement de 0,73 et 0,76 grammes par litres et qu’après avoir causé un accident, il a commis un délit de fuite.

Or, au regard de l’ensemble des faits établis en l’espèce, tous suffisamment récents pour être susceptibles de renseigner au moment de la prise de la décision sur l’attitude de l’intéressé, l’arrêté ministériel se justifie et le ministre a pu estimer, au stade où il a été appelé à statuer, sans transgresser les limites de son pouvoir d’appréciation, que les infractions au code de la route, d’une gravité certaine, justifient le retrait des permis de conduire autres que ceux relevant des catégories C et E, nécessaires afin de prévenir la perte de l’emploi de Monsieur ….

Il ressort des considérations qui précèdent que l’appréciation du ministre dans sa décision de retrait du permis de conduire, n’encourt pas de reproche devant conduire à l’annulation de cette décision. Le recours en annulation est donc à rejeter comme non fondé.

Enfin, il y a encore lieu de noter que, dans son mémoire en réplique, Monsieur … demande au tribunal de l’« autoriser à conduire normalement tous véhicules automoteurs quitte à ce que la validité de son permis soit limitée dans le temps » et de retenir que le tribunal n’est pas compétent pour connaître de pareille demande, son examen par la juridiction saisie présupposant l’existence d’un pouvoir de réformation, que le législateur n’a cependant pas prévu en la matière.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître de la demande tendant à la réformation de la décision litigieuse ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Ravarani, président M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 28 avril 2003, par le président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15618
Date de la décision : 28/04/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-04-28;15618 ?

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