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24/04/2003 | LUXEMBOURG | N°16170

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 avril 2003, 16170


Tribunal administratif N° 16170 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 mars 2003 Audience publique du 24 avril 2003

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Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16170 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 mars 2003 par Maître Denis PHILIPPE, avocat à la Cour, assisté de Maître Caroline NOTTE, avocat, tous les deux inscrits au tableau de

l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Godusa-Bijelo-Polje (Monténégro/S...

Tribunal administratif N° 16170 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 mars 2003 Audience publique du 24 avril 2003

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Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16170 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 mars 2003 par Maître Denis PHILIPPE, avocat à la Cour, assisté de Maître Caroline NOTTE, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Godusa-Bijelo-Polje (Monténégro/Serbie et Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-4023 Esch-sur-Alzette, 74, rue Jean-Pierre Bausch, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 7 janvier 2003, notifiée le 14 janvier 2003, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision du 24 février 2003 confirmant sur recours gracieux la décision initiale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 avril 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Caroline NOTTE, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 21 novembre 2002, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut en outre entendu le 28 novembre 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 7 janvier 2003, notifiée par lettre recommandée le 14 janvier 2003, le ministre de la Justice l’informa que sa demande a été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’elle ne répondrait à aucun des critères de fond tels que définis par l’article 1er, section A.2 de la Convention de Genève. Le ministre a en effet retenu que Monsieur … se limitait à exprimer un vague sentiment général d’insécurité. Ladite décision se base encore sur l’article 5 paragraphe 1 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996, en ce que Monsieur … proviendrait d’un pays, à savoir le Monténégro, où il n’existerait pas, en règle générale, des risques sérieux de persécution.

Le recours gracieux introduit auprès du ministre de la Justice le 12 février 2003, dirigé contre la décision ministérielle précitée du 7 janvier 2003, a été rejeté par une décision confirmative dudit ministre du 24 février 2003.

Par requête déposée le 24 mars 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation des décisions ministérielles précitées du ministre de la Justice des 7 janvier et 24 février 2003.

Le recours en annulation, qui constitue le recours légalement prévu par l’article 10 (3) de la loi précitée du 3 avril 1996, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, Monsieur … expose être originaire du Monténégro et appartenir à la communauté religieuse des musulmans et qu’en cette qualité de membre de ladite « minorité religieuse », il risquerait des persécutions de la part de membres de la communauté majoritaire des orthodoxes, en insistant dans ce contexte sur la « haine » et le « clivage » qui existeraient entre sa communauté et celle des orthodoxes, ainsi que sur une forte présence de l’armée fédérale « d’obédience serbe ». Tout en admettant que la situation politique se serait améliorée au Monténégro, il estime néanmoins qu’il existerait toujours une instabilité politique dans son pays d’origine, qui justifierait ses craintes légitimes de persécution, d’autant plus qu’il aurait gardé des « souvenirs du massacre de sa famille, de ses amis et proches ». Dans ce contexte, il fait encore référence à la « difficulté de la vie dans les campagnes » et au « danger de se faire tuer », sans apporter toutefois d’autres précisions à ce sujet. Enfin, il expose encore craindre des persécutions de la part de membres de la communauté musulmane à laquelle il déclare appartenir, en raison du fait qu’il a quitté le Monténégro notamment pour aller vivre en Allemagne, avant de se rendre au Luxembourg, ainsi qu’en raison de ses opinions politiques, d’ailleurs non autrement précisées et que ces faits seraient considérés comme des actes de trahison par les membres de ladite communauté religieuse.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial ou sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas. adm. 2002, v° Etrangers, n° 93 et autres références y citées ; trib.

adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2002, v° Etrangers, n° 91 et autres références y citées).

Par ailleurs, il ne suffit pas qu’un demandeur d’asile invoque un ou des motifs tombant sous le champ d’application de la Convention de Genève, il faut encore que les faits invoqués à la base de ces motifs ne soient pas manifestement incrédibles ou, eu égard aux pièces et renseignements fournis, manifestement dénués de fondement. Ainsi, il ne suffit pas d’invoquer une crainte de persécution pour un des motifs prévus par la Convention de Genève, il faut encore que le demandeur d’asile soumette aux autorités compétentes des éléments suffisamment précis permettant à celles-ci d’apprécier la réalité de cette crainte.

L’absence de production de tels éléments a pour conséquence que la demande d’asile doit être déclarée manifestement infondée.

En l’espèce, au regard des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile, tels qu’ils se dégagent du rapport d’audition susvisé du 28 novembre 2002, ainsi que de sa requête introductive d’instance, force est de constater que le demandeur n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance. - En effet, il appert à l’examen du compte-rendu de son audition tel qu’il figure au dossier, que le demandeur a en substance exprimé des craintes vagues et générales quant à la situation existant actuellement au Monténégro, ainsi qu’à l’encontre non seulement de membres de la communauté religieuse orthodoxe mais également à l’encontre de membres de la communauté religieuse des musulmans, mais il n’a pas apporté le moindre élément concret et individuel de persécution au sens de la Convention de Genève ni n’a-t-il précisé en quoi sa situation particulière ait été telle qu’il pouvait avec raison craindre qu’il risquerait de faire l’objet de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Il convient encore d’ajouter que la situation politique a favorablement évolué au Monténégro suite à la signature d’un accord serbo-monténégrin au mois de mars 2002 prévoyant l’adoption d’une nouvelle constitution, qui est entre temps entrée en vigueur en ayant notamment entraîné la création d’un Etat de Serbie et Monténégro, et l’organisation d’élections permettant de donner plus d’indépendance au Monténégro, de sorte que des risques sérieux de persécutions ne sont plus à craindre dans le pays d’origine du demandeur.

Partant, le ministre de la Justice a également valablement pu fonder sa décision sur l’article 5, paragraphe 1 du règlement grand-ducal précité du 22 avril 1996 en vertu duquel « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsque le demandeur d’asile provient d’un pays où il n’existe pas, en règle générale, de risques sérieux de persécution », d’autant plus, qu’en l’espèce, comme il vient d’être relevé ci-avant, le demandeur n’a pas apporté d’éléments ayant trait à sa situation personnelle de nature à justifier de prétendues craintes de persécution au Monténégro.

Il s’ensuit que la demande d’asile sous examen ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a rejeté la demande d’asile du demandeur comme étant manifestement infondée et que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 24 avril 2003, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16170
Date de la décision : 24/04/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-04-24;16170 ?

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