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24/04/2003 | LUXEMBOURG | N°15459

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 avril 2003, 15459


Tribunal administratif N° 15459 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 octobre 2002 Audience publique du 24 avril 2003

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Recours formé par les époux … et …, (F) … contre deux décisions du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15459 du rôle, déposée en date du 14 octobre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Véronique WAUTHIER, avocat à la Cour,

inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse, Madame …,...

Tribunal administratif N° 15459 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 octobre 2002 Audience publique du 24 avril 2003

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Recours formé par les époux … et …, (F) … contre deux décisions du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15459 du rôle, déposée en date du 14 octobre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Véronique WAUTHIER, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse, Madame …, demeurant à F-…, tendant à l’annulation de deux décisions du directeur de l’administration des Contributions directes du 15 juillet 2002 rejetant deux réclamations contre les bulletins de l’impôt sur le revenu 2000 et 2001 ;

Vu le mémoire en réponse déposé en date du 15 janvier 2003 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé par les demandeurs le 13 février 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions directoriales litigieuses ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Didier SCHÖNBERGER, en remplacement de Maître Véronique WAUTHIER, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.

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Faisant suite à deux réclamations introduites respectivement les 18 janvier et 11 juin 2002 par Monsieur …, agissant en son nom personnel, ainsi qu’en celui de son épouse, Madame … contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des personnes physiques des années 2000 et 2001, respectivement émis les 11 janvier et 6 juin 2002, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé le « directeur », par deux décisions rendues le 15 juillet 2002, rejeta lesdites réclamations en retenant entre autres que des cotisations faites dans le cadre d’un plan d’épargne-logement conclu auprès de la Caisse d’Epargne de Lorraine n’étaient pas déductibles au titre des dépenses spéciales au sens de l’article 111, alinéa 1er, litt. c) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR ».

Lesdites décisions directoriales sont plus particulièrement motivées comme suit :

« Considérant qu’aux termes de l’art. 111. al. 1er, litt. c) LIR sont déductibles comme dépenses spéciales « les cotisations versées à des caisses d’épargne-logement agréées au Grand-Duché de Luxembourg ou dans un autre des Etats membres de l’Union Européenne en vertu d’un contrat d’épargne-logement » ;

Considérant, d’une part, que si la loi concernant l’impôt sur le revenu (LIR) a été modifiée en ce sens que sont également déductibles les primes versées à des caisses d’épargne-logement ayant leur siège dans un autre Etat membre de l’Union Européenne, il ne reste pas moins, d’autre part, que la déductibilité est toujours subordonnée à la condition que les dites cotisations soient versées précisément à des caisses d’épargne-logement agréées ;

Considérant que la loi entend donc favoriser expressément et spécialement les cotisations d’épargne-logement payées à une caisse spécifique d’épargne-logement, à l’exclusion de tout autre organisme de crédit, bancaire ou financier ;

qu’à ce titre il échet de rappeler en évidence que l’épargne-logement constitue un régime tout à fait particulier d’épargne destinée uniquement à la réalisation de projets de logement, ceci à un taux fixe d’intérêt dès le départ et indépendant des fluctuations sur le marché des capitaux, toutes autres opérations bancaires quelconques restant prohibées aux véritables caisses d’épargne-logement ;

qu’une caractéristique de ces caisses d’épargne-logement réside dans un fonctionnement à circuit fermé, qui implique de par sa construction, que tous les fonds épargnés par les participants sont accordés sans délais comme prêts à ceux de ses participants qui se trouvent en rang utile ;

que cette épargne-logement représente une épargne visant à obtenir, pour la réalisation de projets de logement, des prêts assortis d’intérêts à un taux indépendant des fluctuations d’intérêt sur le marché des capitaux ;

Considérant dès lors que par la conclusion d’un contrat d’épargne-logement, on devient membre d’une entité fermée d’épargnants poursuivant un seul et même objet, à dire acquérir par la prestation de l’épargne d’abord, en faveur de l’entité, le droit de contre-

prestation ultérieure, consistant en l’octroi d’un prêt, au reste toujours assujetti aux conditions très particulières de l’épargne-logement, notamment au concours suffisant d’épargnants avant la possibilité d’une attribution ;

que les moyens d’octroi requièrent donc des fonds suffisants, à accumuler uniquement par les épargnants tant par leurs prestations d’épargne que par leurs remboursements ;

Considérant qu’il résulte des développements qui précèdent que ce régime hautement spécifique des caisses d’épargne-logement diffère totalement de celui des instituts bancaires et financiers usuels, de manière que ceux-ci ne sauraient invoquer pour leurs produits le bénéfice des dispositions afférentes à l’épargne-logement selon l’art. 111 LIR, ni même pour des carnets d’épargne libellés « plans d’épargne-logement », car les modalités de ce type d’épargne ne sont point soumises aux conditions spécifiques, tant contraignantes que favorisantes, de l’épargne-logement telle que visée par la loi ;

Considérant que le réclamant a conclu un plan d’épargne-logement auprès de la Caisse d’Epargne de Lorraine, qui opère selon les modalités d’un établissement bancaire généraliste, fonctionnant partant ni spécifiquement ni uniquement aux conditions des caisses d’épargne-logement, ni en exclusion d’autres opérations bancaires ;

qu’il en découle que les cotisations d’épargne du réclamant ne sauraient donner lieu à une déduction comme dépenses spéciales en vertu de l’art. 111 LIR ; (…) ».

La deuxième décision précise en outre ce qui suit : « Considérant que si une déduction des cotisations litigieuses a pu être admise en des années précédentes par erreur, cette erreur d’interprétation ne justifie pas d’être maintenue en l’espèce au profit du réclamant, parce que l’égalité de traitement de tous les contribuables n’a lieu que dans les limites de la légalité ».

Par requête, déposée au greffe du tribunal administratif le 14 octobre 2002, les époux … et … ont introduit un recours en annulation contre les susdites décisions directoriales.

Le délégué du gouvernement soulève en premier lieu l’irrecevabilité du recours en ce qu’il émane de Madame …, au motif que les deux décisions directoriales querellées n’ont été rendues qu’à l’égard de Monsieur …, « qui, sous l’entête des époux, certes, et au pluriel cher aux fiduciaires, mais sans faire état d’un mandat, avait seul signé les réclamations ».

Les demandeurs font état de ce que Madame … avait mandaté son époux, Monsieur …, pour introduire les deux réclamations des 18 janvier et 11 juin 2002 et ils versent à l’appui de cette argumentation une attestation établie par l’épouse le 10 février 2003 dans laquelle elle « confirme par les présentes expressément avoir donné mandat spécial à son époux pour signer en temps utile les réclamations introduites les 15 janvier 2002 et 10 juin 2002 à l’encontre des bulletins d’imposition 2000 et 2001 (…) ».

En l’espèce, il convient en premier lieu de constater qu’il appert à l’examen des deux réclamations que s’il est vrai qu’elles n’ont pas été signées par Madame …, il n’en reste pas moins qu’elles sont rédigées sur papier à entête des deux époux et qu’elles sont libellées à la première personne du pluriel et non pas à la première personne du singulier, de sorte qu’on pouvait et devait admettre que Monsieur … a agi en représentation, au moins tacite, de son épouse. Or, en présence de ces indices, lesquels sont confirmés par l’attestation susvisée, produite en cause par les demandeurs, il est établi à suffisance de droit que Madame … avait agi par voie de représentation et le moyen d’irrecevabilité pour défaut d’intérêt à agir ou pour omisso medio manque de fondement et doit être écarté.

Le représentant étatique relève en outre que les demandeurs auraient pu introduire un recours en réformation à l’encontre des décisions litigieuses, mais qu’ils n’ont introduit qu’un recours en annulation.

S’il est vrai que le paragraphe 228 de la loi générale des impôts, ensemble l’article 8 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif ouvre un recours au fond contre les décisions directoriales attaquées, il n’en reste pas moins que si un demandeur a expressément qualifié son recours dans la requête introductive d’instance de recours en annulation et qu’il conclut à la seule annulation de la décision attaquée, comme c’est le cas en l’espèce, le recours est néanmoins recevable dans la mesure où, même en présence de la possibilité d’introduire un recours en réformation, le demandeur peut se borner à conclure à l’annulation, en n’invoquant que les seuls moyens de légalité, à condition d’observer les règles de procédure spéciales pouvant être prévues et les délais dans lesquels le recours doit être introduit.

En l’espèce, le recours a été introduit dans les formes et délai de la loi, de sorte que le mérite du recours est à examiner sous l’angle et dans la limite des moyens d’annulation soulevés.

A l’appui de leur recours, les demandeurs reprochent au directeur d’avoir fait une mauvaise interprétation de l’article 111, alinéa 1er LIR en exigeant que les cotisations doivent avoir été payées à une caisse spécifique d’épargne-logement, c’est-à-dire en refusant d’admettre la déduction de cotisations faites à un organisme de crédit bancaire.

Dans ce contexte, ils font état de ce que le législateur aurait prévu un critère fonctionnel, basé sur le « produit » offert, à savoir un plan d’épargne destiné à permettre l’accession à la propriété, et non pas un critère organique, de sorte que la nature de l’établissement financier proposant l’épargne-logement serait irrelevante et que les décisions directoriales pécheraient en ajoutant une condition supplémentaire non prévue par la loi, « à savoir l’interdiction aux établissements d’exercer une activité bancaire quelconque ». Ils ajoutent encore, qu’en matière d’assurances, la déductibilité des primes d’assurances ne serait pas soumise à la condition que l’assureur n’exerce pas d’autre activité.

Ils estiment en outre que la condition ajoutée constituerait une restriction aux mouvements de capitaux contraire aux dispositions communautaires, notamment la directive 88/361, et une décision discriminatoire pour les banques françaises. Dans ce contexte, ils ajoutent qu’un organisme reconnu à Luxembourg comme caisse d’épargne-logement exercerait une activité bancaire.

Aux termes de l’article 111, alinéa 1er, litt. c) LIR, « les cotisations versées à des caisses d’épargne-logement agréées au Grand-Duché de Luxembourg ou dans un autre des Etats membres de l’Union Européenne en vertu d’un contrat d’épargne-logement » sont déductibles comme dépenses spéciales.

Force est de constater que la déductibilité susvisée est conditionnée par un versement de cotisations à des « caisses d’épargne-logement » et qu’il se dégage de l’emploi du terme spécifique de « caisse d’épargne-logement » que, contrairement à la thèse soutenue par les demandeurs, le législateur luxembourgeois a indubitablement soumis la déductibilité non seulement à la condition d’une cause spécifique, à savoir des cotisations effectuées dans le cadre d’un contrat d’épargne-logement - destiné à favoriser l’accession à la propriété immobilière -, mais également à un critère organique, à savoir que le contrat soit passé avec une entité spécifique.

En d’autres mots, l’emploi du terme spécifique de « caisse d’épargne-logement » exclut des versements à des instituts financiers quelconques, même s’ils offrent un produit similaire à celui d’une caisse d’épargne-logement.

Concernant le raisonnement par analogie avec les possibilités de déductibilité de primes d’assurances, force est de constater qu’en présence d’une disposition légale claire, les raisonnements et comparaisons avec d’autres domaines législatifs se révèlent manquer de pertinence.

Enfin, c’est à juste titre que le délégué du gouvernement estime qu’on ne voit pas en quoi le critère organique prévu par le législateur luxembourgeois puisse constituer une entrave à la libre circulation des capitaux ou encore une discrimination des banques françaises par rapport aux banques luxembourgeoises ou étrangères. Par ailleurs, abstraction faite de ce que le raisonnement basé sur le fait qu’un des organismes reconnus au Luxembourg exercerait des activités bancaires reste à l’état de simple allégation, le tribunal doit constater qu’il n’est pas en présence d’un litige relatif à la déductibilité de cotisations versées à l’établissement ainsi visé et que la question de savoir s’il constitue ou non une caisse d’épargne-logement au sens de l’article 111, alinéa 1er, litt. c) LIR n’est pas pertinente dans le cadre du litige sous examen.

Ceci étant, et comme il est constant en cause que la Caisse d’Epargne de Lorraine ne constitue pas une caisse d’épargne-logement agréée au Grand-Duché de Luxembourg ou dans un autre des Etats membres de l’Union Européenne, mais une entité opérant selon les modalités d’un établissement bancaire généraliste, il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le directeur a fait des justes lecture et application de la disposition contenue à l’article 111, alinéa 1er, litt. c) LIR et que le recours dirigé à l’encontre de ses décisions laisse d’être fondé et doit être rejeté.

Au vu de l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure sollicitée par les demandeurs est à rejeter comme étant non fondée.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en la forme, le dit cependant non justifié, partant le rejette, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 24 avril 2003, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15459
Date de la décision : 24/04/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-04-24;15459 ?

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