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24/04/2003 | LUXEMBOURG | N°15129

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 avril 2003, 15129


Tribunal administratif N° 15129 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 juillet 2002 Audience publique du 24 avril 2003

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Recours formé par M. …, Luxembourg contre une décision du collège échevinal de Junglinster en matière de concession funéraire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15129 du rôle et déposée en date du 15 juillet 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc LUCIUS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Lux

embourg, au nom de M. …, pharmacien, demeurant à L-

…, tendant à l’annulation sinon à la réformation...

Tribunal administratif N° 15129 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 juillet 2002 Audience publique du 24 avril 2003

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Recours formé par M. …, Luxembourg contre une décision du collège échevinal de Junglinster en matière de concession funéraire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15129 du rôle et déposée en date du 15 juillet 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc LUCIUS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, pharmacien, demeurant à L-

…, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du collège échevinal de la commune de Junglinster du 25 avril 2002 refusant de faire droit à une demande d’exhumation des dépouilles mortelles de son père, M…. ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant, Yves TAPELLA, demeurant à Luxembourg, du 23 juillet 2002, portant signification de ce recours à l’administration communale de Junglinster ;

Vu l’offre de preuve formulée par le demandeur et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 février 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Marc LUCIUS en ses plaidoiries.

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Le 6 février 2002, M. … introduisit auprès du conseil des bourgmestre et échevins de la commune de Junglinster une demande d’exhumation des dépouilles mortelles de son père, feu…, en vue de leur ensevelissement dans la sépulture familiale au cimetière de Luxembourg-

Merl.

Le 18 avril 2002, le Dr. P. H-K, médecin-inspecteur, chef de division de l’inspection sanitaire de la direction de la Santé avisa défavorablement ladite demande d’exhumation et proposa au bourgmestre de la commune de Junglinster de ne pas autoriser l’exhumation sollicitée. Ledit avis est motivé comme suit : « Me référant à la circulaire du Ministre de la Santé respectivement du Ministre de l’Intérieur, il y a lieu de limiter le nombre d’exhumations à un strict minimum, ceci pour des raisons d’hygiène, mais également par respect à la personne décédée ».

Le 25 avril 2002, le collège échevinal de Junglinster, se référant à l’avis précité du Dr.

P. H-K. du 18 avril 2002, lequel fut joint en annexe à ladite décision, refusa de faire droit à la demande d’exhumation introduite par M. ….

Par requête déposée le 15 juillet 2002, M. … a saisi le tribunal administratif d’un recours tendant à l’annulation sinon à la réformation de la susdite décision du collège échevinal de Junglinster.

Le demandeur expose que son père, feu …, est décédé le 10 octobre 1943, lors d’un séjour de convalescence en Suisse et que ses dépouilles mortelles ont été rapatriées et enterrées dans un cercueil en zinc au cimetière de Junglinster, qu’à l’heure actuelle, en tant que co-fondateur d’une sépulture familiale au cimetière de Luxembourg-Merl, où, sa mère, la veuve de feu …, lui-même, ainsi que son épouse et ses enfants devront être enterrés et où repose d’ores et déjà sa sœur, il désirerait faire exhumer les dépouilles mortelles de son père au cimetière de Junglinster, les transporter et les ensevelir dans la sépulture familiale au cimetière de Luxembourg-Merl.

Il soutient en substance que la décision de refus querellée ne serait pas légalement motivée à suffisance de droit, en ce que l’autorité communale se bornerait à se référer à l’avis du médecin-chef de la division de l’inspection sanitaire du ministère de la Santé, sans préciser les raisons justifiant en fait ladite décision.

Sur ce, le demandeur fait ajouter que selon les informations d’un spécialiste contacté, le cercueil en zinc ne se serait pas détérioré et ne risquerait pas de ce faire lors de son transport de Junglinster à Luxembourg, de sorte que les éventuelles appréhensions relatives au mesures d’hygiène manqueraient de fondement.

Il estime encore que ce ne serait pas tellement l’exhumation et le transport des dépouilles mortelles de son père qui constitueraient un acte irrévérencieux, mais que plutôt leur maintien à Junglinster et la séparation des membres de la famille témoigneraient « d’une attitude irrespectueuse à son égard ».

La partie défenderesse, l’administration communale de Junglinster, quoi que valablement informée par une signification de la requête introductive d’instance en date du 23 juillet 2002, n’a pas fait déposer de mémoire. - Ceci étant, en application de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, l’affaire est néanmoins réputée jugée contradictoirement.

En outre, bien que le demandeur ne se trouve pas confronté à un contradicteur, il n’en reste pas moins que le tribunal doit vérifier en premier lieu sa compétence pour connaître du recours, ainsi que, le cas échéant, la recevabilité, voire le bien-fondé du recours, c’est-à-dire qu’il doit examiner les mérites des différents moyens soulevés, voire à soulever d’office.

QUANT AU RECOURS EN REFORMATION Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre la décision critiquée, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation de la décision critiquée.

QUANT AU RECOURS EN ANNULATION Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 11 alinéa 1er de l’arrêté grand-ducal du 24 février 1913 réglant le transport des cadavres, et sans préjudice quant aux autres autorisations requises (permis de transport et permis d’inhumation, à délivrer par les autorités compétentes) « les exhumations pratiquées à la demande de particuliers sont autorisées par le collège échevinal, qui fixe les mesures à prendre par l’impétrant, après avoir entendu le médecin-inspecteur en son avis. Un homme de l’art et un membre du collège échevinal ou un commissaire de police sont désignés pour veiller à l’accomplissement des conditions auxquelles l’autorisation a été accordée ».

L’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes précise que toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et les circonstances de fait à sa base.

Cette existence de motivation est une des conditions essentielles de la validité d’un acte administratif et le fait, par l’administration, de se limiter à reprendre comme seuls motifs, des formules générales et abstraites prévues par la loi, sans tenter de préciser concrètement comment, dans le cas d’espèce, des raisons de fait permettent de justifier la décision, équivaut à une absence de motivation, mettant le juge administratif dans l’impossibilité de contrôler la légalité de l’acte (cf. trib. adm. 27 février 1997, n°9601 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Procédure administrative non-contentieuse, n° 31 et autres références y citées).

Ceci étant, il est vrai qu’une omission d’indication suffisante des motifs dans l’acte administratif lui-même n'est pas sanctionnée par une annulation automatique et qu’il convient encore d’examiner si l'administré n'a pas pu avoir une connaissance effective des motifs réels à la base de cette décision avant d'entamer un recours judiciaire, tel pouvant être le cas lorsque l’auteur de la décision a déclaré se rallier à l’avis d’un organe consulté par lui et que le destinataire de la décision a pu avoir une connaissance intégrale de cet avis (cf. trib. adm. 3 mars 1997, n°9693 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Procédure administrative non-contentieuse, n° 45 et autres références y citées), étant entendu que cette motivation par voie de renvoi est nécessairement conditionnée par l’existence d’une motivation en droit et en fait dudit avis, tel que l’exige d’ailleurs expressément l’article 4 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979.

Or, en l’espèce, force est en premier lieu de constater que la décision litigieuse ne contient aucun élément de motivation propre, les auteurs ayant cependant expressément déclaré se rallier à l’avis défavorable précité du 18 avril 2002 émis par le médecin-inspecteur qui, en application de l’article 11 alinéa 1er de l’arrêté grand-ducal précité du 24 février 1913, a dû être entendu en son avis, tout en l’annexant à la décision litigieuse, de sorte que le destinataire de la décision en a eu une connaissance pleine et entière.

Ceci dit, il convient en second lieu de relever que le libellé dudit avis consultatif pêche par un défaut flagrant de motivation, étant donné que son auteur s’est borné à faire état de façon générale et abstraite d’une « circulaire ministérielle », laquelle requerrait une limitation du nombre des exhumations « à un strict minimum, ceci pour des raisons d’hygiène, mais également par respect à la personne décédée », mais sans indiquer ni une base légale, ni le moindre commencement de motivation concrète relativement aux raisons factuelles pouvant justifier, compte tenu des spécificités du cas d’espèce, son avis défavorable.

Or, pareils omissions de motivation, tant au niveau de l’organe consulté que de l’autorité dotée du pouvoir de décision, mettent le tribunal dans l'impossibilité d’exercer sa mission de contrôle sur l’existence et la légalité des motifs tant à la base de l’avis que de la décision litigieuse, de sorte que ceux-ci encourent tous les deux l’annulation pour défaut de motivation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit justifié ;

partant annule l’avis consultatif du 18 avril 2002, émis par le Dr. P. H-K, médecin-

inspecteur, chef de division de l’inspection sanitaire de la direction de la Santé, ainsi que la décision déférée du collège échevinal de la commune de Junglinster du 25 avril 2002 et renvoie l’affaire devant ledit collège échevinal ;

condamne l’administration communale de Junglinster aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 24 avril 2003, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15129
Date de la décision : 24/04/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-04-24;15129 ?

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