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24/04/2003 | LUXEMBOURG | N°10300

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 avril 2003, 10300


Tribunal administratif N° 10300 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 septembre 1997 Audience publique du 24 avril 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre un bulletin de l’impôt sur le revenu émis par le bureau d’imposition Luxembourg 3 en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 10300 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 septembre 1997 par Maître André LUTGEN, avocat à la Cour, inscrit au tab

leau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, ingénieur-

technicien, demeurant à L-…, t...

Tribunal administratif N° 10300 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 septembre 1997 Audience publique du 24 avril 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre un bulletin de l’impôt sur le revenu émis par le bureau d’imposition Luxembourg 3 en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 10300 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 septembre 1997 par Maître André LUTGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, ingénieur-

technicien, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’un bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1990 émis le 4 novembre 1993 par le bureau d’imposition Luxembourg 3 de la section des personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 février 1998 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 18 février 1998 en nom et pour compte du demandeur ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 5 novembre 2002 en nom et pour compte du demandeur ;

Vu le mémoire déposé au greffe du tribunal administratif le 3 décembre 2002 par Maître Charles UNSEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de « l’administration des Contributions Directes » ;

Vu le mémoire additionnel déposé au greffe du tribunal administratif le 27 décembre 2002 en nom et pour compte du demandeur ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Yves TAPELLA, demeurant à Luxembourg, du 3 janvier 2003, portant signification de ce mémoire additionnel à l’administration des Contributions directes et à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, et Maîtres Jeanne FELTGEN, en remplacement de Maître André LUTGEN, et Alexandra CORRE, en remplacement de Maître Charles UNSEN, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 février 2003, à laquelle l’affaire a été prise en délibéré ;

Vu le mémoire en réplique déposé par le délégué du gouvernement le 5 février 2003 ;

Vu la « requête en interruption de délibéré » déposée au greffe du tribunal le 7 février 2003 par Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN pour les motifs y plus amplement précisés ;

Vu la rupture du délibéré prononcée le 10 février 2003 ;

Vu le mémoire additionnel du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 mars 2003 ;

Vu les mémoires additionnels déposés au greffe du tribunal administratif respectivement les 6 et 11 mars 2003 en nom et pour compte du demandeur et de « l’administration des Contributions Directes »;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, et Maîtres Jeanne FELTGEN, en remplacement de Maître André LUTGEN, et Alexandra CORRE, en remplacement de Maître Charles UNSEN, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 mars 2003, à laquelle l’affaire a été reprise en délibéré.

Le 4 novembre 1993, le bureau d’imposition Luxembourg 3 de la section des personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes émit à l’encontre de Monsieur … un bulletin de l'impôt sur le revenu pour l’année 1990. Dans ce bulletin d’impôt, le bureau d’imposition impute à Monsieur … un revenu divers supplémentaire de 13.550.000.- francs pour entremise dans la vente d’un terrain.

Suivant courrier du 10 décembre 1993 à l’adresse du directeur de l’administration des Contributions directes, Monsieur …, par le biais de son bureau comptable, réclama contre le dit bulletin d’impôt du 4 novembre 1993.

Cette réclamation n’ayant pas été rencontrée par une décision directoriale pendant plus de 6 mois, Monsieur … a introduit, par requête déposée le 25 septembre 1997, un recours contentieux tendant à la réformation sinon à l’annulation du bulletin d’impôt précité du 4 novembre 1993.

Le délégué du gouvernement soulève en premier lieu l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation « parce que seul le recours en réformation peut être introduit per saltum [et] parce que le contrôle juridictionnel de la légalité de l’impôt, relève d’un recours en réformation ».

Le demandeur n’a pas pris position par rapport à ce moyen d’irrecevabilité.

Le paragraphe 228 de la loi générale des impôts, communément appelée « Abgabenordnung », ensemble l’article 8 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ouvrant un recours au fond contre un bulletin de l’impôt sur le revenu, le tribunal est compétent pour connaître de la demande principale tendant à la réformation du bulletin critiqué. Le recours, non autrement critiqué sous ce rapport, est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. - Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation à l’encontre du bulletin prévisé est irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi précitée du 7 novembre 1996 dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Il convient ensuite d’examiner la question, soulevée par le délégué du gouvernement, auquel le demandeur s’est en substance rallié, relativement à la présence au procès de l’administration des Contributions en tant que partie, ladite administration s’étant rapportée à prudence de justice quant « à l’existence d’une personnalité juridique dans son chef et quant à son droit d’agir ».

Or, c’est à juste titre que le représentant étatique a relevé dans ce contexte que l’« administration des Contributions », à la différence de son directeur, des bureaux d’imposition ou des receveurs, n’est pas une personne publique ni une autorité, mais un simple corps de fonctionnaires, qui en tant que tel n’a pas de personnalité juridique propre et distincte de celle de l’Etat - ce dernier étant valablement représenté en l’espèce par le délégué du gouvernement -, de sorte que la partie « administration des Contributions » ne dispose pas de la capacité nécessaire pour agir et être partie à la présente instance.

Ceci étant, il convient encore de constater que la demande de surseoir à statuer en attendant l’issue de l’affaire pénale diligentée à l’encontre de Monsieur …, formulée tant par le demandeur que par le délégué du gouvernement, est devenue sans objet, le dossier pénal ayant entre-temps été classé sans suite en raison du fait que le plaignant, Monsieur P.W., est décédé.

- Par ailleurs, même abstraction faite de toutes autres considérations, eu égard au fait que le tribunal est amené à vider le litige par le présent jugement, le même constat s’impose en ce qui concerne la demande formulée par Monsieur … dans sa requête introductive d’instance tendant « en attendant qu’il soit statué sur le présent recours, [à le] dispenser (…) du paiement des impôts réclamés (…) », demande à laquelle son mandataire, sur question afférente du tribunal, a par ailleurs renoncé oralement lors des plaidoiries.

Quant au fond, le demandeur expose, qu’en 1990, il aurait été en pourparlers avec le responsable d’une société à responsabilité limitée L., propriétaire d’un terrain situé sur le territoire de la commune de Bertrange, au lieu-dit « … », d’une superficie totale de 1 hectare 0,2 ares et 70 centiares, dont il voulait acheter une partie en vue de la construction d’un hall industriel. Or, selon le demandeur, comme la venderesse n’était pas intéressée par la cession d’une partie de ce terrain, il se serait mis à la recherche d’un acquéreur pour le restant de la surface, acquéreur potentiel qu’il aurait trouvé en la personne de feu Monsieur P.W., qu’après des négociations, un premier compromis de vente aurait été conclu entre lui-même et Monsieur P.W. le 9 novembre 1990 pour une superficie de 81,14 ares pour un prix de 40.570.000.- francs, mais que suite à des problèmes avec les administrations communales de Strassen et de Bertrange, au sujet de la valorisation du terrain, qui auraient été dissipés par la suite, il aurait négocié et signé un nouveau compromis avec Monsieur P.W. au mois de décembre 1990 portant sur un prix de vente de 28.220.000.- francs.

Sur ce, il soutient qu’il n’aurait jamais convenu de « prix au noir » avec Monsieur P.W. et qu’il n’en aurait pas touché, de sorte que le bureau d’imposition lui aurait à tort imputé la somme de 13.550.000.- francs au titre de cette transaction. Cet état des choses serait d’ailleurs confirmé par les éléments se dégageant du dossier pénal, dans le cadre d’une plainte déposée par Monsieur P.W., classée entre-temps.

Concernant la charge de la preuve de la perception du montant litigieux imputé par le bureau d’imposition à Monsieur …, il convient de rappeler que si en la matière, la charge de la preuve est partagée entre l’administration et le contribuable, en ce sens que ce dernier est dans un premier temps appelé à indiquer les éléments et données qui lui sont demandés dans le cadre de la déclaration d’impôt ainsi que, dans le cadre de son devoir de collaboration, les informations lui réclamées le cas échéant par le bureau d’imposition en vue d’établir les bases d’imposition, il incombera par la suite à l’administration de qualifier sinon de rencontrer utilement les déclarations et pièces produites par le demandeur.

Ceci étant, en l’espèce, après examen des éléments d’appréciation lui soumis, relativement à une affaire que le délégué du gouvernement qualifie à juste titre de « ténébreuse », le tribunal arrive à la conclusion que s’il existe certes quelques indices laissant douter de la sincérité de la diminution du prix de vente entre le compromis du 9 novembre 1990 et celui du 19 décembre 1990, il n’en reste pas moins que les éléments d’appréciation auxquels le tribunal peut avoir égard, dont les éléments du dossier pénal mené à charge de Monsieur …, ne sont pas de nature à démentir ses déclarations, étant relevé que si un montant de 13.550.000.- francs, en sus du prix de vente de 28.220.000.- francs viré au notaire instrumentaire, a été prélevé à l’époque par Monsieur P.W. auprès de sa banque, il ne se dégage pas à suffisance de droit des éléments de la cause, notamment au regard de la présence et de l’intervention de différentes autres personnes, dont le rôle exact qu’ils ont joué dans le cadre de la transaction immobilière reste relativement obscur, que Monsieur … a effectivement « empoché » cette somme.

Il suit des considérations qui précèdent que le bulletin d’impôt litigieux encourt la réformation en ce sens que l’imputation à Monsieur … d’un revenu divers supplémentaire de 13.550.000.- francs pour entremise dans la vente d’un terrain n’est pas justifiée à suffisance de droit par les informations et pièces produites en cause.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

déclare le recours en réformation recevable ;

dit que l’« administration des Contributions » n’a pas capacité pour être partie à l’instance et déclare son intervention irrecevable ;

constate que la demande de surseoir à statuer en attendant l’issue de l’affaire pénale diligentée à l’encontre de Monsieur …, formulée tant par le demandeur que par le délégué du gouvernement, et celle formulée par Monsieur … tendant « en attendant qu’il soit statué sur le présent recours, [à le] dispenser (…) du paiement des impôts réclamés (…) » sont devenues sans objet ;

au fond, dit le recours en réformation fondé ;

partant, par réformation du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 1990 émis le 4 novembre 1993 par le bureau d’imposition Luxembourg 3 de la section des personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes à l’encontre de Monsieur …, dit que le bureau a, à tort, imputé à Monsieur … un revenu divers supplémentaire de 13.550.000.- francs pour entremise dans la vente d’un terrain ;

renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes pour prosécution ;

condamne l’Etat aux frais, à l’exception des frais de signification du mémoire additionnel déposé le 27 décembre 2002 en nom et pour compte du demandeur, qui sont frustratoires et qui restent à charge du demandeur.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 24 avril 2003, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10300
Date de la décision : 24/04/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-04-24;10300 ?

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