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23/04/2003 | LUXEMBOURG | N°15678

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 avril 2003, 15678


Tribunal administratif N° 15678 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 décembre 2002 Audience publique du 23 avril 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15678 du rôle, déposée le 2 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de

Monsieur …, né le …, de nationalité macédonienne, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à...

Tribunal administratif N° 15678 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 décembre 2002 Audience publique du 23 avril 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15678 du rôle, déposée le 2 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité macédonienne, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 23 octobre 2002, lui notifiée le 5 novembre 2002, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 février 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2003 par Maître François MOYSE au nom du demandeur ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 mars 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître François MOYSE et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 31 mars 2003.

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Le 26 août 2002, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du 1er octobre 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 23 octobre 2002, lui notifiée par courrier recommandé expédié en date du 5 novembre 2002, le ministre de la Justice informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée aux motifs que sa situation d’insoumis ne serait pas constitutive, à elle seule, d’un motif valable pour obtenir le statut de réfugié et que pour le surplus les faits par lui invoqués traduiraient plutôt un sentiment général d’insécurité lequel ne saurait fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. Le ministre a relevé en outre que depuis les élections libres ayant eu lieu le 15 septembre 2002 dans le prolongement des accords d’Ohrid d’août 2001, la majorité politique a changé en Macédoine et que l’OTAN a annoncé sa satisfaction de ce changement.

Par requête déposée en date du 2 décembre 2002, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle prévisée du 23 octobre 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

Le demandeur critique d’abord la décision déférée en faisant valoir qu’elle ne serait pas motivée à suffisance de fait et de droit.

Quant au fond, il fait valoir qu’il serait à l’heure actuelle toujours exposé au risque d’encourir une grave sanction pour désertion et ce malgré la loi d’amnistie du 26 février 2001, étant donné qu’il ne tomberait pas sous le champ d’application de cette loi alors que l’infraction d’insoumission serait une infraction continuée et qu’il aurait fallu, pour tomber sous le coup de cette loi, que l’infraction ait cessé de se continuer après le 7 octobre 2002 ce qui ne serait pas son cas. Il relève en outre avoir subi de nombreuses menaces tant du fait de son refus d’effectuer son service militaire que de son appartenance à un parti politique, que son frère aurait disparu depuis quelques mois après avoir été amené de force par l’UCK et que lui-même ne pourrait dès lors pas retourner dans son pays d’origine sous peine de revivre dans un pays toujours emprunt d’instabilité et de terreur du fait des disparités religieuses, politiques et ethniques persistantes, ainsi que d’être exposé à des poursuites du fait du non suivi des appels à l’armée et à l’UCK.

Tout en relevant qu’une loi d’amnistie a été votée par le parlement macédonien le 8 mars 2002 et que force serait de constater qu’une situation de paix règne en Macédoine à la suite d’un accord intervenu entre les forces macédoniennes et l’UCK albanaise, ainsi que des efforts de pacification de l’ONU dans la région et le dépôt des armes par les Albanais, le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib.adm. 1er octobre 1997, n° 9699 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 9).

En l’espèce, les éléments du dossier et l’examen des déclarations faites par Monsieur … lors de son audition du 1er octobre 2002, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amènent le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, concernant le principal motif de persécution dont le demandeur fait état à travers son recours contentieux, à savoir son insoumission, le tribunal constate que le refus ministériel est justifié par le fait qu’il n’est pas établi qu’actuellement Monsieur … risque encore de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables et qu’il n’est pas non plus établi à suffisance qu’une condamnation serait encore susceptible d’être prononcée à son encontre de ce chef, voire qu’un jugement déjà prononcé serait encore effectivement exécuté, ceci au vu de l’évolution de la situation actuelle en Macédoine et plus particulièrement de la loi d’amnistie votée par le parlement macédonien le 7 mars 2002 et visant les déserteurs et insoumis de l’armée macédonienne pendant la crise que le pays a connu au cours de l’année 2001, étant constant que le demandeur n’a pas autrement pris position par rapport à cette dernière loi invoquée par le délégué du Gouvernement pour compléter la motivation à la base de la décision litigieuse.

Pour le surplus, les craintes exprimées par le demandeur en raison de la situation générale dans son pays d’origine et de ses activités politiques par ailleurs non autrement circonscrites, s’analysent, en substance, en un sentiment général de peur, insuffisant à établir une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève.

En effet, le demandeur ne démontre point que les autorités administratives chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant aux habitants de la Macédoine, étant entendu qu’il n’a pas fait état de faits concrets qui seraient de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part des autorités actuellement en place.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 avril 2003 par:

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15678
Date de la décision : 23/04/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-04-23;15678 ?

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