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23/04/2003 | LUXEMBOURG | N°15666

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 avril 2003, 15666


Tribunal administratif N° 15666 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 novembre 2002 Audience publique du 23 avril 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15666 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 novembre 2002 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au t

ableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslav...

Tribunal administratif N° 15666 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 novembre 2002 Audience publique du 23 avril 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15666 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 novembre 2002 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 14 juin 2002, lui notifiée le 26 juin 2002, portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre se dégageant de son silence pendant plus de trois mois à la suite de son recours gracieux introduit le 26 juillet 2002 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 février 2003 ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport ainsi que Maître Louis TINTI, en remplacement de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 31 mars 2003.

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En date du 15 novembre 2001, Monsieur … introduisit oralement une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-

ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut ensuite entendu en date du 29 janvier 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 14 juin 2002, notifiée le 26 juin 2002, le ministre de la Justice l’informa que sa demande avait été rejetée au motif que la crainte par lui invoquée des partisans du PDK en raison d’insultes et de menaces subies ne serait pas de nature à constituer une crainte justifiée de persécution selon la Convention de Genève, mais traduirait plutôt un sentiment général d’insécurité, de même que la simple appartenance à un parti politique ne serait pas suffisante pour accéder au bénéfice du statut de réfugié dès lors qu’il n’aurait exercé aucune activité politique. Le ministre a relevé en outre que la situation économique actuelle au Kosovo, ainsi que le fait pour le demandeur d’être sans travail ne sauraient s’analyser en des actes de persécutions faute de rentrer dans le cadre des motifs de persécution énoncés par la Convention de Genève. Il a relevé ensuite que la situation des minorités ethniques du Kosovo se serait améliorée par rapport à l’année 1999.

Le recours gracieux introduit par le demandeur par courrier de son mandataire datant du 26 juillet 2002 à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 14 juin 2002 n’ayant pas fait l’objet d’une décision, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation des décisions ministérielles explicite prévisée du 14 juin 2002 et implicite se dégageant du silence observé par le ministre pendant plus de trois mois à l’encontre de son recours gracieux, par requête déposée en date du 28 novembre 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que seul un recours en réformation a pu être dirigé contre les décisions ministérielles déférées.

Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer qu’il serait originaire du Kosovo, de confession musulmane et qu’il aurait été membre actif du parti politique LDK. Il expose en outre que pendant la guerre du Kosovo il aurait revêtu la fonction de garde de corps de Monsieur … et que dans ce contexte il aurait été en relation étroite avec le dénommé….

Dans la mesure où il aurait dénoncé avec rigueur les pratiques anti-démocratiques ayant régné au sein du parti PDK, il aurait fait l’objet de menaces de mort à un moment où les extrémistes du groupe PDK auraient enlevé quatre membres du LDK pour avoir osé dénoncer le comportement et la politique menée par le parti PDK. Le demandeur rapporte que suivant les renseignements par lui recueillis, les personnes en question auraient été assassinées par les membres du PDK. Il souligne en outre avoir fait l’objet de menaces de mort à plusieurs reprises, ainsi que d’agressions du fait d’avoir manifesté son opposition au parti PDK, de sorte que, dans ce contexte, il aurait été contraint de quitter son pays.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. - Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 9, p. 519).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition du 29 janvier 2002, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, en ce qui concerne la situation actuelle dans le pays de provenance du demandeur, il est constant en cause que, suite au départ de l’armée fédérale yougoslave et des forces de police dépendant des autorités serbes du Kosovo, une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée sur ce territoire, de même qu’une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, y a été mise en place.

Par ailleurs, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence et qu’une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, il ne saurait en être autrement qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce-qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p.113, nos. 73-s).

En l’espèce, le demandeur fait état essentiellement de sa crainte de voir commettre des actes de violence à son encontre de la part de membres du parti PDK, mais il ne démontre point que les autorités administratives chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics actuellement en place ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant aux habitants du Kosovo.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 avril 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15666
Date de la décision : 23/04/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-04-23;15666 ?

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