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23/04/2003 | LUXEMBOURG | N°15338

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 avril 2003, 15338


Tribunal administratif N° 15338 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 septembre 2002 Audience publique du 23 avril 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15338 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 septembre 2002 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre d

es avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité chinoise, demeurant actu...

Tribunal administratif N° 15338 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 septembre 2002 Audience publique du 23 avril 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15338 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 septembre 2002 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité chinoise, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi le 31 juillet 2002, portant refus d’une autorisation de séjour dans son chef ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Louis TINTI, en remplacement de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 février 2003.

Monsieur … introduisit en date du 5 juillet 2001 une demande en obtention d’une autorisation de séjour auprès du service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, établi dans la zone d’activité « Cloche d’Or », 5, rue G. Kroll, L-2149 Luxembourg, ci-après dénommé le « service commun ».

Cette demande fut présentée sur base d’un formulaire établi par les trois ministères prévisés dans le cadre de la procédure dite de « régularisation », Monsieur … ayant déclaré appartenir à la « catégorie C » visant les personnes « résidant de façon ininterrompue au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er juillet 1998 au moins ».

Suivant décision du 31 juillet 2002, notifiée à Monsieur … le 22 août 2002, signée par le ministre de la Justice d’une part et le ministre du Travail et de l’Emploi d’autre part, Monsieur … s’est vu refuser sa demande en obtention d’une autorisation de séjour aux motifs que « selon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis permettant à l’étranger de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

Comme vous ne remplissez pas cette condition, une autorisation de séjour ne saurait vous être délivrée.

Par ailleurs, le dossier tel qu’il a été soumis au service commun ne permet pas au Gouvernement de vous accorder la faveur d’une autorisation de séjour (…) ».

Par la même décision, il fut invité à quitter le Luxembourg dans un délai d’un mois.

Monsieur … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision prévisée du 31 juillet 2002 par requête déposée le 9 septembre 2002.

Dans la mesure où ni la loi prévisée du 28 mars 1972, ni aucune autre disposition légale, n’instaure un recours au fond en matière de refus d’autorisation de séjour, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur estime :

-

que la décision attaquée doit être annulée pour défaut de qualité dans le chef de ses auteurs, au motif qu’il a déposé sa demande auprès du service commun et que l’autorité de décision aurait dû être composée, collégialement, par le ministre de la Justice, le ministre du Travail et de l’Emploi, ainsi que le ministre de la Famille. Or, force serait de constater que le ministre de la Famille n’aurait pas approuvé la décision attaquée ;

-

que la décision attaquée n’est pas légalement motivée par la référence à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, au motif qu’on ne saurait reprocher à un candidat à la régularisation, souhaitant obtenir un titre de séjour dans le cadre d’une procédure de « régularisation », de ne pas disposer de revenus personnels, étant donné qu’en cette qualité il lui serait défendu de s’adonner à une activité salariée et que « les conditions posées par le Ministère de la Justice pour être « régularisé », respectivement obtenir un titre de séjour sont telles qu’elles permettent dans certains cas à des étrangers non titulaires de revenus, d’obtenir un titre de séjour ».

-

qu’il remplit la condition de résider de façon ininterrompue au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er juillet 1998 telle qu’énoncée sous le point C) de la brochure dite « de régularisation ».

Le délégué du Gouvernement conclut au rejet du recours. A l’appui de sa conclusion, il soutient que la décision ministérielle de refus ne serait pas viciée par l’absence de signature du ministre de la Famille, qu’il serait de jurisprudence constante que « l’étranger qui, au moment de la prise de décision ministérielle n’est pas en possession d’un permis de travail et, partant, pas autorisé à occuper un emploi au Luxembourg et à toucher des revenus provenant de cet emploi ne justifierait pas de l’existence de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour », qu’il serait encore de jurisprudence constante que « la seule preuve de la perception de sommes, en principe suffisantes, pour permettre à l’intéressé d’assurer ses frais de séjour au pays est insuffisant; il faut encore que les revenus soient légalement perçus », et que le demandeur ne tomberait pas dans la catégorie C telle que décrite dans la brochure, étant donné qu’il ressortirait clairement d’un rapport du service de police judiciaire du 3 juillet 2000 que la propriétaire du restaurant chinois qui se trouve à l’adresse de résidence indiquée par le demandeur à Consdorf, 6, rue d’Echternach, affirme que Monsieur … n’aurait jamais habité chez elle et qu’elle ne le connaît pas, de sorte que le séjour ininterrompu au Grand-Duché de Luxembourg du demandeur depuis le 1er juillet 1998 ne serait pas établi en fait.

En ce qui concerne d’abord la qualité de l’auteur de la décision attaquée, force est de constater qu’en l’état actuel de la législation, une décision relative à l’entrée et au séjour d’un étranger au Grand-Duché au sens de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, relève de la seule compétence du ministre de la Justice, ceci conformément aux dispositions de l’article 11 de ladite loi, et sous les restrictions y énoncées tenant notamment au fait que les décisions afférentes sont prises sur proposition du ministre de la Santé lorsqu’elles sont motivées par des raisons de santé publique.

Il s’ensuit qu’en dépit du fait que la demande en obtention d’une autorisation de séjour du demandeur a été introduite auprès d’un service commun regroupant des représentants du ministère du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille et que cette demande a par ailleurs été traitée dans le cadre de la procédure de régularisation des sans-papiers ainsi désignée, seul le ministre de la Justice est légalement investi de la compétence pour statuer en la matière sous examen.

Ainsi, le défaut de signature et d’intervention du ministre de la Famille, face à la compétence exclusive du ministre de la Justice en la présente matière, n’est pas de nature à affecter la légalité de la décision attaquée, cette conclusion n’étant pas ébranlée par le fait que l’instruction du dossier a été faite, en tout ou partie, par un service commun regroupant des représentants de plusieurs ministères.

Il y a lieu de constater que la décision attaquée indique que l’autorisation de séjour a été refusée à Monsieur … au motif qu’il ne remplirait par la condition de la possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis au Grand-

Duché de Luxembourg et que le ministre a appliqué l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 pour refuser l’autorisation de séjour sollicitée. La prédite décision précise encore que « le dossier tel qu’il a été remis au service commun des ministères de la Justice, du Travail et de l’Emploi, et de la Famille ne permet pas au Gouvernement de [lui] accorder la faveur d’une autorisation de séjour provisoire ».

L’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : – qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis, – qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Au vœu de l’article 2 précité, une autorisation de séjour peut dès lors être refusée notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers (trib. adm. 17 février 1997, Pas. adm. 2002, V° Etrangers 2. Autorisations de séjour – Expulsions, n° 121 et autres références y citées).

La légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise, de même qu’il appartient au juge de vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels se fonde l’administration, sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute, sans qu’il ne puisse se livrer, dans le cadre d’un recours en annulation, à une appréciation de l’opportunité de la décision litigieuse.

En l’espèce, il est constant que le demandeur n’a pas fait état, à l’appui de sa demande de régularisation, de l’existence de moyens personnels propres suffisants au sens de l’article 2 de la loi du 28 mars 1972 précitée, mais qu’il a entendu accéder à la régularisation de son séjour au Grand-Duché de Luxembourg par le biais des critères de régularisation énoncés par le Gouvernement dans la brochure dite de régularisation aux termes desquels peut notamment obtenir une autorisation de séjour et/ou un permis de travail la personne, âgée de 18 ans au moins, qui réside de façon ininterrompue au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er juillet 1998 au moins.

Au-delà de toute question pouvant se poser quant à la compatibilité du critère de régularisation ainsi visé par rapport aux règles légales existantes en matière d’autorisation de séjour et de permis de travail, force est de constater qu’en l’espèce les pièces versées par le demandeur à l’appui de sa demande de régularisation pour documenter sa résidence ininterrompue au pays depuis le 1er juillet 1998 sont contredites, en ce qui concerne sa résidence à L-…, par le résultat de l’enquête menée par la section police des étrangers et des jeux du service de police judiciaire de la police grand-ducale. En effet cette enquête a révélé que Madame …, propriétaire du restaurant chinois se trouvant à l’adresse préindiquée et y habitant depuis 1996, a déclaré que depuis cette date aucun dénommé … n’a habité chez elle et qu’elle ne connaît par ailleurs pas l’intéressé.

Monsieur … n’ayant pas autrement pris position par rapport au résultat de cette enquête, ni fourni en cause des éléments de preuve supplémentaires suffisants pour énerver la conclusion du ministre de la Justice relativement au caractère ininterrompu de son séjour au Luxembourg, le recours sous examen laisse en tout état de cause d’être fondé.

Il suit des considérations qui précèdent que le demandeur est à débouter de son recours.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 avril 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15338
Date de la décision : 23/04/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-04-23;15338 ?

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