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03/04/2003 | LUXEMBOURG | N°15345

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 avril 2003, 15345


Tribunal administratif N° 15345 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 septembre 2002 Audience publique du 3 avril 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière d’allocations de famille

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15345 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 septembre 2002 par Maître

Anja REISDOERFER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom ...

Tribunal administratif N° 15345 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 septembre 2002 Audience publique du 3 avril 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière d’allocations de famille

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15345 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 septembre 2002 par Maître Anja REISDOERFER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, professeur, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 11 juin 2002 exigeant de la part de Monsieur … la production en original du certificat d’affiliation auprès du Centre commun de la sécurité sociale de son épouse Madame … ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 décembre 2002 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 16 janvier 2003 au nom et pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, Maître Anja REISDOERFER, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Suivant courrier du 31 juillet 2001 à l’adresse de Monsieur …, le directeur de l’administration du personnel de l’Etat, en vue de procéder au remboursement du montant de l’allocation de famille avec le traitement du mois d’août 2001, exigea la production en original du certificat de la caisse de maladie de l’épouse du demandeur, antérieurement communiqué par télécopie, au motif que le paiement de l’allocation en question avait été rejeté de la part de la direction du contrôle financier avec la remarque « qu’il y a toujours lieu de présenter des originaux ».

Par courrier électronique envoyé en date du 20 août 2001, Monsieur … estima qu’il n’y avait aucune raison de suspendre le versement de l’allocation de famille à son profit et informa le directeur de l’administration du personnel de l’Etat que « pour montrer toutefois ma bonne volonté, je vous transmettrai encore une fois par télécopie le certificat en question ».

Ledit directeur, en faisant référence à l’article 24 de la loi du 8 juin 1999 sur le budget de la comptabilité et la trésorerie de l’Etat, sollicita une nouvelle fois par courrier du 22 août 2001 la production de l’original du certificat requis en vue d’obtenir l’autorisation nécessaire pour le versement de l’allocation de famille.

Suivant télécopie du 26 août 2001, le demandeur réclama contre cette vision des choses et sollicita « les corrections qui s’imposent sur la fiche de rémunération du mois de septembre ».

Suivant courrier du 10 avril 2002, le directeur de l’administration du personnel de l’Etat, en se référant à l’article 1334 du Code Civil informa de nouveau le demandeur que « la production de l’original du certificat requis pour le contrôle annuel de l’allocation de famille est donc indispensable afin de voir valider votre dossier auprès de la direction du contrôle financier » et qu’ « à défaut de production des pièces en bonne et due forme, mes services se verront contraints de procéder à la récupération de votre allocation de famille dès lors indûment touchée à partir de l’année 2001 ».

A la suite d’une nouvelle prise de position de Monsieur … du 18 avril 2002, par laquelle ce dernier demanda une décision administrative individuelle en vue de porter l’affaire devant le tribunal administratif, le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative prit en date du 11 juin 2002 une décision de la teneur suivante :

« En réponse à votre téléfax du 18 avril 2002 adressé à Monsieur le Directeur de l’Administration du Personnel de l’Etat, j’ai l’honneur de vous informer que le Contrôle Financier, chargé par la loi du 8 juin 1999 sur le Budget, la Comptabilité et la Trésorerie de l’Etat du contrôle de l’engagement et de l’ordonnancement de toutes les dépenses auprès de l’Etat, exige la remise de l’original de chaque pièce concernant le dossier d’un fonctionnaire de l’Etat pour effectuer ce contrôle.

Le Contrôle Financier relève à ce titre que l’article 4 (3) de la loi du 8 juin 1999 précitée dispose que « en matière de dépenses le contrôle a pour objet de constater … la régularité des pièces justificatives ». Il précise ensuite qu’une telle disposition implique la présentation à l’APE - dans votre cas - d’un certificat d’affiliation original émanant du Centre Commun de la Sécurité Sociale, ou encore une copie ou télécopie de ce document en provenance de ce même organisme. Il relève enfin que la transmission par téléfax d’un tel certificat par les soins du bénéficiaire potentiel de l’allocation de famille ne peut pas être accepté comme ne présentant pas de garanties de fiabilité suffisantes quant à sa régularité.

Quant à la base légale, vous noterez que la remise de l’original d’une pièce est le principe et la remise par copie de cette même pièce est l’exception et non l’inverse. Il en résulte que tous les textes légaux exigeant la remise d’une pièce déterminée visent implicitement l’original de cette pièce et non la copie.

En ce qui concerne votre interprétation de l’article 1334 du Code Civil et pour autant que ces dispositions soient applicables à votre cas, cette interprétation est erronée dans la mesure où le texte en question relevant que les copies « ne font foi que de ce qui est contenu au titre » signifie en clair que les copies ne peuvent pas remplacer le titre et que celui auquel ces copies sont présentées dispose d’un droit discrétionnaire de les accepter ou non, droit qui est confirmé par le dernier bout de phrase de cet article qui précise que « la représentation (du titre) peut toujours être exigée ».

En raison des considérations qui précèdent je refuse de faire droit à votre demande d’envoyer le certificat requis par voie de téléfax et je vous demande d’en remettre l’original à l’Administration du Personnel de l’Etat dans un délai de 15 jours. Passé ce délai, je donnerai instruction à l’Administration du Personnel de l’Etat de récupérer les montants correspondant à l’allocation de famille que vous avez perçus pendant l’année 2001 ».

Par requête introduite en date du 11 septembre 2002, Monsieur … a introduit un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision précitée du 11 juin 2002.

En l’absence de disposition légale instaurant un recours au fond en la matière de décisions prises au sujet des allocations de famille, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision litigieuse.

Le tribunal est en conséquence incompétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours subsidiaire en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur expose être marié à Madame …, avocate, et être en droit de bénéficier d’une allocation de famille sur production d’un certificat attestant que son conjoint ne perçoit pas d’allocations de famille au même titre. A cette fin, il aurait transmis à l’administration du personnel de l’Etat par télécopie un certificat d’affiliation duquel il ressort que son conjoint serait travailleur intellectuel indépendant ne percevant pas d’allocations de famille comparables à celles lui revenant, la dernière fois en date du 24 juillet 2001. Malgré le fait que l’administration du personnel de l’Etat aurait accepté dans le passé et pour la dernière fois le 24 juillet 2001 la transmission dudit certificat par télécopie, les allocations de famille lui revenant auraient été récupérées indûment à partir du mois de septembre 2001 sans qu’aucune décision administrative ne lui aurait été notifiée.

La décision ministérielle du 11 juin 2002, portant refus d’accepter l’envoi télécopié du certificat d’affiliation de son conjoint, aurait été prise en violation de la loi, étant donné qu’elle méconnaîtrait son droit acquis à percevoir l’allocation de famille, d’autant plus que l’administration du personnel de l’Etat aurait accepté les envois télécopiés faits antérieurement et ne prouverait pas non plus l’irrégularité du document remis par télécopie.

Pour le surplus, pareille exigence serait contraire à l’article 24 (3) de la loi du 8 juin 1999, précitée, et à l’article 1334 du code civil et en l’absence de tout doute sur l’exactitude des renseignements contenus dans la télécopie du certificat d’affiliation de son conjoint, le ministre ne saurait s’arroger le droit discrétionnaire de l’obliger à remettre un original.

Finalement, l’exigence de la production d’un original méconnaîtrait gravement le principe du mandat tacite entre époux, étant donné qu’ « il faut admettre qu’un des époux puisse transmettre à un organisme public un certificat émis dans l’intérêt de l’autre conjoint mais qui habilitera le conjoint à percevoir des allocations versées par l’employeur dans l’intérêt de la famille ».

Le délégué du gouvernement, en se basant sur l’article 24 (3) de la loi du 8 juin 1999, précitée, estime que l’administration du personnel de l’Etat serait en droit d’exiger un certificat d’affiliation original émanant du centre commun de la sécurité sociale ou encore une copie ou télécopie de ce document en provenance du même organisme. Pour le surplus, la remise de l’original d’une pièce serait le principe et la remise par copie constituerait l’exception et non l’inverse et que destinataire de copies disposerait d’un droit discrétionnaire de les accepter ou non, d’autant plus qu’aux termes des dispositions inscrites à l’article 1334 du code civil la représentation du titre pourrait toujours être exigée.

En termes de plaidoiries, le délégué du gouvernement a encore soulevé comme moyen d’ordre public l’absence d’intérêt à agir dans le chef du demandeur qui, étant en possession de l’original du certificat réclamé, pourrait régulariser la situation par simple envoi de cet original.

En l’espèce, force est de constater que l’administration avait accepté dans le passé la transmission des certificats d’affiliation par télécopie pour se raviser au courant de l’année 2001 en exigeant la production du certificat d’affiliation litigieux en original. S’il est exact que Monsieur … aurait pu mettre un terme au litige par le simple envoi du certificat litigieux en original, il garde néanmoins un intérêt personnel et légitime à agir, étant donné qu’il peut retirer de l’annulation de l’acte critiqué, une satisfaction certaine et personnelle, consistant à ne pas devoir se dessaisir de l’original du certificat d’affiliation en vue de toucher les allocations familiales, comme cela fut admis par l’administration dans le passé. Il s’ensuit que le moyen tiré du défaut d’intérêt à agir dans le chef du demandeur est à abjuger.

Concernant le moyen d’annulation tiré des prétendues violations de l’article 24 (3) de la loi du 8 juin 1999, précitée, et de l’article 1334 du code civil, qu’il convient d’examiner ensemble, il y a lieu de retenir qu’il est de principe que les copies sont dépourvues de toute force probante. La raison en est que la copie, simple reproduction du titre, ne présente en elle-même aucune garantie de conformité avec l’original. Aussi l’article 1334 du code civil dispose que les copies, lorsque le titre original subsiste, ne font foi que de ce qui est contenu au titre, dont la représentation peut toujours être exigée (Encyclopédie Dalloz, 1979, V° Preuve, n° 1039).

Tant que l’original subsiste, en effet, c’est une solution prudente, et qui n’est d’ailleurs nullement gênante, de soumettre la force probante de l’acte à la production du titre original, si celle-ci est exigée par la partie à qui on l’oppose (Encyclopédie Dalloz, 1979, V° Preuve, n° 1041).

En l’espèce, s’il est exact que l’administration avait dans le passé accepté la transmission des certificats d’affiliation en copie, cette pratique ne saurait cependant dispenser le demandeur à faire droit à la demande légitime de l’administration du personnel de l’Etat, qui pour le surplus a été formulée sur intervention de la direction du contrôle financier. En effet, la protection de l’administré contre les changements brusques et imprévisibles de l’attitude de l’administration, en lui reconnaissant le droit de se fier à un comportement habituellement adopté par l’administration, ne saurait cependant perdurer au cas où la pratique nouvelle suivie par l’administration est conforme à la loi et repose sur de justes motifs, à savoir la remise de l’original de chaque pièce concernant le dossier d’un fonctionnaire de l’Etat pour effectuer le contrôle de l’engagement et de l’ordonnancement de toutes les dépenses auprès de l’Etat. Or, il résulte de ce qui précède qu’en l’espèce l’attitude de l’administration du personnel de l’Etat est conforme à la loi et ne saurait partant constituer un changement imprévisible d’attitude de la part de ladite administration, d’autant plus que le demandeur aurait sans la moindre difficulté pu faire droit à cette demande légitime et qu’il n’a d’ailleurs fourni aucune raison convaincante qui s’opposerait à la transmission dudit certificat en original.

Finalement, le demandeur estime que l’exigence de la production d’un original méconnaîtrait gravement le principe du mandat tacite entre époux, « tel qu’il résulte entre autres de l’article 219 du Code Civil ».

Ledit moyen d’annulation manque cependant en fait, étant donné que l’administration n’a nullement interdit à Monsieur … de représenter son épouse et de transmettre personnellement un certificat émis au nom de cette dernière, mais a simplement exigé la transmission en original de ce certificat, peu importe l’identité de la personne procédant à cette transmission.

Il suit de ce qui précède que le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative a valablement pu exiger la production en original du certificat d’affiliation, de sorte que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare cependant non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 3 avril 2003 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15345
Date de la décision : 03/04/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-04-03;15345 ?

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