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03/04/2003 | LUXEMBOURG | N°14842

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 avril 2003, 14842


Tribunal administratif N° 14842 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 avril 2002 Audience publique du 3 avril 2003

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Recours formé par Madame …, … et Monsieur …, … contre une décision du conseil communal de Stadtbredimus et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14842 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 avril 2002 par

Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de...

Tribunal administratif N° 14842 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 avril 2002 Audience publique du 3 avril 2003

===============================

Recours formé par Madame …, … et Monsieur …, … contre une décision du conseil communal de Stadtbredimus et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14842 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 avril 2002 par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, ayant demeuré à L-…, tendant à l’annulation 1) de la décision du conseil communal de Stadtbredimus du 16 mai 2000 de ne pas inclure deux parcelles lui appartenant à l’intérieur du périmètre d’agglomération de ladite commune et 2) de la décision du ministre de l’Intérieur du 9 janvier 2002 portant approbation de la prédite délibération du 16 mai 2000 du conseil communal de Stadtbredimus ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, du 30 avril 2002 portant signification de ce recours à l’administration communale de Stadtbredimus ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 14 juin 2002 par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 octobre 2002 en nom et pour compte du demandeur ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 novembre 2002 par le délégué du gouvernement ;

Vu le courrier du 21 janvier 2003 du mandataire de Monsieur …, suite au décès de ce dernier en date du 23 octobre 2002, informant le tribunal que l’instance a été reprise par Madame …, demeurant à L-…, et Monsieur …, demeurant à L-… ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Gilles DAUPHIN, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.

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Par délibération du 20 juin 1995, le conseil communal de Stadtbredimus, statuant à l’unanimité, adopta provisoirement le nouveau plan d’aménagement général – parties graphique et écrite – de la commune de Stadtbredimus, désigné ci-après par le « plan d’aménagement général », en modification de celui antérieurement en vigueur.

Le 22 septembre 1995, le conseil communal de Stadtbredimus, statuant dans le cadre des réclamations introduites contre sa décision précitée du 20 juin 1995 portant approbation provisoire du nouveau plan d’aménagement général, parmi lesquelles celle de Monsieur …, décida à l’unanimité des membres présents « de maintenir les limites du plan d’aménagement général telles qu’elles ont été approuvées provisoirement dans la séance du 20 juin 1995 à l’exception des parcelles de la partie de la zone d’aménagement particulier sise à …, au lieu-

dit « … » reclassée en zone verte » et approuva définitivement le nouveau plan d’aménagement général de la commune de Stadtbredimus, avec les réclamations y relatives.

Par courrier du 1er avril 1999, l’administration communale de Stadtbredimus informa Monsieur … de ce qui suit : « Lors de sa séance du 22 septembre 1995, le conseil communal de la commune a délibéré sur votre réclamation écrite portée à l’égard du plan d’aménagement voté provisoirement le 20 juin 1995.

Vu vos arguments soumis, le collège échevinal a été chargé de vous informer que le conseil communal a accepté unanimement votre réclamation sous condition que vous procédez à la présentation d’un plan d’aménagement particulier.

Votre dossier avec l’avis favorable du conseil communal sera transmis à l’approbation de l’autorité compétente supérieure ».

Suivant courrier du 28 mars 2000, à l’adresse du commissaire de district à Grevenmacher, le ministre de l’Intérieur pria ce dernier de « faire savoir aux autorités communales qu’il y a lieu de reprendre la susdite procédure [portant approbation définitive du projet d’aménagement général] d’après le vote définitif, vote qui devra mentionner clairement la position du conseil communal quant à chacune des réclamations en question et énoncer en même temps la situation exacte des fonds dont il s’agit ».

Le 16 mai 2000, le conseil communal de Stadtbredimus décida par huit voix et une abstention de rejeter toute réclamation formulée contre le nouveau plan d’aménagement général de la commune, et de maintenir les limites du plan d’aménagement général telles qu’elles ont été approuvées provisoirement dans la séance du 20 juin 1995 à l’exception de diverses parcelles reclassées en zone verte par décision du ministre de l’Environnement.

Par courrier du 29 novembre 2000, l’administration communale de Stadtbredimus informa Monsieur … de ce qui suit : « Lors de sa séance du 16 mai 2000, le conseil communal de la commune a délibéré sur votre réclamation écrite portée à l’égard du plan d’aménagement voté provisoirement le 20 juin 1995.

Le collège échevinal a été chargé de vous informer que le conseil communal n’a pas accepté votre réclamation par huit voix et une abstention des membres étant donné que vos parcelles sont trop éloignées du plan d’aménagement général existant.

Votre dossier avec l’avis défavorable du conseil communal est transmis à l’approbation de l’autorité compétente supérieure.

Les réclamations doivent être adressées au ministère de tutelle dans les quinze jours, à peine de forclusion ».

Le 12 décembre 2000, Monsieur …, par l’intermédiaire de son mandataire, s’adressa au ministre de l’Intérieur pour réclamer contre la délibération prédite du 16 mai 2000 et pour réitérer sa demande de reclassement des parcelles litigieuses à l’intérieur du périmètre d’agglomération.

Par délibération du 14 février 2001, le conseil communal de Stadtbredimus, statuant sur les mérites de la réclamation introduite par Monsieur … contre sa délibération précitée du 16 mai 2000, décida de « tenir ferme à sa décision prise en sa séance du 16 mai 2000 portant sur l’approbation définitive du nouveau plan d’aménagement général de la commune en ce sens que toute réclamation formulée contre le nouveau plan d’aménagement général de la commune est rejetée ».

Par son avis du 11 juillet 2001, la commission d’aménagement estima ne pouvoir juger que le fond des réclamations dans le cadre de la procédure portant adoption définitive du projet de révision du projet d’aménagement général de la commune et qu’il « appartient à Monsieur le Ministre de vérifier la légalité des actes et de la procédure dans le cadre de l’approbation ».

Par arrêté du 9 janvier 2002, le ministre de l’Intérieur, rejetant, entre autres, la réclamation de Monsieur …, approuva la délibération du 16 mai 2000 du conseil communal de Stadtbredimus portant adoption définitive du projet d’aménagement général, parties graphique et écrite.

Par requête introduite auprès du tribunal administratif en date du 29 avril 2002, Monsieur … a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du conseil communal de Stadtbredimus du 16 mai 2000 portant adoption définitive du projet d’aménagement général et décidant de ne pas faire droit à sa réclamation, ainsi que 2) de la décision du ministre de l’Intérieur du 9 janvier 2002 portant approbation de la délibération du conseil communal de Stadtbredimus prise le 16 mai 2000.

Bien que ce recours ait été régulièrement signifié à l’administration communale de Stadtbredimus, cette dernière n’a pas fait déposer de mémoire, de sorte que conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le tribunal est néanmoins compétent pour statuer à l’égard de toutes les parties au litige suivant un jugement ayant les effets d’une décision contradictoire.

Concernant la compétence d’attribution du tribunal administratif, il convient de relever que, d’une part, les décisions sur les projets d’aménagements, lesquelles ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire et, d’autre part, la décision d’approbation du ministre de l’Intérieur, intervenue après réclamation des particuliers, comme c’est le cas en l’espèce, participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé (Cour adm. 10 juillet 1997, n° 9804C, Pas. adm. 2002, V° Actes réglementaires (recours contre les), n° 16 et autres références y citées).

Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit à l’encontre des actes litigieux.

Le recours est pour le surplus recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur soulève en premier lieu la violation de l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, ci-après dénommée « la loi de 1937 », en ce que le conseil communal serait revenu par sa nouvelle décision du 16 mai 2000 sur sa délibération antérieure du 22 septembre 1995, qui avait accueilli favorablement sa réclamation tendant à voir inclure ses deux parcelles dans le périmètre d’agglomération. En effet, la procédure prévue à l’article 9 précité tendrait à éliminer les réclamations des personnes intéressées, de préférence à un niveau le plus proche possible de l’administré, et le plan d’aménagement général deviendrait dès lors définitif au fur et à mesure de la disparition des objections ou réclamations solutionnées et le conseil communal, appelé à procéder à l’adoption définitive du plan d’aménagement général, ne statuerait plus que par rapport aux objections non résolues après aplanissement des difficultés par le collège échevinal. Il s’ensuit que le conseil communal aurait commis une illégalité en revenant sur sa première délibération du 22 septembre 1995, de même que le ministre de l’Intérieur dans sa décision du 9 janvier 2002, qui en tant qu’autorité de tutelle aurait dû refuser l’approbation d’un acte manifestement illégal.

En deuxième lieu, le demandeur soulève la violation de l’article 5 de la loi de 1937 qui prévoit que les révision et modification des plans d’aménagement généraux doivent respecter les procédures prescrites pour le premier établissement d’un tel plan. Or, en procédant pour une deuxième fois à un vote définitif portant approbation du plan d’aménagement général par sa délibération du 16 mai 2000, le conseil communal de Stadtbredimus aurait procédé à une modification du plan d’aménagement général sans recommencer la procédure ab initio, c’est-

à-dire sans solliciter l’avis de la commission d’aménagement, sans procéder à un vote provisoire et sans tenir de réunion avec les réclamants en vue de l’aplanissement des difficultés. Partant, le demandeur estime avoir finalement été privé du droit d’exposer son point de vue et de faire valoir ses observations devant le collège échevinal.

Finalement, Monsieur … fait observer que la délibération du conseil communal du 16 mai 2000 ne contiendrait aucune motivation et que la motivation contenue dans la décision ministérielle du 9 janvier 2002, en ce que l’extension du périmètre d’agglomération en ces lieux contribuerait à un développement tentaculaire et désordonné de la localité et au mitage du paysage, ne serait pas fondée en fait, étant donné que les parcelles litigieuses se trouveraient situées à proximité immédiate du périmètre d’agglomération initial, dont elles ne seraient séparées que par une seule parcelle appartenant à un tiers, de sorte qu’il n’y aurait nullement développement tentaculaire et désordonné de la localité.

Le délégué du gouvernement estime de son côté que le ministre de l’Intérieur ne posséderait en tant qu’autorité de tutelle qu’un simple pouvoir de vérification de la légalité et de la conformité à l’intérêt général, que ce pouvoir de tutelle ne l’autoriserait cependant pas à s’immiscer dans la gestion du service décentralisé et à y substituer sa propre décision, et que l’aménagement communal des localités et la fixation du périmètre d’agglomération devraient être considérés comme tâches dont l’exécution est déléguée aux collectivités locales.

Etant donné que la commune, dans sa délibération initiale du 22 septembre 1995, n’avait pas expressément mentionné les vues du conseil communal quant aux suites réservées aux objections présentées à l’encontre du projet d’aménagement général litigieux, le ministre de l’Intérieur aurait demandé à bon droit à la commune de reprendre la procédure depuis le vote définitif, de sorte que l’article 9 de la loi de 1937 ne se trouverait nullement violé.

Concernant la prétendue violation de l’article 5 de la loi de 1937, le représentant étatique souligne que par sa décision du 16 mai 2000, le conseil communal de Stadtbredimus n’aurait nullement procédé à une modification du plan d’aménagement général, mais aurait seulement adopté définitivement au niveau communal le nouveau plan d’aménagement général et qu’une modification d’un plan d’aménagement général, telle qu’alléguée par le demandeur, ne serait concevable qu’en présence d’un plan définitivement adopté et approuvé par le ministre de l’Intérieur.

Finalement, le délégué du gouvernement estime que le reclassement des terrains litigieux en zone d’habitation contribuerait indéniablement au développement tentaculaire de la localité de Stadtbredimus et à une avancée uniligne et tentaculaire du tissu urbain le long d’une voie publique ce qui serait contraire à la politique de l’Etat en matière d’urbanisme, orientée vers la promotion d’un développement sain, cohérent et rationnel des localités, ainsi que vers une gestion sensée et harmonieuse des espaces fonciers, ce qui impliquerait inévitablement le déploiement concentrique des localités et l’urbanisation des terrains libres à l’intérieur des villages, par priorité à toute extension du périmètre.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur insiste plus particulièrement sur le fait que le conseil communal de Stadtbredimus ne pouvait plus, lors de sa séance du 16 mai 2000, revenir sur sa décision précédente du 22 septembre 1995, d’autant plus que le conseil communal dans sa première décision avait affirmé approuver définitivement le nouveau plan d’aménagement général de la commune avec les réclamations y relatives.

D’autre part, le courrier du 28 mars 2000 du ministre de l’Intérieur au commissaire de district de Grevenmacher, par lequel le ministre sollicite que la procédure soit reprise d’après le vote définitif, serait à analyser en une décision de refus prise en violation de l’article 9 de la loi de 1937, de sorte qu’il n’y avait aucune raison juridique valable pour le conseil communal de procéder en date du 16 mai 2000 à un vote définitif sur l’adoption du plan d’aménagement général et que partant cette décision, de même que la décision ministérielle d’approbation du 9 janvier 2002, devraient encourir l’annulation.

Pour le surplus, le ministre aurait en charge la vérification de la légalité des décisions lui soumises, ce qui impliquerait nécessairement son appréciation sur la régularité de la procédure. Or, en l’espèce, la procédure d’adoption du plan d’aménagement général serait régulièrement venue à terme par le vote définitif du 22 septembre 1995 et le ministre aurait dû statuer par rapport à cette décision, au lieu de statuer par rapport à la décision postérieure du 16 mai 2000, intervenue au mépris de la procédure prévue à la loi de 1937.

Finalement, le demandeur affirme encore que l’extension du périmètre d’agglomération s’inscrirait dans le cadre du développement actuel de la localité et qu’il ne créerait nullement un développement désordonné et tentaculaire de la localité de Stadtbredimus, d’autant plus qu’il serait illogique d’interdire actuellement les extensions des périmètres d’agglomération au vu des besoins fonciers croissants résultant de la pression démographique, actuelle et prévisible et en vue d’endiguer la hausse des prix des terrains.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement expose encore que ce n’est qu’après approbation par le ministre de l’Intérieur, en sa qualité d’autorité de tutelle des communes, qu’une procédure d’adoption d’un plan d’aménagement général se trouverait vidée et que ce n’est qu’à partir de cette décision d’approbation que le plan d’aménagement deviendrait définitif. Pour le surplus, un conseil communal pourrait toujours retirer une délibération portant adoption d’un plan d’aménagement général en attendant la décision d’approbation ministérielle, et la délibération initiale du 22 septembre 1995 n’aurait fait acquérir aucun droit aux tiers. Concernant plus particulièrement un éventuel droit acquis des propriétaires au maintien d’une situation réglementaire donnée, le représentant étatique estime que la mutabilité des plans d’aménagement généraux relèverait de leur essence même et que les propriétaires d’immeubles n’auraient pas de droits acquis au maintien d’une réglementation communale d’urbanisme et que plus particulièrement le demandeur n’aurait pas bénéficié d’un droit acquis à la suite de la délibération définitive de la commune du 22 septembre 1995, tant que l’approbation tutélaire n’était pas intervenue.

Pour le surplus, le demandeur n’aurait subi aucun préjudice réel à la suite de la décision du conseil communal du 16 mai 2000, étant donné que sa situation actuelle serait identique à celle qui aurait existé si la commune avait dès le départ refusé d’intégrer dans le périmètre du plan d’aménagement général les terrains du demandeur.

Finalement, le courrier du ministre de l’Intérieur du 28 mars 2000 ne constituerait pas une décision de refus, mais un simple courrier d’information, par lequel le ministre de l’Intérieur avait informé la commune de reprendre sa délibération définitive en raison d’un problème procédural. Il s’ensuit que le ministre aurait bien contrôlé à la fois la légalité et la conformité de la décision communale par rapport à l’intérêt général, de même qu’il aurait vérifié la régularité de la procédure suivie par la commune.

Concernant le premier moyen d’annulation avancé par le demandeur tiré de la violation de l’article 9 de la loi de 1937 en ce que le conseil communal n’aurait pas été en droit par sa décision du 16 mai 2000 de revenir sur sa décision antérieure du 22 septembre 1995 et que le ministre de l’Intérieur aurait partant à tort approuvé un acte manifestement illégal, il convient de relever en premier lieu que les deux décisions précitées du conseil communal de Stadtbredimus ont été prises en tant que votes définitifs sur base de l’article 9 alinéa 5 de la loi de 1937.

Dans ce contexte c’est à tort que le demandeur soutient qu’un projet d’aménagement général deviendrait définitif au fur et à mesure de la disparition des objections solutionnées et qu’en l’espèce, la délibération communale du 22 septembre 1995 aurait définitivement résolu les objections soulevées par rapport à ses deux parcelles, de sorte à avoir définitivement épuisé la compétence et le champ d’intervention des autorités communales et du ministre de l’Intérieur. En effet, si le vote provisoire d’un conseil communal portant approbation provisoire d’un projet d’aménagement ne faisant pas l’objet de réclamations dans le délai légalement prévu constitue un acte réglementaire préparatoire et intérimaire nécessitant l’approbation de l’autorité de tutelle (v. Cour adm. 16 novembre 2000, n° 11878C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Tutelle administrative, n° 16), il en est de même du vote définitif du conseil communal qui statue aux termes de l’article 9 alinéa 5 de la loi de 1937 « sous l’approbation du Ministre de l’Intérieur ».

Ainsi, il appartient au ministre de l’Intérieur, en tant qu’autorité de tutelle, de veiller à ce que les décisions de l’autorité communale ne violent aucune règle de droit et ne heurtent pas l’intérêt général. Le droit d’approuver la décision du conseil communal a comme corollaire celui de ne pas approuver cette décision. Cette approbation implique nécessairement l’examen du dossier et comporte l’appréciation du ministre sur la régularité de la procédure et des propositions du conseil communal, ainsi que sur les modifications de la partie graphique et écrite des plans (cf. Cour adm. 17 juin 1997, n° 9481C du rôle, Pas. adm.

2002, V° Tutelle administrative, I. Pouvoirs et obligations de l’autorité de tutelle, n° 1, p. 552 et autres références y citées).

La tutelle n’autorise cependant pas, en principe, à l’autorité supérieure à s’immiscer dans la gestion du service décentralisé et à substituer sa propre décision à celles des agents du service (Buttgenbach A., Manuel de droit administratif, 1954, p. 117, n° 149). Ce principe découle de la nature même de la tutelle qui est une action exercée par un pouvoir sur un autre pouvoir, non pas en vue de se substituer à lui, mais dans le seul but de le maintenir dans les limites de la légalité et d’assurer la conformité de son action avec les exigences de l’intérêt général.

Le rôle de l’autorité de tutelle consiste dès lors à vérifier, non pas que chaque décision soit prise exclusivement dans le seul intérêt général, mais que la décision ne soit pas contraire à l’intérêt général.

Force est encore de relever que la modification d'un plan d'aménagement général est, dans son essence même, prise dans l'intérêt général, cette caractéristique étant présumée jusqu'à preuve du contraire (cf. trib. adm. 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Recours en annulation, I. Cas d’ouverture, n° 5, page 511).

En l’espèce, il échet de noter que par son courrier du 28 mars 2000, non autrement attaqué, le ministre de l’Intérieur pria le commissaire de district à Grevenmacher d’inviter les autorités communales de Stadtbredimus à reprendre la procédure d’approbation du projet d’aménagement général pour des raisons de régularité de la procédure d’adoption, alors que la délibération initiale du conseil communal du 22 septembre 1995 ne mentionnait pas explicitement les vues du conseil communal quant aux suites à réserver aux différentes objections présentées. Ledit courrier, destiné à faire régulariser la procédure en cours, ne constitue partant pas une décision de refus, de sorte que la procédure a pu être continuée sans une nouvelle consultation préalable de la commission d’aménagement et du conseil communal. Dès lors, la procédure d’adoption litigieuse, suite au courrier prérelaté du 28 mars 2000, se déroulait toujours au niveau de la phase préparatoire et intérimaire nécessitant l’approbation de l’autorité de tutelle pour devenir définitive.

Or, les projets d’aménagement, même adoptés définitivement au niveau communal, peuvent être révisés et modifiés sans l’observation de la procédure prescrite pour le premier établissement du plan en question jusqu’au moment de l’approbation définitive par l’autorité tutélaire, étant entendu que la mutabilité des plans d’aménagement généraux relève de leur essence même, consistant à répondre à des contraintes variables à travers le temps concernant à la fois les aspects urbanistiques de l’aménagement des agglomérations et le volet politique de la vie en commun sur le territoire donné (v. trib. adm. 25 juillet 2001, n° 12813a du rôle, confirmé par Cour adm., 8 janvier 2002, n° 13891C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Urbanisme, n° 46).

Il en est a fortiori ainsi en l’espèce pour un projet d’aménagement adopté seulement provisoirement au niveau communal, étant donné que les autorités communales avaient été invitées à reprendre la procédure « d’après le vote définitif », d’autant plus qu’un délai de plus de quatre ans s’était écoulé entre le premier et le deuxième vote du conseil communal.

Il s’ensuit que le moyen tiré de la prétendue violation de l’article 9 de la loi de 1937 est à abjuger.

Il en est de même de la violation alléguée de l’article 5 de la loi de 1937 aux termes duquel : « Les projets d’aménagement peuvent être révisés et modifiés. La procédure prescrite pour le premier établissement des plans est applicable aux révisions et modifications ».

En effet, il se dégage des principes énoncés ci-avant que par sa décision du 16 mai 2000, le conseil communal de Stadtbredimus n’a pas procédé à une révision ou à une modification du plan d’aménagement général, un plan d’aménagement général ne devenant définitif qu’après approbation par l’autorité tutélaire, mais à un deuxième vote en remplacement de sa décision initiale du 22 septembre 1995, et nécessitant pour devenir définitif une approbation ministérielle qui n’est intervenue qu’en date du 9 janvier 2002.

Concernant finalement le bien-fondé des décisions attaquées, il échet de rappeler que la mission du juge de la légalité conférée au tribunal à travers l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif exclut le contrôle des considérations d’opportunité et notamment d’ordre politique, à la base de l’acte administratif attaqué et inclut la vérification, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, de ce que les faits et considérations sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute (cf. trib. adm. 7 mars 2001, n° 12282 du rôle, confirmé par Cour adm. 23 octobre 2001, n° 13319C, Pas. adm. 2002, V° Urbanisme, n° 9).

Dans cette démarche de vérification des faits et des motifs à la base de l’acte déféré, le tribunal est encore amené à analyser si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits dont l’existence est vérifiée, une erreur d’appréciation étant susceptible d’être sanctionnée, dans la mesure où elle est manifeste, au cas notamment où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité (cf. Cour adm. 21 mars 2002, n° 14261C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Recours en annulation, n° 10).

A la lumière des considérations qui précèdent, il convient d’analyser le motif tiré de ce que l’extension du périmètre d’agglomération sollicitée par les demandeurs contribuerait à un développement désordonné et tentaculaire de la localité de Stadtbredimus et favoriserait le mitage du paysage.

D’après les renseignements soumis au tribunal par les demandeurs, et non autrement contestés, les parcelles litigieuses se trouvent situées à proximité immédiate du périmètre d’agglomération dont elles sont séparées par une parcelle appartenant à un tiers.

Une extension du périmètre d’agglomération au niveau d’un seul terrain en face duquel se trouve déjà une construction et qui aboutit à un prolongement d’un village contribue à rendre plus difficile un développement cohérent et concentrique de la localité et est partant contraire au concept urbanistique exposé par le ministre (cf. trib. adm. 10 juillet 2002, n° 14378 du rôle, confirmé par Cour adm. 26 novembre 2002, n° 15233C du rôle, non encore publié). Il en est a fortiori ainsi en l’espèce, étant donné que les parcelles litigieuses ne sont pas adjacentes au périmètre d’agglomération mais séparées par une autre parcelle appartenant à un tiers. Ainsi l’objectif du ministre à travers sa décision litigieuse du 9 janvier 2002 s’inscrit entièrement dans le cadre de la décision du gouvernement en Conseil du 11 juillet 1986 concernant la révision des directives générales du programme directeur de l’aménagement du territoire, tel que mis en avant dans le mémoire en réponse du délégué du gouvernement.

Il suit de l’ensemble des développements qui précèdent que loin d’avoir versé dans une erreur d’appréciation à sanctionner par le tribunal, le ministre de l’Intérieur a agi sur base de considérations légales d’ordre urbanistique tendant à une finalité d’intérêt général.

Le recours laisse partant d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 3 avril 2003 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 14842
Date de la décision : 03/04/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-04-03;14842 ?

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