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03/04/2003 | LUXEMBOURG | N°14634

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 avril 2003, 14634


Tribunal administratif N° 14634 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er mars 2002 Audience publique du 3 avril 2003

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Recours formé par Monsieur … et son épouse, Madame … contre un arrêté du ministre de la Culture en matière de sites et monuments nationaux

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14634 du rôle et déposée le 1er mars 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau

de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, agriculteur, et son épouse, Madame …, s...

Tribunal administratif N° 14634 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er mars 2002 Audience publique du 3 avril 2003

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Recours formé par Monsieur … et son épouse, Madame … contre un arrêté du ministre de la Culture en matière de sites et monuments nationaux

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14634 du rôle et déposée le 1er mars 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, agriculteur, et son épouse, Madame …, sans état particulier, les deux demeurant ensemble à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’un arrêté du ministre de la Culture du 20 février 2002, par lequel des terrains inscrits au cadastre de la commune de Vichten, section B de Vichten, sous les numéros 40/843, 36/2423, 37/2424, 37/361 et 55/4606 leur appartenant, ont été inscrits à l’inventaire supplémentaire des sites et monuments nationaux, au sens de la loi du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 mai 2002 ;

Vu le mémoire en réplique des demandeurs déposé au greffe du tribunal administratif le 17 mai 2002 ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 juin 2002 ;

Vu les pièces versées en cause, dont celles versées d’une manière complémentaire par le délégué du gouvernement au greffe du tribunal administratif le 11 octobre 2002, ainsi que la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Gaston VOGEL, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Il ressort d’un avis de la commission des sites et monuments nationaux, instituée auprès du ministre de la Culture, daté du 26 juillet 2001 que : « de l’avis d’experts étrangers et luxembourgeois, la villa romaine située sur les terrains inscrits au cadastre de la commune de Vichten, section B de Vichten, sous les numéros 40/843, 36/2423, 37/2424, 37/361 et 55/4606, appartenant aux époux …-… , dont une partie seulement a été mise à jour lors des fouilles archéologiques réalisées en 1995, est l’une des plus importantes villas jamais découvertes au Grand-Duché. L’excellent état de conservation des vestiges enfouis s’explique par la situation topographique du bâtiment, construit sur une légère terrasse naturelle dans la partie inférieure d’un coteau, exposé plein sud, qui, en altitude, remonte à plus de 50 m au dessus du site. Dès la fin de l’antiquité, les ruines de la villa furent progressivement recouvertes par du matériel érodé du plateau et des pentes, de sorte à recouvrir les restes du palais sous d’importantes couches de terre.

Lors des fouilles de 1995, une partie minime seulement des vestiges conservés a été accessible. Dans la salle de réception centrale de la villa, une mosaïque polychrome avec la représentation de Homère et des neuf muses a pu être dégagée. Le sous-sol de cette pièce était traversé en longueur par un aqueduc souterrain, conservé et accessible sur une longueur de 40 m. Dans deux chambres contiguës à cette salle et un corridor long de 10 m, des fresques polychromes dans un état de fraîcheur extraordinaire ont été découverts. A part ces quatre salles intérieures, uniquement une petite partie de la galerie arrière et du portique avant ont pu être dégagées. Deux autres pièces situées à l’ouest du couloir intérieur ont été repérées sous le pré adjacent. Au moins l’une d’elles présente sur ses parois des peintures murales. La symétrie du plan de la villa, qui correspond à celui du palais de Helmsange, montre clairement que les substructions de l’édifice s’étendent vers l’ouest sur au moins vingt mètres dans le pré.

En considérant que -

l’aqueduc souterrain constitue à lui seul un monument historique national extraordinaire ;

-

le sous-sol de la salle de la mosaïque, qui n’a pas pu être fouillé méthodiquement en 1995, pourrait fournir de très importantes informations chronologiques, notamment en ce qui concerne la date de la pose de la mosaïque ;

-

l’aile latérale de la villa, conservée sous le pré, comprend au moins une chambre dont les murs sont décorés de fresques ;

-

la galerie arrière devrait être entièrement conservée dans le coteau derrière la nouvelle étable et comprendre des restes de fresques sur les murs ;

-

le portique de la façade principale pourrait être conservé en grande partie sous les remblais devant l’étable ;

-

une partie des fondations de l’aile latérale et de la villa pourrait être préservée sous la dalle de béton de l’étable ;

le classement de la villa comme monument historique national se justifie pleinement des points de vue archéologique, historique, esthétique et artistique. Comme la surface occupée par les vestiges de la villa ne pourra être définie avec exactitude qu’après les fouilles à réaliser, la zone protégée par le classement comme monument national s’étendra sur une surface circulaire d’un rayon de 50 mètres à partir du centre de la villa, le centre de l’emplacement de la mosaïque trouvée de la villa étant pris comme centre de cette surface circulaire ».

Lors de ladite réunion de la commission des sites et monuments nationaux du 26 juillet 2001, tous les membres ayant participé à la réunion se sont prononcés à l’unanimité pour le classement de la villa romaine de Vichten « comme monument national ».

Par lettre du même jour, le ministre de la Culture informa Monsieur et Madame …-… de ce qu’il envisageait de faire réinscrire à l’inventaire supplémentaire des sites et monuments nationaux les vestiges de la villa romaine précitée, située sur leurs terrains préqualifiés, pour autant que ces terrains se trouvent dans un rayon de 50 mètres à partir du centre de la villa, l’emplacement de la mosaïque trouvée étant pris comme centre, en précisant que l’inscription ainsi envisagée aurait pour objet de protéger des vestiges d’une villa romaine présentant un intérêt archéologique et historique certain, justifiant que l’Etat devrait être tenu informé de tout projet de modification des terrains en cause. Par le courrier en question, le ministre, en se référant à l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, autorisa les époux …-… à présenter leurs observations dans un délai de huit jours à compter du courrier en question.

Il ressort d’une lettre du ministre de la Culture du 6 août 2001, adressée aux époux …-

…, non seulement que le délai dans lequel ils étaient autorisés à soumettre leurs observations éventuelles audit ministre, était prorogé jusqu’au 15 août 2001, faute d’avoir reçu une réaction de leur part à la date dudit courrier, mais encore que l’avis de la commission des sites et monuments nationaux du 26 juillet 2001 leur était transmis en annexe à ladite lettre et que contrairement aux conclusions tirées par cette commission, suivant lesquelles les terrains litigieux devraient faire l’objet d’un classement, l’Etat n’entendrait procéder qu’à la seule inscription desdits terrains sur l’inventaire supplémentaire.

Lors de sa séance du 29 novembre 2001, le conseil communal de Vichten exprima à l’unanimité de ses membres l’avis « qu’il se trouve dans une situation embarrassante de devoir donner un avis à un sujet sur lequel il ne possède que des connaissances rudimentaires ; que la protection des vestiges de la villa romaine constitue une mesure nécessaire, en raison de l’intérêt archéologique et historique de ce témoignage de l’époque romaine ; qu’une exploitation appropriée de ce site, qui apparemment héberge des trésors archéologiques inestimables, soit garanti lors d’une inscription éventuelle à l’inventaire supplémentaire des monuments nationaux, mais qu’il est foncièrement important de régler la situation de propriété, de préférence suivant leurs propositions citées ci-dessous, étant donné que les conditions, servitudes et obligations de ladite inscription ne devraient causer au propriétaire (…) la moindre restriction dans l’exercice de sa profession de cultivateur, qui est sa seule subsistance », en proposant également à l’unanimité « au ministère de la Culture de racheter les parcelles ou parties des parcelles prémentionnées avec le but de continuer les fouilles et les recherches et de permettre au propriétaire actuel à exercer sa profession de cultivateur en lui donnant la possibilité d’émigrer son établissement agricole » tout en garantissant au prédit ministère « qu’il aura l’appui moral et financier de l’administration communale de Vichten dans toutes les démarches qu’il souhaitera entamer afin de préserver les vestiges romains ».

L’avis du conseil communal de Vichten du 29 novembre 2001 fut transmis aux époux …-… par un courrier du ministre de la Culture du 14 janvier 2002, avec l’information, conformément à l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, qu’ils peuvent saisir avant le 1er février 2002 le ministre des questions et des observations qu’ils estiment nécessaires.

Par un arrêté du 20 février 2002, le ministre de la Culture décida d’inscrire « à l’inventaire supplémentaire des sites et monuments nationaux, au sens de la loi du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux en raison de leur intérêt historique et archéologique, les vestiges de la villa romaine se trouvant sur les terrains inscrits au cadastre de la commune de Vichten, section B de Vichten, sous les numéros 40/843, 36/2423, 37/2424, 37/361 et 55/4606, terrains qui appartiennent à Monsieur et Madame …-… domiciliés à Vichten, 9, rue Michelsbuch. Les terrains faisant partie des parcelles cadastrales prémentionnées ne tombent sous la protection de la loi précitée pour autant qu’ils se trouvent dans un rayon de 50 mètres à partir du centre de la villa, l’emplacement de la mosaïque trouvée étant pris comme centre ».

Le prédit arrêté du 20 février 2002 fut transmis en copie aux époux …-… par un courrier du ministre de la Culture du même jour, par lequel ils furent par ailleurs informés de ce qu’à la suite de l’inscription à l’inventaire supplémentaire des immeubles précités, il leur incomberait l’obligation légale « de ne procéder à aucune modification des terrains inscrits, sans avoir, 30 jours auparavant, informé par écrit le ministre de la Culture de leur projet de modifications et d’indiquer les travaux qu’ ils désirent] effectuer » et que « le ministre doit alors notifier sa réponse dans le délai de 30 jours, à dater du dépôt de la demande. Il peut alors les informer de son intention d’engager la procédure de classement qui doit alors intervenir dans les trois mois à dater du dépôt de la demande. Passé ce délai, la demande est censée être agréée. Le ministre peut subventionner les travaux d’entretien et de réparation que nécessite la conservation des terrains inscrits à l’inventaire supplémentaire. Les travaux s’exécutent sous la surveillance du service des sites et monuments nationaux ».

Par requête introduite en date du 1er mars 2002, Monsieur … et son épouse, Madame … ont introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté précité du ministre de la Culture du 20 février 2002.

Tandis que les demandeurs concluent à la compétence du tribunal administratif pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal contre l’arrêté ministériel précité du 20 février 2002, en exposant que bien que le recours en réformation n’est prévu par l’article 4 de la loi du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux que pour la seule procédure de classement, cet article devrait également s’appliquer « a pari » à la procédure de l’inventaire supplémentaire, le délégué du gouvernement conclut à la seule recevabilité du recours subsidiaire en annulation, en soutenant que la loi précitée de 1983 ne prévoirait pas la possibilité d’introduire un recours en réformation contre une décision d’inscription sur la liste appelée « inventaire supplémentaire ».

Il est vrai, comme l’expose le mandataire des demandeurs, que le tribunal administratif est compétent, en vertu de l’article 4, alinéa 6 de la loi précitée du 18 juillet 1983, pour connaître, en tant que juge du fond, des recours dirigés contre les arrêtés de classement d’immeubles, nus ou bâtis, en tant que monuments nationaux. Toutefois, il ressort non seulement du contenu dudit alinéa mais également du fait qu’il figure sous le titre « procédure de classement » et de ce fait parmi les dispositions réglementant les conditions dans lesquelles le classement d’un immeuble peut être opéré, qu’il s’applique exclusivement aux recours dirigés contre les arrêtés pris en matière de classement d’immeubles comme monuments nationaux. Ceci est d’autant plus vrai qu’il existe un titre séparé traitant de l’« inventaire supplémentaire » contenant des dispositions spécifiques quant à cette procédure.

Il s’ensuit que, contrairement à l’argumentation développée par les demandeurs, cette disposition légale ne s’applique pas aux recours contentieux dirigés contre les décisions prises en matière d’inscription à l’inventaire supplémentaire des sites et monuments nationaux au sens de la loi précitée de 1983.

Ni la loi précitée du 18 juillet 1983 ni aucune autre disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction en matière d’inscription d’un immeuble à l’inventaire supplémentaire prévue à l’article 17 de ladite loi, le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal. Il s’ensuit que seul un recours en annulation, recours de droit commun, a pu être introduit contre la décision ministérielle déférée du 20 février 2002.

Le recours en annulation, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, les demandeurs contestent que la décision critiquée repose sur une quelconque motivation et ils estiment qu’il n’existerait aucune preuve tangible permettant d’établir l’existence, dans le rayon visé par l’arrêté ministériel, de vestiges d’une villa romaine ou de vestiges présentant un intérêt public suffisant pour en justifier la préservation.

Ils proposent pour le surplus au tribunal de procéder, avant tout autre progrès en cause, à une visite des lieux ou de nommer au besoin un ou trois experts pour constater « ce défaut total d’intérêt ».

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement insiste sur le fait que lors du dégagement de la mosaïque qui se trouvait sur des terrains appartenant aux époux …-… et ayant présenté un excellent état de conservation, les premiers vestiges d’une villa romaine ont pu être découverts, montrant le caractère exceptionnel du site, en ce que les fouilles auraient recelé les substructions de l’une des plus importantes villas romaines jamais découvertes au Grand-Duché de Luxembourg. En outre, l’excellent état de conservation des vestiges enfouis s’expliquerait par la situation topographique du bâtiment, construit sur une légère terrasse naturelle dans la partie inférieure d’un coteau, exposé plein sud, qui, en altitude, remonte à plus de 50 m au dessus du site. Ainsi, dès la fin de l’antiquité, les ruines de la villa auraient progressivement été recouvertes de matériel érodé du plateau et des pentes, de sorte à recouvrir les restes du palais romain sous d’importantes couches de terre – entre 0,5 et 3,5 mètres – et l’utilisation purement agricole de l’ensemble du site, notamment comme pâturages et vergers, aurait garanti la bonne conservation des vestiges de l’époque romaine jusqu’en 1990.

Le représentant étatique précise encore que les importants travaux de terrassement effectués entre 1990 et 1994 par les époux …-… en vue de la construction et de l’agrandissement de leur nouvelle ferme, au cours desquels une partie importante de l’édifice de l’époque romaine a été saccagée d’une manière brutale et irréparable par les propriétaires de ces terrains, auraient permis de découvrir l’existence de ce site exceptionnel, sans que les propriétaires n’aient jugé utile d’en avertir les autorités compétentes, conformément à la législation en vigueur, la découverte n’ayant été signalée au musée national qu’à la fin de l’année 1994, d’une manière anonyme, par un ouvrier saisonnier ayant eu connaissance des découvertes faites par les époux …-….

Par ailleurs, au cours d’une fouille « d’urgence » ayant duré quatre mois et demi, du mois de mars à juillet 1995, le musée national d’histoire et d’art aurait pu avoir accès à une partie minime seulement des vestiges conservés pour les fouiller d’une manière méthodique, lesdites fouilles ayant surtout eu pour objet de dégager, dans la salle de réception centrale de la villa, d’une taille de 10, 20 x 5,90 mètres, une mosaïque polychrome avec la représentation de Homère et des neuf muses. Le délégué du gouvernement attire encore l’attention du tribunal sur le fait que le sous-sol de cette pièce centrale aurait été traversé en longueur par un aqueduc souterrain de 0,97 mètre de hauteur, conservé et accessible sur près de 40 mètres de longueur. En outre, deux chambres contiguës à la salle de la mosaïque (vers l’ouest), ainsi qu’un corridor long de 10 mètres aurait pu être fouillé jusqu’au niveau des fondations. Les pièces ainsi découvertes auraient montré des fresques polychromes dans un état de fraîcheur extraordinaire. A côté de ces quatre salles intérieures, uniquement une petite partie de la galerie arrière (façade nord) et du portique avant (façade sud) aurait pu être dégagée. Deux autres pièces situées à l’ouest du couloir intérieur auraient été repérées sous le pré adjacent.

Au moins l’une d’elles présenterait sur ses parois des peintures murales. Après avoir comparé la taille de la villa romaine ainsi découverte au palais de Helmsange, et en tenant compte de la symétrie du plan de la villa de Vichten, le délégué du gouvernement estime que les substructions de l’édifice situées sur la propriété de la famille … s’étendraient vers l’ouest sur 20 mètres dans le pré.

En ce qui concerne les motifs se trouvant à la base de la décision ministérielle déférée, le représentant du gouvernement fait état des raisons suivantes : « -

L’aqueduc souterrain, décrit dès le 17e siècle par Alexandre Wiltheim (1604-1684) dans son ouvrage « Luciliburgensia Romana » constitue à lui seul un monument historique national extraordinaire, non seulement de l’époque romaine, mais également de la période mouvementée de notre histoire au 17e siècle. Son état de conservation impeccable demande une protection spéciale.

-

A part l’aqueduc, le sous-sol de la salle de la mosaïque n’a pas pu être fouillé méthodiquement en 1995, faute de temps. Il pourrait fournir de très importantes informations chronologiques, notamment en ce qui concerne la date de la pose de la mosaïque -

L’aile latérale ouest de la villa, conservée sous le pré, comprend au moins une chambre dont les murs sont décorés de fresques.

-

La galerie arrière (façade nord) devrait être entièrement conservée dans le coteau derrière la nouvelle étable. Elle comprend des restes de fresques sur les murs.

-

Le portique de la façade principale (côté sud) pourrait être conservé en grande partie sous les remblais devant l’étable.

-

Finalement, une partie des fondations de l’aile latérale et de la villa pourrait être préservée sous la dalle de béton de l’étable ».

En conclusion, le délégué du gouvernement estime qu’il faudrait protéger d’une manière appropriée les restes conservés de l’une des plus importantes villas romaines du territoire luxembourgeois au vu de leur intérêt historique et architectural.

Il expose encore que les demandeurs seraient malvenus de critiquer la justification de la mesure prise, alors qu’à l’époque des fouilles, ils auraient pu effectuer plusieurs visites du site en compagnie d’un expert international, à l’occasion desquelles ils auraient pu se rendre compte de l’importance des vestiges mis à jour et notamment de l’excellent état de conservation de l’aqueduc souterrain, ainsi que des parties de murs non touchés par les travaux du propriétaire.

En outre, le délégué du gouvernement soutient que les dimensions exactes de la villa ne pourraient être indiquées avec précision qu’au moment où des fouilles plus approfondies permettraient de dégager l’ensemble de la villa.

En ce qui concerne la demande tendant à voir ordonner une visite des lieux par le tribunal administratif, le délégué du gouvernement précise que le gouvernement ne s’y opposerait pas, en donnant toutefois à considérer que dans la mesure où, après les fouilles de 1995, les vestiges ont été recouverts de terre afin de les protéger, une telle visite des lieux n’aurait pas l’effet escompté, dans la mesure où aucun élément de la villa romaine ne serait dès lors visible.

Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs font contester qu’il existe une quelconque « trace romaine » sur les terres ayant fait l’objet de la décision litigieuse. Pour le surplus, ils souhaitent voir exclure de la mesure sous analyse la parcelle qui longe au sud le hangar et sur laquelle une construction serait en train d’être réalisée, ainsi que la parcelle qui longe le hangar au nord où, là également, il n’y aurait que de l’« argile et du sable ».

Cette appréciation des demandeurs est formellement contestée par le délégué du gouvernement dans son mémoire en duplique, qui se réfère aux plans dressés par les experts archéologiques lors des fouilles suivant lesquels une partie de l’aqueduc souterrain traverserait la partie qui se trouverait actuellement en dessous de la dalle en béton du nouveau hangar qui serait en train d’être construit. En annexe à son mémoire en duplique, le représentant étatique a également versé la copie des procès-verbaux établis au cours de l’enquête pénale menée en 1995 à l’encontre des époux …-… pour violation des obligations leur incombant en vertu de la loi précitée du 18 juillet 1983 et de la loi du 21 mars 1966 concernant les fouilles archéologiques.

L’article 17 de la loi précitée du 18 juillet 1983 dispose que « les immeubles répondant à la définition établie à l’article 1er, alinéa 1er de la même loi précitée de 1983 qui, sans justifier une demande de classement immédiat, présentent cependant un intérêt suffisant pour en rendre désirable la préservation, sont inscrits sur une liste appelée inventaire supplémentaire.

Il en est de même des immeubles définis à l’alinéa 3 de l’article 1er. (…) ».

Sont ainsi visés, plus particulièrement par l’alinéa 1er de l’article 1er précité, applicable en l’espèce, « les immeubles, nus ou bâtis, dont la conservation présente au point de vue archéologique, historique, artistique, esthétique, scientifique, technique ou industriel, un intérêt public, (…) en totalité ou en partie (…) ».

En l’espèce, il ressort d’une manière indubitable des pièces et éléments du dossier, ainsi que des renseignements soumis au tribunal, et non sérieusement contestés par les demandeurs ou contestables, et sans qu’il y ait lieu de procéder à une visite des lieux ou à toute autre mesure d’instruction, que les terrains inscrits à l’inventaire supplémentaire en vertu de l’arrêté ministériel litigieux du 20 février 2002 renferment les vestiges d’une valeur inestimable de l’une des plus importantes villas romaines découvertes au Grand-Duché de Luxembourg. Ainsi, l’importance archéologique et historique des vestiges de la villa romaine est établie à suffisance de droit par l’avis de la commission des sites et monuments nationaux du 26 juillet 2001, ainsi que par les témoignages de personnes interrogées par la brigade de Luxembourg de la gendarmerie grand-ducale dans le cadre d’une instruction pénale menée sur ordre du procureur d’Etat auprès du tribunal d’arrondissement de Luxembourg à l’encontre des époux …-…, et plus particulièrement et surtout par le témoignage fourni par Monsieur Jean KRIER, archéologue travaillant pour compte du musée national d’histoire et d’art, ayant pu assister aux fouilles voire diriger celles-ci, et il s’en dégage que le site où se trouvent les vestiges de la villa romaine mérite une protection appropriée afin d’éviter toute destruction ou atteinte supplémentaires à celles qui ont déjà été commises par Monsieur …. Il se dégage ainsi du témoignage de Monsieur KRIER que la villa, d’un agencement symétrique, s’étendait probablement sur une largeur de 90 mètres et qu’il a pu voir, dans la partie de la villa ayant fait l’objet des fouilles d’urgence au cours de l’année 1995, des murs dans la partie ouest de la villa ayant comporté des fresques colorées.

Enfin, la préservation du site et l’inscription des terrains litigieux sur l’inventaire supplémentaire se justifient encore en raison de la découverte exceptionnelle d’une mosaïque romaine d’une rare beauté, ayant été découverte dans un état de conservation remarquable dont la valeur a été estimée par des experts internationaux à des montants situés entre 14 millions et 26,2 millions d’anciens francs luxembourgeois. La découverte sur le site litigieux d’une telle mosaïque, témoignant de l’importance et de l’envergure de la villa romaine dans laquelle elle était située, rajoute une justification supplémentaire importante de la mesure litigieuse prise par le ministre de la Culture.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le ministre de la Culture a valablement pu se baser sur les éléments ci-avant énoncés pour prendre la décision litigieuse, sans commettre une erreur d’appréciation des faits qui lui furent soumis, de sorte que le recours en annulation est à rejeter pour n’être pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 3 avril 2003, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 14634
Date de la décision : 03/04/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-04-03;14634 ?

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