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02/04/2003 | LUXEMBOURG | N°16193

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 avril 2003, 16193


Tribunal administratif Numéro 16193 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 mars 2003 Audience publique du 2 avril 2003

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16193 du rôle, déposée le 26 mars 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …

à Tunis (Tunisie), de nationalité tunisienne, actuellement placé au Centre de séjour provisoir...

Tribunal administratif Numéro 16193 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 mars 2003 Audience publique du 2 avril 2003

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16193 du rôle, déposée le 26 mars 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Tunis (Tunisie), de nationalité tunisienne, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 19 mars 2003 prolongeant d’un mois une mesure de placement instituée initialement à son égard par décision ministérielle du 18 février 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 mars 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

Il ressort d’un procès-verbal n° 55119 du 18 février 2003 de la police grand-ducale, que Monsieur … fut intercepté le même jour à la gare centrale de Luxembourg, sans être en possession de papiers d’identité et qu’il avait déclaré à cette occasion avoir introduit antérieurement une demande d’asile en Belgique, mais que toutefois ladite demande aurait été rejetée, au motif qu’elle n’aurait pas été introduite dans les délais légaux. Il précisa encore qu’il serait originaire de Tunisie qu’il aurait quittée pour des motifs économiques, et que depuis lors, il aurait voyagé à travers l’Europe. Monsieur … fut ensuite placé par arrêté du ministre de la Justice du 18 février 2003 au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée d’un mois à partir de la notification dudit arrêté dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

1 « Vu le rapport n° 55119 du 18 février 2003 établi par la Police grand-ducale, service groupe gare ;

Considérant que l’intéressé déclare avoir déposé une demande d’asile auprès des autorités belges ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

- qu’une demande de reprise en charge en vertu de la Convention de Dublin du 15 juin 1990 sera adressée aux autorités belges ;

- qu’en attendant l’accord de reprise, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Il ressort encore d’un procès-verbal de la police grand-ducale du 20 février 2003, que le prédit arrêté du ministre de la Justice du 18 février 2003 fut notifié à Monsieur … en date du même jour. Il ressort encore du prédit procès-verbal du 20 février 2003, que Monsieur … aurait introduit une demande d’asile en France, qui aurait été refusée par les autorités françaises à la fin de l’année 2002, et que par la suite, il aurait dû quitter la France.

Par arrêté ministériel du 19 mars 2003, la décision de placement fut prorogée pour une durée d’un mois. Ladite décision de prorogation est fondée sous les considérations et motifs suivants :

« Vu mon arrêté pris en date du 18 février 2003 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant que l’intéressé déclare avoir déposé une demande d’asile auprès des autorités belges ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

- qu’une demande de reprise en charge en vertu de la Convention de Dublin du 15 juin 1990 a été adressée aux autorités françaises à plusieurs reprises ;

- qu’en attendant l’accord de reprise, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 26 mars 2003 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 19 mars 2003.

2 Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse du 19 mars 2003. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le demandeur soulève d’abord un moyen d’annulation tiré de ce que la décision ministérielle de prorogation du 19 mars 2003 sous analyse a été prise et notifiée « en dehors du délai légal », dans la mesure où elle aurait été prise à une date postérieure à la date d’expiration de la mesure initiale de placement du 18 février 2003.

Le délégué du gouvernement n’a pas pris position par rapport à ce moyen dans son mémoire en réponse et, au cours des plaidoiries, et sur question afférente du tribunal, il s’est rapporté à la sagesse du tribunal quant à la question de savoir si la mesure de prorogation a été prise en temps utile.

En vertu de l’article 15, paragraphe (2) de la loi précitée du 28 mars 1972 « la décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre de la Justice à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

Il suit de la disposition légale qui précède que la mesure de reconduction de la décision de placement initiale doit nécessairement avoir été décidée avant l’expiration de la mesure de placement initiale (cf. trib. adm. 4 avril 2001, n° 13126, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 204).

En effet, une mesure de reconduction ne peut être prise qu’à une date à laquelle la mesure initiale sort encore ses effets, étant donné qu’au cas contraire, il s’agirait non pas d’une mesure de reconduction ou de prorogation d’une mesure de placement initiale, mais d’une nouvelle mesure de placement devant se justifier dans ce cas par des circonstances de fait autres que celles se trouvant à la base de la mesure de placement initiale.

En l’espèce, il ressort clairement des pièces et éléments du dossier que par la décision déférée du 19 mars 2003, le ministre de la Justice a entendu proroger d’un mois la mesure de placement initiale du 18 février 2003. Or, du fait que conformément au paragraphe (1) de l’article 15 précité, la mesure de placement initiale ne peut sortir ses effets que pour une durée d’un mois et comme en l’espèce, du fait d’avoir été notifiée, suivant le procès-verbal précité du 20 février 2003, en date du 18 février 2003, la mesure de placement initiale portant la même date a fini de sortir ses effets le 18 mars 2003 à minuit, de sorte que la mesure de prorogation prise en date du 19 mars 2003 a été prise à une date à laquelle la mesure de placement initiale ne sortait plus ses effets. Il s’ensuit que la décision sous analyse du 19 mars 2003 encourt l’annulation entraînant que Monsieur … se trouve faire l’objet d’un placement au Centre de séjour provisoire en vertu d’une décision illégale, auquel le tribunal est amené à mettre fin en ordonnant sa libération immédiate, sans qu’il y ait lieu de prendre position par rapport aux autres moyens et arguments développés par les parties à l’instance.

Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure de 2000 € formulée par le délégué du 3gouvernement dans son mémoire en réponse, qui, même si elle a été formulée erronément sur base de l’article 240 du nouveau code de procédure civile, se trouve en réalité basée sur l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit le recours en réformation la forme ;

au fond, par réformation, annule la décision litigieuse du 19 mars 2003 ayant eu pour objet de proroger la mesure de placement initiale du 18 février 2003 ;

ordonne la libération immédiate de Monsieur … du Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure telle que sollicitée par le délégué du gouvernement ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 2 avril 2003 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16193
Date de la décision : 02/04/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-04-02;16193 ?

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