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02/04/2003 | LUXEMBOURG | N°16126

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 avril 2003, 16126


Tribunal administratif N° 16126 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 mars 2003 Audience publique du 2 avril 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16126 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 mars 2003 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, nÃ

© le … à Jajici (Bosnie), de nationalité bosniaque, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformatio...

Tribunal administratif N° 16126 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 mars 2003 Audience publique du 2 avril 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16126 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 mars 2003 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le … à Jajici (Bosnie), de nationalité bosniaque, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 13 février 2003, notifiée par lettre recommandée le 17 février 2003, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 mars 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-

Paul REITER en ses plaidoiries.

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En date du 18 décembre 2002, M. … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

M. … fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut en outre entendu le 7 janvier 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 13 février 2003, notifiée par lettre recommandée le 17 février 2003, le ministre de la Justice l’informa que sa demande a été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’elle ne répondrait à aucun des critères de fond tels que définis par l’article 1er, section A.2 de la Convention de Genève. Le ministre a en effet retenu que M. … se limitait à exprimer un vague sentiment général d’insécurité, c’est-à-dire qu’il ne ferait pas état de persécutions subies, mais uniquement de provocations, qui ne sauraient manifestement pas justifier son admission au statut de réfugié.

Par requête déposée le 13 mars 2003, M. … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision précitée du ministre de la Justice du 13 février 2003.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le fait que l’avocat constitué pour un demandeur n’est ni présent, ni représenté à l’audience de plaidoiries, est indifférent. Comme le demandeur a pris position par écrit par le fait de déposer sa requête introductive d’instance, le jugement est réputé contradictoire entre parties.

Etant donné que l’article 10 (3) de la loi précitée du 3 avril 1996 dispose expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation formulée à titre principal à travers la requête sous analyse.

Le recours en annulation introduit à titre subsidiaire est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur soulève en premier lieu un moyen d’annulation tiré de ce que ses droits de la défense auraient été lésés, au motif que la décision querellée « ne mentionne pas la présence d’un traducteur qui aurait traduit le contenu de ladite décision au requérant » et qu’ainsi, il serait en droit d’exiger d’être réentendu par les « différentes institutions compétentes ».

Ce moyen laisse cependant d’être fondé, étant donné qu’aucune disposition légale exige que les décisions de refus d’admission au statut de réfugié doivent être notifiées en mains propres aux intéressés et en présence d’un interprète. - Dans ce contexte, au regard d’une possibilité de notification par voie postale, le délégué du gouvernement questionne non sans pertinence comment le demandeur conçoit la conciliation de pareille modalité de notification avec la présence d’un traducteur.

Il convient encore d’ajouter que, comme la décision a été libellée en français, c’est-à-

dire dans l’une des trois langues administratives du pays, et qu’aucune disposition légale exige en la matière que les décisions doivent être libellées dans une autre langue, elle n’est pas non plus critiquable sous ce rapport.

En second lieu, le demandeur soutient, sans cependant faire état de la moindre considération factuelle, qu’il remplirait les conditions pour être admis au statut de réfugié.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial ou sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas. adm. 2002, v° Etrangers, n° 93 et autres références y citées ; trib.

adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2002, v° Etrangers, n° 91 et autres références y citées).

Par ailleurs, il ne suffit pas qu’un demandeur d’asile invoque un ou des motifs tombant sous le champ d’application de la Convention de Genève, il faut encore que les faits invoqués à la base de ces motifs ne soient pas manifestement incrédibles ou, eu égard aux pièces et renseignements fournis, manifestement dénués de fondement. Ainsi, il ne suffit pas d’invoquer une crainte de persécution pour un des motifs prévus par la Convention de Genève, il faut encore que le demandeur d’asile soumette aux autorités compétentes des éléments suffisamment précis permettant à celles-ci d’apprécier la réalité de cette crainte.

L’absence de production de tels éléments a pour conséquence que la demande d’asile doit être déclarée manifestement infondée.

En l’espèce, au regard des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile, tels qu’ils se dégagent du rapport d’audition susvisé du 7 janvier 2003, auxquels, à défaut d’autres considérations apportées dans le cadre du recours contentieux, le tribunal peut seul avoir égard, force est de constater que le demandeur n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance. - En effet, il appert à l’examen du compte-rendu de son audition tel qu’il figure au dossier, que le demandeur a en substance exprimé des craintes vagues et générales à l’encontre de la population serbe de son pays de provenance, mais il n’a pas apporté le moindre élément concret et individuel de persécution au sens de la Convention de Genève ni n’a-t-il précisé en quoi sa situation particulière ait été telle qu’il pouvait avec raison craindre qu’il risquerait de faire l’objet de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Il s’ensuit que la demande d’asile sous examen ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a rejeté la demande d’asile du demandeur comme étant manifestement infondée et que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 2 avril 2003, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16126
Date de la décision : 02/04/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-04-02;16126 ?

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