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02/04/2003 | LUXEMBOURG | N°15687

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 avril 2003, 15687


Tribunal administratif N° 15687 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 décembre 2002 Audience publique du 2 avril 2003 Recours formé par Monsieur …, …, contre un arrêté du ministre des Transports en matière de permis de conduire

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15687 du rôle et déposée le 3 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Gülcan DOYDUK, avocat à la Cour, assistée de Maître Stéphanie HURBAIN, avocat, toutes les deux inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, dem

eurant à L-…, actuellement incarcéré au Centre pénitentiaire de Schrassig, boîte postale...

Tribunal administratif N° 15687 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 décembre 2002 Audience publique du 2 avril 2003 Recours formé par Monsieur …, …, contre un arrêté du ministre des Transports en matière de permis de conduire

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15687 du rôle et déposée le 3 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Gülcan DOYDUK, avocat à la Cour, assistée de Maître Stéphanie HURBAIN, avocat, toutes les deux inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, actuellement incarcéré au Centre pénitentiaire de Schrassig, boîte postale 35, L-5201 Sandweiler, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Transports du 4 mars 2002 lui retirant le permis de conduire un véhicule automoteur et un cyclomoteur, ainsi que ses permis de conduire internationaux correspondants et lui refusant un permis de conduire de la catégorie B ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 26 mars 2003.

Le 21 février 2001, Monsieur …, demeurant à cette époque à L-…, introduisit auprès du ministre des Transports, dénommé ci-après « le ministre », une demande en obtention d’un permis de conduire de la catégorie B.

Le ministre saisit le Procureur général d’Etat pour que ce dernier, conformément à l’article 90, alinéa 1er de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, lui fasse parvenir un avis au sujet de cette demande et le cas échéant sur le retrait administratif éventuel des permis de conduire.

Monsieur … fut convoqué les 9 novembre 2001 et 14 janvier 2002 pour être entendu dans ses explications et moyens de défense par la commission spéciale des permis de conduire prévue à l’article 90 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955, désignée ci-après par la « commission spéciale ».

Depuis le 3 juin 2001, Monsieur … s’est trouvé incarcéré au Centre pénitentiaire de Schrassig.

Le 4 mars 2002, le ministre prit la décision énoncée de la façon suivante :

« Le ministre des Transports Vu les articles 2 et 13 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques ;

Vu l’article 90 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques ;

Considérant que Monsieur …, né le … et demeurant à L-…, a à plusieurs reprises enfreint les règles de la circulation routière ;

Vu la demande en obtention d’un permis de conduire de la catégorie B présentée par l’intéressé le 21 février 2001 ;

Vu l’avis du 9 mai 2001 de Monsieur le Procureur Général d’Etat ;

Considérant que l’intéressé a été convoqué les 9 novembre 2001 et 14 janvier 2002 pour être entendu dans ses explications et moyens de défense par la Commission spéciale prévue à l’article 90 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 précité, convocations auxquelles il n’a pas donné suite ;

Considérant que l’intéressé est ainsi censé avoir renoncé à faire valoir ses explications et moyens de défense et qu’il y a lieu de statuer par défaut ;

Vu l’avis du 14 janvier 2002 de la Commission spéciale précitée ;

Considérant que Monsieur … est dépourvu du sens des responsabilités requis dans l’intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d’un véhicule ;

Arrête :

Art.1er. – Le permis de conduire un véhicule automoteur et un cyclomoteur, délivré au susnommé, est retiré. Sont en outre retirés les permis de conduire internationaux délivrés à l’intéressé sur le vu du susdit permis national. La demande en obtention d’un permis de conduire de la catégorie B est refusée… » Par courrier de son mandataire du 3 juin 2002, Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 4 mars 2002. Celui-ci n’ayant pas fait l’objet d’une décision du ministre dans les trois mois qui s’en suivirent, Monsieur … a fait déposer un recours en réformation, sinon en annulation contre la décision ministérielle de refus du 4 mars 2002 par requête datant du 3 décembre 2002.

La loi ne prévoyant pas un recours en réformation dans la présente matière, le juge administratif est amené à se déclarer incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal.

Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, Monsieur … fait valoir en premier lieu qu’étant incarcéré depuis le 3 juin 2001 au Centre pénitentiaire de Schrassig, il n’aurait jamais réceptionné les deux convocations des 9 novembre 2001 et 14 janvier 2002. Ces deux convocations lui auraient en effet été adressées en effet à son ancienne adresse à …, de sorte qu’il n’aurait pas pu être entendu en ses explications. Il expose en plus qu’il n’aurait pas pu obtenir communication de son dossier et qu’il n’aurait pas pu faire usage de son droit de se faire assister d’un avocat, de sorte que la décision serait viciée à cause de la violation des formalités touchant directement aux droits fondamentaux de l’homme. Il estime en outre que la décision entreprise du 4 mars 2002 n’aurait pas été prise en conformité avec l’article 90 du règlement grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 en ce qu’elle a retenu qu’il n’a pas donné suite aux différentes convocations et que l’intéressé est ainsi censé avoir renoncé à faire valoir ses explications et moyens de défense. Il ajoute qu’il aurait appartenu au ministre de prouver qu’il aurait été touché par les deux convocations.

En deuxième lieu, il reproche à la décision entreprise un défaut de motivation, alors que le ministre n’aurait pas indiqué les circonstances de fait et de droit sur lesquelles il a entendu se baser pour lui retirer son permis de conduire et lui refuser l’obtention du permis de catégorie B.

Malgré le fait que l’Etat se soit vu signifier le recours, il n’a pas comparu, ne faisant déposer aucun mémoire dans le délai légal, de sorte que conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le tribunal est amené à statuer à l’égard de toutes les parties par un jugement ayant les effets d’une décision contradictoire.

Il y a lieu de considérer comme établi, à défaut de contestations y relatives, que Monsieur … est incarcéré au Centre pénitentiaire de Schrassig depuis le 3 juin 2001.

Il est dès lors également tenu comme établi que Monsieur … était incarcéré les 9 novembre 2001 et 14 janvier 2002, c’est-à-dire aux dates respectives d’emission des deux lettres de convocation.

Au vu des propres affirmations de Monsieur … y relatives, il y a lieu de retenir que les deux lettres de convocation ont été adressées au domicile privé du demandeur, à savoir à L-

….

C’est donc à tort que Monsieur … soutient qu’il aurait appartenu au ministre de prouver que les deux convocations lui auraient été remises, alors que lesdites convocations lui ont été envoyées à son adresse à laquelle il est domicilié. Il aurait appartenu à Monsieur … de s’organiser de telle façon que, pendant son absence, son courrier lui soit transmis, la carence de cette démarche ne pouvant être mise à charge de l’administration.

Il appartient au juge saisi d’un recours en annulation de vérifier si la décision lui soumise, au-delà de la conclusion faite ci-avant, n’est pas entachée de nullité pour violation des formes destinées à protéger les intérêts privés.

L’article 90 du règlement grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 précité applicable en l’espèce, dispose : « Les mesures administratives à prendre à l’égard de requérants ou de titulaires de permis de conduire… exigent un avis motivé de la commission spéciale des permis de conduire.

Cette commission est instituée par le ministre des Transports ; elle est composée pour chaque affaire de trois membres et elle a pour mission d’instruire le dossier, d’entendre l’intéressé dans ses explications et moyens de défense, de dresser un procès-verbal et d’émettre un avis motivé pris à la majorité des voix.

A ce fins, le ministre des Transports adresse quinze jours au moins avant la séance de la commission une convocation par lettre recommandée à l’intéressé, l’invitant à s’y présenter soit seul, soit assisté par un avocat.

Si l’intéressé ne comparaît pas devant la commission spéciale malgré deux convocations par lettre recommandée, la procédure déterminée ci-dessus est faite par défaut.

Le ministre des Transports prend sa décision sur le vu de l’avis motivé de la commission spéciale ».

En ce qui concerne les formalités administratives ayant précédé la décision, il appartient à l’administration d’établir si, quand et comment elles ont été accomplies.

Même en retenant que les deux convocations ont été valablement adressées au demandeur, le tribunal, en l’absence d’un dossier et d’une quelconque pièce versés en cause, est mis dans l’impossibilité de vérifier si les formalités prescrites par l’article 90 cité ci-avant, ont été respectées.

Ainsi il ne peut être vérifié si les lettres ont été notifiées par recommandé, si les délais de convocations ont été respectés et si Monsieur … a été averti de son droit de se faire assister par un avocat.

La régularité formelle de la procédure ayant précédé la décision du 4 mars 2002 n’étant pas établie en espèce, ce défaut étant de nature à entraîner la nullité de la décision déférée.

Nonobstant le fait que Monsieur … n’était représenté à l’audience publique à laquelle l’affaire avait été fixée pour les débats oraux, l’affaire est jugée contradictoirement à l’égard de la partie demanderesse, la procédure étant essentiellement écrite devant les juridictions administratives.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare justifié ;

partant annule la décision ministérielle du 4 mars 2002 et renvoie l’affaire devant le ministre des Transports ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 avril 2003 par :

M. Delaporte, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. SCHMIT s. DELAPORTE 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15687
Date de la décision : 02/04/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-04-02;15687 ?

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