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02/04/2003 | LUXEMBOURG | N°15427

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 avril 2003, 15427


Tribunal administratif N° 15427 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 octobre 2002 Audience publique du 2 avril 2003

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Recours formé par Madame …, … contre une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15427 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 octobre 2002 par Maître C

laude DERBAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mad...

Tribunal administratif N° 15427 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 octobre 2002 Audience publique du 2 avril 2003

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Recours formé par Madame …, … contre une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15427 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 octobre 2002 par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le…, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi le 13 mars 2002, portant refus d’une autorisation de séjour dans son chef ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Claude DERBAL en sa plaidoirie à l’audience publique du 29 janvier 2003.

Madame …, atteinte d’une surdité profonde loi bilatérale, réside au Grand-

Duché de Luxembourg auprès de ses parents et d’autres membres de sa famille. Ayant introduit une demande de régularisation dans le cadre de la compagne dite de « régularisation » des étrangers en situation irrégulière sur le territoire s’étant étendue du 15 mai au 13 juillet 2001, elle s’est vue adresser par courrier datant du 13 mars 2002 une décision signée par le ministre de la Justice d’une part et le ministre du Travail et de l’Emploi d’autre part par laquelle l’autorisation de séjour lui a été refusée au motif que « selon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis permettant à l’étranger de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

Comme vous ne remplissez pas cette condition, une autorisation de séjour ne saurait vous être délivrée. Par ailleurs, le dossier tel qu’il a été soumis au service commun ne permet pas au Gouvernement de vous accorder la faveur d’une autorisation de séjour.» Par la même décision, elle fut invitée à quitter le Luxembourg endéans un délai d’un mois.

Le recours gracieux introduit par Madame … par courrier de son mandataire datant du 30 mai 2002 à l’encontre de la décision ministérielle prévisée s’étant soldée par une décision confirmative émanant des deux ministres signataires de la décision initiale prise en date du 1er juillet 2002, Madame … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision prévisée du 13 mars 2002 par requête déposée le 4 octobre 2002.

Encore que la demanderesse soutient que la décision litigieuse véhiculerait à la fois le refus de délivrance d’un permis de travail et d’une autorisation de séjour pour émaner des ministres respectivement compétents à cet égard, force est de constater au vu des pièces versées au dossier et plus particulièrement du libellé même de la décision litigieuse que celle-ci ne comporte aucun élément permettant de retenir qu’elle aurait pour objet le refus de délivrance d’un permis de travail, ladite décision se référant au contraire expressément à l’examen « de la demande en obtention d’une autorisation de séjour » que la demanderesse avait déposé en date du 12 juillet 2001 auprès du service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, de sorte que la seule apposition de la signature du ministre du Travail et de l’Emploi à côté de celle du ministre compétent en la matière directement visée par ladite décision, en l’occurrence le ministre de la Justice, ne saurait suffire pour étendre son objet au-delà de celui-ci y expressément renseigné.

Dans la mesure où ni la loi prévisée du 28 mars 1972, ni aucune autre disposition légale, n’instaure un recours au fond en matière de refus d’autorisation de séjour, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, la demanderesse a fait préciser lors des plaidoiries que sa demande à la base de la décision litigieuse avait pour objet non pas une régularisation par le travail, mais par le regroupement familial visé par la catégorie F de la brochure.

Elle expose ensuite qu’à travers la procédure dite de régularisation le Gouvernement aurait entendu, à titre exceptionnel, délivrer des autorisations de travail et de séjour en s’écartant des modalités appliquées normalement sur base de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, de sorte que la motivation à la base de la décision litigieuse serait inexacte, faute de se mouvoir dans le cadre des critères établis par la brochure dite de régularisation. Elle fait exposer plus particulièrement à cet égard qu’en tout état de cause, l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée énumérerait les seuls cas de figure dans lesquels une autorisation de séjour peut être refusée à l’étranger, sans disposer que dans ces cas l’autorisation de séjour devrait nécessairement être refusée, de manière à définir en réalité, par raisonnement a contrario, les hypothèses dans lesquelles le ministre de la Justice ne pourrait pas refuser l’autorisation, étant entendu que la disposition légale ainsi invoquée ne signifierait pas pour autant que le ministre ne puisse pas également délivrer une autorisation de séjour dans le cas où il aurait, en principe, la faculté de prononcer un refus. Estimant que ce serait dans l’optique du pouvoir discrétionnaire dont se trouverait investi le ministre de la Justice en la matière, en étant légalement habilité à délivrer une autorisation de séjour hors les conditions posées par l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, qu’il se serait fixé, à travers la procédure dite de régularisation et les critères publiquement annoncés à cet égard, de ne pas refuser une autorisation de séjour à un étranger se trouvant dans l’une des sept situations administratives reprises dans la brochure qu’il a diffusée.

Se prévalant des principes de confiance légitime et de sécurité juridique, ainsi que d’égalité de traitement des administrés, dictant que l’administration devrait se tenir aux règles qu’elle s’est elle-même fixées, la demanderesse, estimant remplir les critères énoncés pour la catégorie F précitée, conclut partant à l’annulation de la décision litigieuse.

Encore que l’Etat, qui s’est vu notifier le recours sous examen par la voie du greffe en date du 4 octobre 2002, n’a pas déposé de mémoire en réponse dans le délai légal, le tribunal est amené à statuer à l’égard de toutes les parties par application des dispositions de l’article 6 de la loi du 21 juin 1999 relative à la procédure à suivre devant les juridictions administratives.

Il y a lieu d’admettre à partir des indices concordants se dégageant du dossier tel que soumis au tribunal que la demande à la base de la décision ministérielle litigieuse avait pour objet la régularisation de la situation de la demanderesse sur base des critères énoncés dans la brochure dite de régularisation versé en copie au dossier, prise plus particulièrement sous la catégorie F visant « la personne âgée de 18 ans et plus, qui réside au Luxembourg depuis le 1er janvier 2000 au moins et qui est l’enfant d’une personne détentrice d’une carte d’identité d’étranger » .

Force est cependant de constater qu’il ne résulte d’aucun élément de la décision ministérielle déférée que cette demande a été examinée sur base des conditions de régularisation publiées dans la brochure « régularisation » éditée par les ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice, ainsi que de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, voire à la lumière des dispositions de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme eu égard à l’infirmité de la demanderesse et de la dépendance par rapport à ses parents s’en dégageant, mais qu’elle indique uniquement que l’autorisation de séjour sollicitée est refusée pour un des motifs prévus à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, à savoir le défaut de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de séjour au Luxembourg.

Or, comme ledit article 2 se limite à énoncer un motif de refus facultatif, de manière à opérer uniquement une restriction au niveau des possibilités accordées au ministre de la Justice pour refuser une autorisation de séjour, sans pour autant se prononcer sur l’étendue du pouvoir du ministre de la Justice en matière d’octroi d’une autorisation de séjour, le ministre de la Justice, en ce qu’il a participé à l’élaboration de certaines lignes de conduite destinées à préciser le contenu du cadre légal tracé en matière d’octroi d’une autorisation de séjour pendant une durée déterminée à l’avance à travers les critères publiquement énoncés dans la brochure dite de régularisation, n’a pas motivé à suffisance de droit et de fait la décision litigieuse par la seule référence à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, faute de préciser les raisons l’ayant amené à ne pas appliquer dans son chef les critères de régularisation publiquement annoncés (cf. Cour adm. 12.11.2002, n° 15102C du rôle, et 25.3.2003, n° 15902C du rôle, non encore publiés).

La motivation à la base de la décision litigieuse n’ayant pas été utilement complétée en cours d’instance contentieuse, il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent que la décision ministérielle déférée encourt l’annulation pour défaut de motivation valable.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit justifié ;

partant annule la décision déférée du ministre de la Justice du 13 mars 2002 telle que confirmée en date du 1er juillet 2002 et lui renvoie le dossier en prosécution de cause ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 avril 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15427
Date de la décision : 02/04/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-04-02;15427 ?

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