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02/04/2003 | LUXEMBOURG | N°15003

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 avril 2003, 15003


Numéro 15003 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 juin 2002 Audience publique du 2 avril 2003 Recours formé par Monsieur …, … (N) contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15003 du rôle, déposée le 10 juin 2002 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, employé privé, dem

eurant à N-… (Norvège), tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du dir...

Numéro 15003 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 juin 2002 Audience publique du 2 avril 2003 Recours formé par Monsieur …, … (N) contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15003 du rôle, déposée le 10 juin 2002 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, employé privé, demeurant à N-… (Norvège), tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 6 mars 2002 portant rejet de sa réclamation introduite le 28 décembre 1993 contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des personnes physiques de l’année 1991, émis le 16 décembre 1993 par le bureau d’imposition Luxembourg 2;

Vu le courrier de Maître Marc SEIMETZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, du 2 octobre 2002 informant le tribunal de sa constitution d’avocat pour Monsieur …;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 novembre 2002;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 décembre 2002 par Maître Marc SEIMETZ pour compte de Monsieur …;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Claude FEYEREISEN, en remplacement de Maître Marc SEIMETZ, et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-

Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 janvier 2003.

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Le 16 décembre 1993, le bureau d’imposition Luxembourg 2 de la section personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes émit à l’encontre de Monsieur …, préqualifié, ayant demeuré à l’époque à L-…, un bulletin de l’impôt sur le revenu des personnes physiques pour l’année 1991 portant notamment application à son égard du barème de la classe d’impôt I.

Par courrier recommandé du 23 décembre 1993, parvenu au bureau d’imposition Luxembourg 2 le 28 décembre 1993, Monsieur … introduisit une réclamation à l’encontre du prédit bulletin d’impôt en revendiquant notamment le bénéfice de la classe d’impôt II au vu de l’absence de changement de sa situation familiale par rapport à l’année 1990.

Le directeur rejeta cette réclamation par décision du 6 mars 2002 motivée comme suit :

« Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit dans les formes et délai de la loi, qu’elle est partant recevable ;

Considérant, néanmoins, que la réclamation pèche par l’usage d’une langue non officielle au Grand-Duché ;

Considérant que le réclamant fait grief au bureau d’imposition de lui avoir refusé la classe d’impôt 2 ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, la loi d’impôt étant d’ordre public ;

qu’à cet égard le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-

fondé, qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant, qu’aux termes de l’article 4, alinéa 1er, et alinéa 2, de la convention entre le Grand-Duché de Luxembourg et le Royaume de Norvège tendant à éviter les doubles impositions, le domicile fiscale du réclamant se trouvait en 1991 au Luxembourg, tandis que son épouse était résidente de Norvège ;

Considérant que l’article 3 de la loi concernant l’impôt sur le revenu n’accordait en l’année litigieuse de 1991 la classe d’impôt 2 qu’aux époux qui étaient – chacun – contribuable résident ;

Considérant donc que c’est de bon droit que le bureau d’imposition a refusé l’octroi de la classe d’impôt 2 en 1991 ;

Considérant que pour le surplus, l’imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n’est d’ailleurs pas contestée ;

Par ces motifs, reçoit la réclamation en la forme, la rejette comme non fondée ».

A l’encontre de cette décision directoriale de rejet, Monsieur … a introduit un recours contentieux par requête déposée le 10 juin 2002, étant précisé qu’il ressort du dispositif du mémoire en réplique que ce recours tend principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision directoriale prévisée.

Au vœu des dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts, communément appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé contre une décision du directeur statuant sur une réclamation portée devant lui contre un bulletin de l'impôt sur le revenu des collectivités. Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit.

Le délégué du Gouvernement a énoncé dans son mémoire qu’ « en bon droit la réclamation aurait dû être déclarée irrecevable faute d’être rédigée dans l’une des trois langues officielles du Grand-Duché » au vu de la rédaction de la réclamation de Monsieur … du 23 décembre 1993 en langue anglaise. Force est au tribunal de constater que le directeur a statué sur cette réclamation par sa décision déférée du 6 mars 2002, rédigée en langue française, à travers laquelle il a retenu que la réclamation a été introduite dans les formes et délai de la loi, et qu’il n’a en aucune manière fait état d’une impossibilité de compréhension de ladite réclamation du fait de sa rédaction en langue anglaise. Dans la mesure où en outre ni la loi du 24 février 1984 sur le régime des langues, ni aucune autre disposition légale ne sanctionne d’irrecevabilité une requête adressée à l’administration dans une langue autre que les trois langues officielles du Grand-Duché de Luxembourg, ce moyen du représentant étatique est à écarter.

Le recours en réformation est dès lors recevable pour avoir été déposé dans les formes et délai de la loi.

Le tribunal n’étant pas tenu de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l’intérêt de l’administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, pouvant les traiter suivant un ordre différent (trib. adm. 21 novembre 2001, n° 12921, Pas. adm.

2002, v° Procédure contentieuse, n° 134), il y a lieu d’examiner d’abord le moyen visant la régularité externe de la procédure d’imposition et tenant au défaut de collaboration de l’administration.

Quant au moyen tiré de l’obligation de collaboration de l’administration A cet égard, le demandeur reproche à l’administration des Contributions directes « de n’avoir pas servi le droit de l’administré d’être informé, avant la prise de décision, des éléments du dossier administratif, c’est-à-dire le droit d’accès aux éléments susceptibles d’être pris en considération par l’autorité administrative lorsqu’elle prendra sa décision ».

Il fait valoir plus particulièrement que les autorités fiscales luxembourgeoises auraient été au courant du fait que son épouse n’était pas enregistrée au Luxembourg depuis l’année 1989, mais qu’elles auraient émis des fiches de retenue d’impôt pour les années 1991 à 1993 renseignant dans son chef la classe II et qu’il n’aurait été informé sur les motifs de refus d’application de la classe d’impôt II à son imposition par voie d’assiette qu’à travers la décision directoriale déférée du 6 mars 2002. Il estime que cette attitude de l’administration constituerait un manquement à son obligation de coopération durant la phase d’instruction de son dossier fiscal qui l’aurait induit en erreur sur sa véritable situation juridique, puisqu’il aurait été amené à croire que sa situation juridique était en concordance avec sa situation familiale réelle. Il fait encore valoir que l’administration des Contributions directes aurait contrevenu aux paragraphes 211 alinéa 2 et 256 AO en ce qu’elle ne l’aurait jamais informé, ni dans le bulletin d’impôt du 16 décembre 1993, ni postérieurement sur les motifs à la base de l’application de la classe d’impôt II pour ne lui communiquer le fondement de cette imposition que par le biais de la décision directoriale déférée, le privant de la sorte de la faculté de développer ses moyens relatifs au domicile fiscal de sa famille dans le cadre de sa réclamation devant le directeur.

Il y a lieu de rappeler tout d’abord que la réglementation relative à la retenue d’impôt sur les salaires est sans incidence sur la cote définitive à établir par voie d’assiette et que la retenue à la source n’est qu’une modalité de recouvrement de l’impôt, entraînant que la fiche de retenue d’impôt, y compris la classe d’impôt y inscrite et appliquée dans le cadre des retenues mensuelles sur les salaires, constitue non seulement une décision par essence provisoire et différente du bulletin d’impôt, mais ne saurait encore en aucune façon lier l’administration dans l’établissement du bulletin d’impôt sur le revenu (trib. adm. 23 décembre 1997, n° 9611, Pas. adm. 2002, v° Impôts, n° 146). Le bureau d’imposition ne saurait en conséquence se voir reprocher d’avoir rangé le demandeur, dans le cadre de son imposition par voie d’assiette pour l’année 1991, dans une classe d’impôt autre que celle inscrite sur sa fiche de retenue d’impôt pour la même année et de ne pas l’avoir informé au préalable de son intention afférente.

Concernant le non-respect allégué des paragraphes 211 (2) 4. et 256 AO, le demandeur reste en défaut de démontrer à la fois qu’il aurait indiqué dans le formulaire de déclaration être rangé dans la classe d’impôt II, qu’il aurait soumis au bureau d’imposition, au-delà des indications à fournir sur le formulaire de déclaration d’impôt, des éléments de fait concrets tendant à établir l’existence d’un séjour habituel de son épouse au Luxembourg au cours de l’année 1991 et que le bureau d’imposition aurait fait usage de documents non communiqués pour lui appliquer la classe d’impôt I. A défaut dès lors de preuve par le demandeur du contenu de ses déclarations au bureau d’imposition, il ne saurait reprocher à ce dernier de s’en être écarté dans le cadre de son imposition.

Il s’y ajoute qu’à travers son argumentation, le demandeur entend voir rattacher l’existence d’un séjour habituel dans le chef de son épouse essentiellement à l’existence d’une déclaration de résidence au pays. Or, tout comme le certificat de changement de résidence délivré par la commune, un certificat de déclaration de résidence constitue un indice quant à l’existence d’une résidence, mais il ne saurait suffire à lui seul comme moyen de preuve, dans la mesure où ledit certificat est délivré à la demande de tout intéressé et sans possibilité de vérification de la part de la commune au moment de son établissement quant à la véracité des indications fournies (cf. trib. adm. 28 juin 2001, n° 12548, confirmé par arrêt du 18 décembre 2001, n° 13814C, Pas. adm. 2002, v° Impôts, n° 21). Il s’ensuit qu’une indication par le bureau d’imposition quant à l’opportunité de procéder à la déclaration de résidence au Luxembourg dans le chef de Madame … n’aurait de toute façon pas pu en tant que telle permettre à cette dernière, après l’accomplissement de cette formalité, de devenir contribuable, alors que le séjour habituel au pays est par essence fonction de la fréquence des séjours effectifs du contribuable concerné et de son intention sousjacente, éléments de fait sur lesquels un bureau d’imposition ne saurait avoir une quelconque emprise. Enfin, il échet de relever que le demandeur a lui-même déclaré, avant l’émission du bulletin d’impôt en cause du 16 décembre 1993, dans un courrier du 27 février 1993 à l’adresse du bureau d’imposition que « I am married but my wife never moved to Luxembourg. She is living at our house in …, some 150 kilometers north of Oslo, Norvay » et que « I have some 6 air-

travels a year which I pay for myself (either I am going to Norway or my wife is going to Luxembourg). In addition I have 2 or 3 travels by car per year, one of which with the ferry between Kiel and Oslo ». Ayant lui-même admis l’absence de séjour effectif de son épouse au Luxembourg, le demandeur est mal venu de reprocher au bureau d’imposition ou au directeur un défaut de collaboration concernant le statut de son épouse.

Il s’ensuit que le moyen y relatif du demandeur est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Quant au moyen relatif à la classe d’impôt A l’appui de son recours, le demandeur expose qu’il aurait été depuis 1958 employé du groupe bancaire …, en abrégé « … », qu’il aurait déménagé avec son épouse vers Singapour pour occuper auprès de … Singapore un poste de trois ans avec une prolongation possible de deux années supplémentaires, mais que son poste aurait été supprimé fin 1987 suite à la crise financière du moment et qu’il serait alors retourné au Luxembourg jusqu’au 31 décembre 1988 sur demande de son employeur, tandis que son épouse serait restée à Singapour avec sa fille … pour permettre à celle-ci de terminer son année scolaire et pour retourner ensuite directement en Norvège le 29 mai 1988 sans s’inscrire auprès du bureau des étrangers au Luxembourg. Il déclare avoir d’abord occupé au Luxembourg le poste de consultant administratif sur les crédits et le Trade Finance et à partir du 16 décembre 1988 celui de responsable du département Trade Finance, cette position ayant été sans durée déterminée et ayant impliqué de nombreux voyages professionnels vers l’étranger. Le demandeur relève que son permis de travail luxembourgeois fut prolongé du 31 décembre 1988 au 19 janvier 1990, puis jusqu’au 8 février 1994. Suite à la fin des activités du département Trade Finance et du transfert du portefeuille des crédits sous sa responsabilité vers l’étranger, Monsieur … déclare être parti du Grand-Duché le 11 février 1994.

Concernant son épouse, Monsieur … fait valoir qu’il ne l’aurait certes pas fait enregistrer sur le registre de la population en 1988 parce qu’une telle démarche ne lui aurait pas paru nécessaire, mais que cette circonstance n’impliquerait pas qu’elle n’ait pas résidé au Grand-Duché pendant de longues périodes en tenant compte de la nécessité de s’adapter aux nombreux voyages professionnels de sa part et d’assurer ses obligations familiales envers sa jeune fille restée en Norvège. Le demandeur fait valoir qu’il aurait inclus son épouse dans sa déclaration de domicile lors de son déménagement vers la rue … à L-… en 1992 et lors de sa déclaration de départ en février 1994, pour conclure que, dans la mesure où le fait de ne pas avoir enregistré son épouse en 1988 ne lui aurait procuré aucun avantage, sa bonne foi ne saurait être mise en doute et qu’il n’aurait simplement pas été au courant des implications fiscales de sa situation.

Quant à la décision directoriale déférée du 6 mars 2002 et plus particulièrement à la classe d’impôt I lui appliquée à travers le bulletin d’impôt prévisé du 16 décembre 1993 et ladite décision, le demandeur précise d’abord que sa situation familiale serait restée identique de 1988 à 1993 et que son épouse n’aurait touché ni salaires ni d’autres revenus au cours de l’année 1991. Il soutient ensuite principalement que l’article 3 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », en ce que, dans sa teneur applicable à l’année d’imposition litigieuse, il réserverait l’imposition collective aux époux qui sont, au début de l’année d’imposition, tous les deux contribuables résidents et refuserait ainsi la même imposition collective à un travailleur résident au Luxembourg, où il perçoit la quasi-totalité des revenus du foyer, son conjoint résidant dans un autre Etat membre, créerait une inégalité de traitement interdite par le Traité de Rome. Il renvoie à cet égard à l’arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes, en abrégé « CJCE », du 16 mai 2000 (C-87/99, Zurstrassen). Il ajoute que le législateur luxembourgeois aurait remédié à l’iniquité inhérente à l’article 3 LIR par la modification, par le biais de l’article 1er, 1° de la loi du 21 décembre 2001 modifiant certaines dispositions en matière d’impôts directs et complétant le code des assurances sociales, en étendant le bénéfice de l’imposition collective à toutes les hypothèses où l’un des époux est contribuable résident et l’autre non-

résident.

A titre subsidiaire, le demandeur fait valoir que son épouse aurait séjourné régulièrement au Luxembourg « pour des laps de temps qui ne rendaient son séjour « pas que passager » », de manière qu’elle aurait disposé d’un séjour habituel au Grand-Duché emportant dans son chef la qualité de contribuable résident. Dans la mesure où elle aurait également disposé d’une résidence en Norvège, le lieu du domicile fiscal de Madame … aurait dû être déterminé sur base des dispositions de la Convention conclue le 6 mai 1983 entre le Royaume de Norvège et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, ci-après désignée par « la Convention », dont l’article 4.2 érigerait l’entretien des liens personnels et économiques les plus étroits en critère pour la fixation du domicile fiscal. Etant donné que son épouse l’aurait toujours suivi dans ses déplacements professionnels et qu’elle serait retournée en Norvège en 1988 seulement en raison de la précarité alors annoncée par son employeur de son propre séjour au Luxembourg et afin de ne pas perturber la scolarité de leur enfant, le demandeur estime qu’elle ne serait pas retournée dans son pays d’origine pour s’y établir de façon durable, mais plutôt de manière précaire en attendant une affectation plus stable de son mari et conclut que le centre vital des intérêts de son épouse aurait été localisé auprès de son mari auprès duquel elle aurait séjourné de manière régulière, entraînant que son domicile fiscal au sens de la Convention aurait dû être reconnu comme se situant au Luxembourg et que l’imposition collective prévue par l’article 3 LIR aurait dû trouver application en l’espèce.

Le délégué du Gouvernement rétorque que l’imposition collective des époux, telle que régie par les dispositions légales applicables à l’année d’imposition 1991, supposerait que le contribuable soit imposable sur le total de ses propres revenus et de ceux de son conjoint et que cette hypothèse ne serait conforme au droit international public que si les revenus du conjoint sont imposables au Luxembourg en raison de son domicile fiscal dans ce pays. Dans la mesure où Madame … aurait eu son domicile fiscal en Norvège pendant l’année litigieuse, le représentant étatique conclut que la décision directoriale critiquée serait justifiée par les éléments en cause en l’espèce.

L’analyse des moyens du demandeur, tendant en fin de compte à se voir appliquer la classe d’impôt II, implique en premier lieu l’examen de la question de savoir si lui-même et le cas échéant Madame … ont satisfait à l’ensemble des conditions fixées par la législation applicable à l’année 1991 afin d’être imposés selon le barème de la classe d’impôt II.

En vertu de l’article 119 paragraphe 3 LIR, « la classe II comprend a) les personnes imposées collectivement en vertu de l’article 3, b) les personnes veuves dont le mariage a été dissous par décès au cours de trois années précédant l’année d’imposition, c) les personnes divorcées, séparées de corps ou séparées de fait en vertu d’une dispense de la loi ou de l’autorité judiciaire au cours des trois années précédant l’année d’imposition, si avant cette époque et pendant cinq ans elles n’ont pas bénéficié de la présente disposition ou d’une disposition similaire antérieure ».

Il est constant en l’espèce que le demandeur et Madame … ne sont pas rentrés dans les hypothèses visées par les alinéas b) et c) du paragraphe 3 de l’article précité et par conséquent, il y a lieu de vérifier s’ils remplissent les conditions déterminées par l’hypothèse visée sub a) du paragraphe 3 précité, étant entendu qu’à partir du moment où ils ne sont pas visés par cette dernière hypothèse, ils devront être rangés soit dans la classe d’imposition Ia, telle que définie au paragraphe 2 dudit article 119, soit à la classe I telle que déterminée au paragraphe 1er du même article.

L’article 3 LIR, auquel il est fait référence sub a) du paragraphe 3 précité dispose que « sont imposés collectivement a) les époux qui au début de l’année d’imposition sont contribuables résidents et ne vivent pas en fait séparés en vertu d’une dispense de la loi ou de l’autorité judiciaire;

b) les contribuables résidents qui se marient en cours de l’année d’imposition;

c) les époux qui deviennent contribuables résidents en cours de l’année d’imposition et qui ne vivent pas en fait séparés en vertu d’une dispense de la loi ou d’une autorité judiciaire ».

En l’espèce, il est encore constant que la situation du demandeur et de Madame … durant l’année 1991 ne rentre pas dans les prévisions sub b) et c) de l’article 3 précité et il échet partant de vérifier s’ils sont susceptibles de remplir les conditions telles que déterminées sub a) du même article 3. Etant donné qu’il n’est pas contesté que les époux … n’ont pas vécu en fait séparés en vertu d’une dispense de la loi ou d’une décision d’une autorité judiciaire, il appartient au tribunal de vérifier si les deux époux ont été, au début de l’année d’imposition 1991, contribuables résidents au Luxembourg.

L’article 2 LIR soumet la qualité de contribuable résident à la condition d’avoir son domicile fiscal ou son séjour habituel au Grand-Duché de Luxembourg. Ces deux notions sont précisées respectivement par les paragraphes 13 et 14 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, appelée Steueranpassungsgesetz, en abrégé « StAnpG ». Dans la mesure où les moyens du demandeur ne tendent point à faire admettre l’existence d’un domicile fiscal dans le chef de son épouse pour l’année 1991, mais seulement celle d’un séjour habituel, il y a lieu de confiner l’analyse aux conditions afférentes.

La notion de séjour habituel au sens du paragraphe 14, alinéa 1er StAnpG vise l’endroit où une personne séjourne dans des circonstances qui font apparaître qu’elle reste dans cette localité ou dans ce pays non seulement à titre passager. Le séjour habituel est admis de droit lorsque le séjour effectif au pays excède six mois consécutifs (« Den gewöhnlichen Aufenthalt im Sinn der Steuergesetze hat jemand dort, wo er sich unter Umständen aufhält, die erkennen lassen, dass er an diesem Ort oder in diesem Land nicht nur vorübergehend verweilt. Unbeschränkte Steuerpflicht tritt jedoch stets dann ein, wenn der Aufenthalt im Inland länger als sechs Monate dauert. In diesem Fall erstreckt sich die Steuerpflicht auch auf die ersten sechs Monate »).

En l’espèce, il résulte des éléments du dossier que Monsieur … vivait dans un appartement à Luxembourg mis à sa disposition par son employeur, de manière que Madame … n’a été, au 1er janvier 1991, ni propriétaire ni locataire d’un logement situé au Grand-

Duché de Luxembourg, mais qu’elle pouvait utiliser le logement de son mari lors de séjours au pays et qu’en conséquence elle avait d’une manière indirecte une habitation à sa disposition au Luxembourg.

D’un autre côté, il ressort de l’exposé des faits du demandeur même que son épouse est retournée en Norvège en mai 1988 à partir de Singapore et il ne ressort d’aucun élément du dossier que Madame … aurait séjourné de manière usuelle au Luxembourg durant l’année 1991. Le demandeur a au contraire déclaré dans son courrier précité du 27 février 1993 à l’adresse du bureau d’imposition en substance que son épouse n’a jamais vécu au Luxembourg et qu’ils ont entrepris à tour de rôle des voyages pour se rendre des visites mutuelles. Au vu de ces éléments, et en dépit de la circonstance que Madame … pouvait utiliser le domicile de son mari lors de ses séjours occasionnels au Luxembourg, il n’est ni établi ni allégué qu’elle ait eu l’intention, au cours de l’année litigieuse, de résider au Luxembourg et de conserver et d’occuper une habitation au Luxembourg et d’en faire usage.

Il s’ensuit que Madame … n’était pas un contribuable résident au Luxembourg au cours de l’année 1991, tandis qu’il n’est pas contesté que le demandeur était un contribuable résident au Luxembourg. Comme seulement l’un des deux époux a eu son domicile fiscal ou sa résidence habituelle au Luxembourg au 1er janvier 1991, les époux … n’ont pas pu être imposés collectivement au Luxembourg d’après l’article 3 LIR et furent ainsi exclus du bénéfice de la classe d’impôt II conformément à l’article 119 LIR.

Pour ébranler la validité de l’imposition ainsi accomplie à son égard en conformité avec la législation nationale applicable, le demandeur se prévaut du Traité de Rome et affirme que l’application de l’article 3 LIR constituerait une inégalité de traitement interdite par ledit Traité tel qu’interprété notamment par l’arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes du 16 mai 2000 (C-87/99, Zurstrassen).

Or, le bénéfice des libertés fondamentales consacrées par le Traité de Rome est réservé aux travailleurs salariés ayant la nationalité d’un Etat membre qui se déplacent pour répondre à des emplois effectivement offerts (cf. Jurisclasseur Europe, vol. 2, fasc. 601, n° 15). Or, étant donné que le demandeur est ressortissant norvégien et que la Norvège n’est pas un Etat membre de l’Union européenne, il ne rentre pas dans le champ d’application personnel du Traité de Rome et ne peut partant pas invoquer à son bénéfice ses dispositions.

S’il est vrai que la Norvège est un des Etats signataires de l’Accord sur l’Espace économique européen du 2 mai 1992, comportant dans son article 28 des dispositions parallèles à l’article 48 ancien du Traité de Rome, il n’en reste pas moins que cet Accord est entré en vigueur le 1er janvier 1994, de manière à ne pas pouvoir trouver application à l’année d’imposition 1991. Le demandeur ne fait pas état d’autres dispositions de droit international ou principes de droit fiscal international qui seraient de nature à restreindre la souveraineté de l’Etat luxembourgeois pour déterminer son régime d’imposition du revenu et auxquels l’imposition effectuée à son égard ne serait pas conforme.

Le demandeur ne saurait non plus se prévaloir de la modification de l’article 3 LIR par la loi prévisée du 21 décembre 2001 avec effet à partir de l’année d’imposition 2000, admettant à l’imposition collective et à l’application de la classe d’impôt II tous les couples dont un seul des époux est contribuable résident indépendamment de leur nationalité, étant donné que cette extension du champ d’application personnel de la modification législative au-delà du cercle de bénéficiaires imposé par le Traité de Rome constitue une mesure rentrant dans l’appréciation souveraine du législateur luxembourgeoise dont le demandeur ne peut pas tirer un droit à faire valoir du chef d’années d’imposition écoulées.

Le moyen du demandeur tenant à la non-conformité de l’imposition critiquée et des textes à sa base à des normes supérieures est partant à rejeter.

Il se dégage de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse n’est fondé en aucun de ses moyens et doit en conséquence être écarté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 avril 2003 par:

M. RAVARANI, président, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT RAVARANI 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15003
Date de la décision : 02/04/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-04-02;15003 ?

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