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31/03/2003 | LUXEMBOURG | N°15693

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 mars 2003, 15693


Tribunal administratif Numéro 15693 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 décembre 2002 Audience publique du 31 mars 2003 Recours formé par Madame …, épouse … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 décembre 2002 par Maître Albert WILDGEN, avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, épouse …, demeurant à … LIBAN, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre des Transp

orts du 5 septembre 2002 rejetant sa demande en obtention d’une prolongation de son ...

Tribunal administratif Numéro 15693 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 décembre 2002 Audience publique du 31 mars 2003 Recours formé par Madame …, épouse … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 décembre 2002 par Maître Albert WILDGEN, avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, épouse …, demeurant à … LIBAN, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre des Transports du 5 septembre 2002 rejetant sa demande en obtention d’une prolongation de son permis de conduire luxembourgeois ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 janvier 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Philippe BARBIER, en remplacement de Maître Albert WILDGEN ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 mars 2003.

Madame …, épouse …, de nationalité luxembourgeoise, est née le … (Liban). Elle dispose d’un permis de conduire délivré par les autorités de … depuis le 5 décembre 1970.

Venue résider au Grand-Duché de Luxembourg, Madame … introduisit en date du 17 juillet 1989 une demande de transcription d’un permis de conduire étranger auprès des autorités luxembourgeoises.

Suite à un examen de contrôle passé le 20 avril 1990, un permis de conduire luxembourgeois fut délivré à l’intéressée.

Le 11 juin 2001, Madame …, résidant depuis lors de nouveau à …, introduisit une demande en renouvellement de son permis de conduire auprès des autorités luxembourgeoises, lesquelles lui délivrèrent, le même jour, un permis de conduire luxembourgeois valable jusqu’au 15 décembre 2001.

Par un courrier de son mandataire du 8 août 2002, Madame … demanda la prolongation de son permis venu à expiration le 15 décembre 2001 en les termes suivants :

« Madame …, de nationalité luxembourgeoise et résidant actuellement au Liban est titulaire d’un permis de conduire depuis 1970.

Le 11 juin 2001, Vous avez délivré à ma mandante un permis de conduire luxembourgeois, permis qui est venu à expiration le 15 décembre 2001.

Partant, je vous saurais gré de bien vouloir donner instruction à vos services de prolonger le permis de conduire de Madame ……. ».

Le 5 septembre 2002, le ministre des Transports fit parvenir au mandataire de Madame …, un courrier ayant la teneur suivante :

« Maître, J’ai bien reçu votre correspondance du 13 août 2002.

Le permis de conduire qui a été délivré à Madame … le 11 juin 2001 l’a été pour une durée de 6 mois et ce pour permettre à votre mandante de se conformer aux dispositions légales du pays où elle a élu résidence. Une prolongation n’est donc plus possible…. » Par requête déposée en date du 4 décembre 2002, Madame … a fait introduire un recours en annulation, sinon en réformation contre la décision ministérielle de refus de renouvellement du permis de conduire du 5 septembre 2002 prérelatée.

Quant au fond, Madame … invoque en premier lieu le non-respect de la procédure administrative non contentieuse. Elle fait valoir que la décision du ministre des Transports du 5 septembre 2002 aurait violé la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse et le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, faute d’indiquer le texte légal sur lequel elle est fondée, ainsi que les circonstances de fait à sa base. Elle invoque encore une violation du règlement grand-ducal modifié du 8 juin 1979 cité ci-avant pris en son article 14, en ce que la décision ministérielle du 5 septembre 2002 n’indiquerait ni le délai de recours, ni les voies de recours pour conclure à l’annulation de la décision ministérielle du 5 septembre 2002 pour violation de la loi.

Madame … invoque en deuxième lieu le non-respect de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques et de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques. Elle soutient que la décision de refus de prolongation de son permis reviendrait en fait à lui retirer le permis. Elle fait valoir que les hypothèses dans lesquelles le permis peut être retiré seraient énumérées limitativement à l’article 2 de la loi modifiée du 14 février 1955 et qu’elle ne se trouverait dans aucun de ces cas, de sorte que la décision ministérielle violerait le texte en question.

Elle ajoute que le ministre des Transports ne saurait pas non plus fonder son refus sur le fait qu’elle réside actuellement au Liban, dans la mesure où le changement de résidence opéré, après l’obtention du permis de conduire, ne figurerait pas parmi les hypothèses visées par l’article 2 de la loi modifiée du 14 février 1955. Elle demande l’application d’une jurisprudence des juridictions administratives suivant laquelle il a été jugé que le changement de résidence après l’obtention du permis de conduire ne constitue pas un motif de retrait du permis et que le refus de délivrer un nouveau permis de conduire équivaut à un retrait du permis de conduire.

La demanderesse invoque encore la violation de l’article 87, alinéa 4 de l’arrêté grand-

ducal modifié du 23 novembre 1955. Ce texte indique les documents à fournir à l’appui d’une demande de prolongation d’un permis de conduire, à savoir un certificat médical récent, une pièce attestant le paiement de la taxe spéciale prévue par la réglementation afférente et une photocopie récente. Ce texte ne ferait pas référence à la résidence du demandeur, de sorte que celle-ci ne pourrait pas constituer une condition à l’octroi d’une prolongation du permis de conduire.

Elle conclut que la décision rendue le 5 septembre 2002 par le ministre des Transports devrait être annulée pour violation de la loi, sinon excès de pouvoir, étant donné qu’elle serait en droit d’obtenir le renouvellement de son permis de conduire luxembourgeois.

Le délégué du Gouvernement fait valoir, quant au reproche de la violation de la procédure administrative non contentieuse, que la sanction de l’obligation de motivation d’une décision administrative consisterait dans la simple suspension des délais de recours, que la décision resterait valable et que l’administration pourrait produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif. De même l’absence d’indication des voies de recours ne saurait avoir pour conséquence une annulation de l’acte, mais entraînerait également une suspension des délais de recours.

Quant à la motivation en fait et en droit de la décision ministérielle du 5 septembre 2002, il fait valoir que la directive européenne 91/439/CEE du 29 juillet 1991 relative au permis de conduire qui aurait été transposée en droit national par règlement grand-ducal du 11 août 1996 modifiant l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, subordonnerait la délivrance d’un permis de conduire à la preuve de la résidence et préverrait qu’un Etat ne devrait délivrer des permis de conduire qu’à ses ressortissants. Madame … se serait dès lors vu délivrer un permis de conduire de 6 mois aux fins de lui permettre de faire transcrire le permis de conduire dans son nouveau pays de résidence et la décision litigieuse ne serait dès lors pas à analyser comme un retrait administratif du permis de conduire.

Dans son mémoire en réplique, Madame … tient à rappeler qu’elle est de nationalité luxembourgeoise et que dès lors le délégué du Gouvernement ne pourrait pas soutenir que le refus du ministre des Transports du renouvellement du permis de conduire serait fondé sur le fait qu’« un Etat ne doit délivrer des permis de conduire qu’à ses ressortissants ». Elle ajoute, en s’appuyant sur l’article 2 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 et plus précisément sur son point 48, qu’elle devrait être considérée comme ayant sa résidence normale au Luxembourg. Elle précise que même si elle se trouve au Liban, une grande partie de ses amis et des membres de sa famille résideraient au Grand-Duché de Luxembourg et que son mari est administrateur de plusieurs sociétés luxembourgeoises, de sorte que le couple se rendrait régulièrement au Luxembourg. Il y aurait donc lieu de considérer que Madame … aurait ses attaches personnelles au Luxembourg au sens de la disposition citée ci-avant.

Elle fait valoir que si par impossible la décision de retrait devrait être fondée sur une des hypothèses de l’article 2 de la loi modifiée du 14 février 1955, l’article 90 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 serait applicable en ce qu’il prévoit que ladite mesure administrative à prendre à l’égard d’un titulaire d’un permis de conduire exige au préalable une enquête judiciaire avisée par le procureur général d’Etat, ainsi qu’un avis motivé de la commission spéciale des permis de conduire. Or, il ne ressortirait d’aucun élément du dossier que ces formalités auraient été respectées. Elle ajoute qu’indépendamment de la nature du motif qui aurait amené le ministre des Transports à retirer le permis de conduire à Madame …, le ministre aurait été en tout état de cause tenu de donner à la demanderesse la possibilité d’être entendue préalablement à toute décision de retrait ou à toute décision comportant une sanction administrative équivalente à celle du retrait du permis de conduire. Elle déduit de ce qui précède que la décision ministérielle du 5 septembre 2002 serait à annuler pour excès de pouvoir et violation de la loi, d’autant plus que le ministre aurait agi de façon discrétionnaire par un détournement de pouvoir.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au respect de la procédure administrative non contentieuse Quant au défaut de motivation soulevé par la partie demanderesse, force est de constater que la sanction de l’obligation de motiver une décision administrative consiste dans la suspension des délais de recours. La décision reste valable et l’administration peut produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif1.

Il convient au tribunal de retenir qu’en l’espèce la décision a été suffisamment motivée, même si le représentant étatique a seulement indiqué la base légale sousjacente à la décision de refus dans son mémoire en réplique, la demanderesse a pu prendre position face à cette base légale dans son mémoire en duplique, de sorte que le moyen invoqué est à écarter.

En ce qui concerne le défaut d’indication des voies de recours, force est de constater que l’article 14 du règlement grand-ducal modifié du 8 juin 1979 fait l’obligation à l’administration d’informer l’administré des voies de recours notamment lorsqu’elle rend une décision de refus. Cependant, l’omission par l’administration, d’informer l’administré des voies de recours contre une décision administrative entraîne que les délais impartis pour les recours ne commencent pas à courir2.

Le moyen consistant à demander l’annulation de la décision litigieuse pour défaut d’indication des voies et délai de recours est dès lors également à écarter, d’autant plus qu’en l’espèce il est établi que la demanderesse a pu valablement exercer son droit de recours contre la décision ministérielle du 5 septembre 2002.

1 Cf Cour adm. 8 juillet 1997, n° 9918C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Procédure administrative non contentieuse, IV. Motivation de la décision administrative, n° 38, p. 429 2 cf. Cour adm. 5 mars 2002, n° 14129C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Procédure administrative non contentieuse, VI. Information concernant les voies de recours, n° 89, p. 441.

Quant au fond Il y a lieu d’examiner ensuite le moyen fondé sur la considération que la décision sous examen s’analyserait en une décision de retrait du permis de conduire.

Il est constant en cause que Madame … a bénéficié en dernier lieu d’un permis de conduire délivré le 11 juin 2001 par les autorités du Grand-Duché de Luxembourg et valable jusqu’au 15 décembre 2001. Le permis de conduire avait donc une durée de validité déterminée et limitée dans le temps, de sorte qu’il a perdu sa validité le 16 décembre 2001.

C’est donc à tort que la partie demanderesse soutient que la décision litigieuse s’analyserait en un retrait du permis de conduire, celui-ci ayant déjà perdu sa validité à partir du 16 décembre 2001, de sorte que le ministre n’a pas pu retirer le permis de conduire à Madame …, en l’absence d’un permis de conduire valable existant au moment où il a statué.

La jurisprudence invoquée par la demanderesse ne saurait invalider cette conclusion à défaut de pertinence, les faits à la base de l’affaire …3 n’étant pas comparables à ceux soumis au tribunal dans la présente affaire. En effet, la différence fondamentale, justifiant une autre conclusion, est celle que Monsieur … disposait, au moment où les autorités lui ont délivré un duplicata de son permis de conduire pour une durée limitée, d’un permis de conduire valable jusqu’au 18 novembre 2004.

Il y a donc lieu de retenir que la décision du ministre des Transports du 5 septembre 2002 ne s’analyse pas en une décision de retrait du permis.

Pour le surplus, il est établi en cause que la décision du 5 septembre 2002 n’est pas fondée sur une des hypothèses énumérées à l’article 2 de la loi modifiée du 14 février 1955 et dès lors l’article 90 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955, lequel vise expressément l’article 2 précité, n’est pas applicable à son tour. Il en est de même avec l’article 87, alinéa 4 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955.

Le moyen tiré d’une violation de la loi modifiée du 14 février 1955 à travers son article 2 et de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 à travers ses articles 87, alinéa 4 et 90 est dès lors à écarter.

Le représentant étatique fait valoir que la décision de refus serait motivée sur la toile de fond de la directive européenne 91/439/CEE du 29 juillet 1991 qui a été transposée en droit national par règlement grand-ducal du 11 août 1996, précités.

Le juge administratif pouvant faire usage de son pouvoir de substitution des motifs légaux en cas d’imprécision des motifs d’un acte administratif sinon de ceux additionnels produits en instance contentieuse, il y a lieu de retenir que la disposition réglementaire applicable à la présente affaire est l’article 74, paragraphe 6 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955, tel que ce pragraphe a été ajouté par le règlement grand-ducal du 10 février 1999.

L’article 74, paragraphe 6 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 dispose :

3 Trib. adm. 13 october 1997 confirmé par Cour adm, 19 mai 1998, Pas. adm. 2002, V° Transports, I Transport terrestre, C.Permis de conduire, b) Divers, n°17, 18 et 19, p. 528 « La validité des permis de conduire établis au nom de titulaires qui n’ont plus leur résidence normale au Luxembourg au moment de l’échéance de cette validité ou de la perte ou du vol du permis, peut être prorogée ou renouvelée pour un nouveau délai unique de 6 mois en vue de l’échange du permis luxembourgeois contre un permis du pays de la nouvelle résidence normale du titulaire.» Il est établi que Madame … a indiqué, le 11 juin 2001, comme domicile « …» sur le formulaire de renouvellement de son permis de conduire.

Le ministre des Transports pouvait donc raisonnablement admettre que Madame … a changé de résidence pour lui appliquer la disposition citée ci-avant et lui délivrer un permis de conduire valable pour un nouveau délai unique de 6 mois en vue de permettre à la demanderesse d’échanger son permis contre un permis du pays de sa nouvelle résidence.

En présence de cette disposition non-équivoque, qui règle précisément le cas d’espèce soumis au tribunal, c’est à bon droit que le ministre a refusé une prolongation du permis de conduire demandée en date du 8 août 2002. Madame … ayant déjà bénéficié d’un renouvellement de son permis de conduire pour une durée de six mois, le ministre se trouve dans l’impossibilité légale d’accorder un deuxième renouvellement, la disposition en question précisant expressément qu’il s’agit « d’un nouveau délai unique ».

De tout ce qui précède, il résulte que le recours introduit contre la décision du ministre du Transports du 5 septembre 2002, laisse d’être fondé.

Par ces motifs ;

le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 31 mars 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15693
Date de la décision : 31/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-31;15693 ?

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