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31/03/2003 | LUXEMBOURG | N°15569

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 mars 2003, 15569


Tribunal administratif Numéro 15569 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 novembre 2002 Audience publique du 31 mars 2003 Recours formé par Monsieur … et Madame … …–… et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15569 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 novembre 2002 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg au nom de Monsieur …, né le…, et de son épouse, Mada

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Tribunal administratif Numéro 15569 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 novembre 2002 Audience publique du 31 mars 2003 Recours formé par Monsieur … et Madame … …–… et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15569 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 novembre 2002 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg au nom de Monsieur …, né le…, et de son épouse, Madame … …-…, née le …, agissant pour eux-mêmes, ainsi qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs … et …, tous de nationalité macédonienne, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice intervenue le 22 mai 2002, rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision implicite de confirmation dudit ministre se dégageant de son silence observé pendant plus de trois mois par rapport au recours gracieux par eux introduit en date du 5 juillet 2002 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 mars 2003.

Le 26 juin 2001, Monsieur … et son épouse Madame … …-…, agissant en leur nom personnel, ainsi qu’en celui de leurs enfants mineurs … et … …, introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour les époux …-… furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 6 juillet 2001, les époux …-… furent entendus séparément par un agent du ministère de la Justice sur leur situation et sur leurs motifs à la base de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 22 mai 2002, leur notifiée en date du 5 juin 2002, le ministre de la Justice informa les époux …-… de ce que leur demande avait été refusée comme non fondée aux motifs qu’ils n’invoqueraient aucune crainte raisonnable de persécution du fait de leurs opinions politiques, de leur race, de leur religion, de leur nationalité ou de leur appartenance à un groupe social.

Par courrier de leur mandataire datant du 5 juillet 2002, les époux …-… firent introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 22 mai 2002. Celui-ci n’ayant pas fait l’objet d’une décision du ministre dans les trois mois qui s’en suivirent, les époux …-… ont fait déposer, tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs, un recours en réformation contre la décision ministérielle de refus du 22 mai 2002 et celle implicite confirmative se dégageant du silence observé par le ministre par rapport à leur recours gracieux, par requête datant du 7 novembre 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, les demandeurs font exposer qu’ils sont originaires d’Ohrid, de nationalité macédonienne et de religion musulmane. Ils reprochent à la décision ministérielle de ne pas avoir considéré à suffisance de droit le fait que Monsieur … risquerait de faire l’objet de poursuites et partant d’une condamnation judiciaire du fait de son insoumission militaire et ce nonobstant la loi d’amnistie votée par le parlement macédonien dont l’application concrète serait très largement imparfaite. Ils ajoutent que le départ de Monsieur … de son pays d’origine serait encore motivé par le fait qu’en 2001 il aurait fait l’objet de tentatives de vengeances de la part de certains individus qui l’auraient agressé en 1992, sans préjudice quant à la date exacte, et qui à ce moment auraient été emprisonnés. Ils ajoutent qu’en 2001 Monsieur … n’aurait pu obtenir aucune protection de la part des autorités en place.

A ce titre ils versent une lettre de la mère de Monsieur …, datée du 29 juin 2002 et non traduite, aux termes de laquelle cette dernière renseignerait son fils que les auteurs des menaces et tentatives de vengeance continueraient à se manifester de façon toujours plus pressante. Ils ajoutent que cette absence de protection dont Monsieur … serait la victime s’expliquerait aussi pour partie par le fait qu’ils seraient d’origine musulmane. Ils concluent que la vie de Monsieur … se trouverait gravement en danger dans son pays d’origine sans que les autorités en place ne soient en mesure d’y remédier faute par ces dernières d’être animées d’une quelconque volonté d’agir en ce sens eu égard aux origines religieuses du demandeur et que ce serait dès lors à tort que le statut de réfugié aurait été refusé aux demandeurs.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que leur recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures non contentieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Concernant le motif invoqué de l’insoumission de la part de Monsieur …, il convient de rappeler que celle-ci n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié. Le tribunal constate que la décision ministérielle de refus est légalement justifiée par le fait que la paix s’est établie dans la région originaire des demandeurs, de sorte qu’il n’est pas établi qu’actuellement Monsieur … risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables. Il convient par ailleurs de relever qu’ils n’établissent pas à suffisance de droit qu’une condamnation serait encore susceptible d’être prononcée à son encontre du chef d’une éventuelle insoumission, voire qu’un jugement déjà prononcé serait encore effectivement exécuté, ceci au vu de l’évolution de la situation actuelle en Macédoine et plus particulièrement de la loi d’amnistie votée par le parlement macédonien en mars 2002.

En ce qui concerne les persécutions commises par certaines personnes, hormis le fait qu’elles restent à l’état de pure allégation, il y a lieu de retenir qu’il s’agit de persécutions commises par des tiers et non pas par les autorités étatiques et que dès lors elles ne sauraient être retenus que si les autorités étatiques tolèrent ces actes ou si elles sont incapables d’offrir une protection adéquate contre ces actes. Ce défaut de protection doit être mis suffisamment en évidence par les demandeurs. Cependant, en l’espèce, ils ne démontrent point que les autorités administratives en place et chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant aux habitants de la Macédoine, étant entendu qu’ils n’ont pas fait état du moindre fait concret qui serait de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part des autorités actuellement en place.

Dans ce contexte, il convient d’ajouter que la situation politique en Macédoine s’est considérablement modifiée depuis leur départ (cessez-le-feu, pacification de l’UCK, accord d’Ohrid, loi d’amnistie) et que les demandeurs n’ont pas fait état d’une raison suffisante justifiant à l’heure actuelle qu’ils ne puissent pas utilement se réclamer de la protection des autorités en place.

De même, les demandeurs restent en défaut de prouver à suffisance de droit que le défaut de protection de la part des autorités actuellement en place serait dû en partie en raison de l’origine musulmane de Monsieur …. En ce qui concerne Madame …, elle n’a pas fait l’objet de persécutions personnelles et la crainte dont elle fait état s’analyse en un sentiment général d’insécurité.

Il résulte des développements qui précèdent que les demandeurs restent en défaut d’établir une crainte raisonnable de persécution leur rendant leur retour dans leur pays impossible, de sorte que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 31 mars 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15569
Date de la décision : 31/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-31;15569 ?

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