La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/03/2003 | LUXEMBOURG | N°15567

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 mars 2003, 15567


Tribunal administratif Numéro 15567 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 novembre 2002 Audience publique du 31 mars 2003 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15567 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 novembre 2002 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le…, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…,

tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice intervenue le 24 mai 200...

Tribunal administratif Numéro 15567 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 novembre 2002 Audience publique du 31 mars 2003 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15567 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 novembre 2002 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le…, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice intervenue le 24 mai 2002, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision implicite de confirmation dudit ministre se dégageant de son silence observé pendant plus de trois mois par rapport au recours gracieux par elle introduit en date du 4 juillet 2002 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 mars 2003.

Le 27 février 2002, Madame … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour Madame … fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 9 avril 2002, Madame … fut entendue par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 24 mai 2002, lui notifiée en date du 4 juin 2002, le ministre de la Justice informa Madame … de ce que sa demande a été refusée comme non fondée aux motifs qu’elle n’invoquerait aucune crainte raisonnable de persécution du fait de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social.

Par courrier de son mandataire datant du 4 juillet 2002, Madame … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 4 juin 2002. Celui-ci n’ayant pas fait l’objet d’une décision du ministre dans les trois mois qui s’en suivirent, Madame … a fait déposer un recours en réformation contre la décision ministérielle de refus du 4 juin 2002 et celle implicite confirmative se dégageant du silence observé par le ministre par rapport à son recours gracieux, par requête datant du 4 novembre 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, la demanderesse fait exposer qu’elle est originaire de Rozaje, de nationalité yougoslave et de religion musulmane. Elle fait valoir que le départ de son pays d’origine aurait été motivé par le fait qu’elle craignait des actes de représailles de la part des autorités monténégrines, sinon du peuple monténégrin du fait des actes de collaboration de son père avec le régime de Slobodan MILOSEVIC. Elle soutient que la décision du ministre devrait être réformée pour violation de la loi, sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits parce que l’autorité administrative n’aurait pas tiré les conséquences qui se seraient imposées du fait des menaces dont elle serait susceptible d’être victime à cause du comportement de son père. Elle ajoute qu’il s’agirait de savoir quelle serait l’appréciation réservée par les autorités en place au comportement de son père et plus spécialement l’interprétation du rôle supposé joué par elle-même. Elle fait valoir qu’elle pourrait raisonnablement craindre que les autorités en place apprécieraient son propre cas d’espèce de la même façon que celui de son père, lequel serait actuellement incarcéré dans un endroit inconnu. Elle termine que la situation au Monténégro serait devenue extrêmement dangereuse pour elle-même d’un côté par le risque encouru par elle de se retrouver soumise à une procédure judiciaire totalement injustifiée et d’un autre côté par le risque qu’elle pourrait se trouver victime de la part d’une certaine partie de la population qui chercherait à se venger sur sa propre personne.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Madame … et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par Madame … lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures non contentieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, les seuls faits qu’elle invoque sont deux interrogatoires qui auraient eu lieu en décembre 2001 ou janvier 2002 dans le cadre des investigations faites par la police lors de l’instruction du dossier ayant trait aux activités de son père. En ce qui concerne ces interrogatoires, il y a lieu de constater que Madame … reste en défaut de faire valoir un quelconque élément permettant au tribunal de retenir qu’elle aurait fait l’objet d’un traitement discriminatoire au cours de ces interrogatoires, de sorte que la peur de la police dont elle fait état parce que celle-ci aurait douté de la véracité de ses dépositions et la crainte par elle alléguée de faire l’objet de vengeances de la part d’une partie de la population s’analysent en l’état actuel du dossier comme l’expression d’un sentiment général de peur insuffisant à établir une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève.

Madame … ne soumettant au tribunal aucun autre élément permettant de retenir dans son chef une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève, il y a lieu de retenir qu’elle reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit une crainte personnelle de persécution de sorte que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse au frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 31 mars 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15567
Date de la décision : 31/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-31;15567 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award