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31/03/2003 | LUXEMBOURG | N°15401

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 mars 2003, 15401


Tribunal administratif N° 15401 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 septembre 2002 Audience publique du 31 mars 2003

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Recours formé par Monsieur … contre une décision prise par le ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15401 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 septembre 2002 par Maître Jean-Luc GONNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre de

s avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…,...

Tribunal administratif N° 15401 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 septembre 2002 Audience publique du 31 mars 2003

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Recours formé par Monsieur … contre une décision prise par le ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15401 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 septembre 2002 par Maître Jean-Luc GONNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 1er juillet 2002, lui notifiée en date du 15 juillet 2002, par laquelle l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg lui ont été refusés ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 novembre 2002 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 24 décembre 2002 par Maître Jean-Luc GONNER au nom de Monsieur … ;

Vu la constitution de nouvel avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 24 février 2003 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en sa plaidoirie à l’audience publique du 24 février 2003.

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Par décision du 1er juillet 2002, le ministre de la Justice a refusé à Monsieur … l’entrée et le séjour sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg aux motifs suivants :

« - absence de moyens d’existence personnels (refus du permis de travail par le ministère du Travail le 5.2.2001) ;

- se trouve en séjour irrégulier au pays ;

- constitue par son comportement personnel un danger pour l’ordre et la sécurité publics ».

Par requête déposée en date du 27 septembre 2002, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de l’arrêté ministériel prévisé du 1er juillet 2002.

Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur expose qu’en date du 15 avril 1999 une autorisation de séjour, valable pour 12 mois, lui avait été accordée suite à son mariage avec Madame …, qu’un permis de travail de la catégorie A lui avait été délivré pour la même période, mais que celui-ci n’avait pas été renouvelé par la suite. Il critique l’arrêté ministériel déféré en faisant valoir que conformément à l’article 1er du règlement grand-

ducal du 28 mars 1972 relatif à la composition, à l’organisation et au fonctionnement de la commission consultative en matière de police des étrangers, le ministre aurait dû prendre prélablement à la décision litigieuse l’avis de la commission consultative sous peine de violer la disposition réglementaire en question. Il soutient ensuite que le règlement CEE n° 1612/68 du 15 octobre 1968, pris en ses articles 10 et 11, prévoit que le ressortissant d’un Etat tiers, marié avec un ressortissant communautaire est en droit de s’installer avec son conjoint sur le territoire d’un Etat membre de l’Union européenne et que ce droit perdure aussi longtemps que le lien matrimonial n’aura pas été dissous, de sorte qu’en raison de son mariage non encore dissous avec Madame …, de nationalité croate, il serait toujours autorisé à résider sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, étant entendu que le terme « ressortissant » visé par les articles 10 et 11 ainsi invoqués ne pourrait pas seulement s’interpréter en faveur des nationaux d’un Etat, mais devrait s’appliquer à tout citoyen, résidant, étranger ou même réfugié politique d’un Etat membre de manière à viser également la situation de Madame ….

Quant aux motifs de refus invoqués à la base de la décision litigieuse, le demandeur fait valoir que s’il est certes vrai qu’en date du 15 avril 1999 le ministre du Travail a refusé de lui accorder un nouveau permis de travail, il n’en resterait pas moins qu’il a intenté une procédure contentieuse devant le tribunal administratif à cet égard et qu’en date du 15 juillet 2002 son ancien employeur aurait introduit une nouvelle déclaration d’engagement par rapport à laquelle le ministre du Travail n’aurait pas encore statué, de sorte que la décision de refus invoquée à l’appui de la décision litigieuse ne saurait constituer une quelconque justification pour lui refuser à l’heure actuelle l’entrée et le séjour au Luxembourg. Il soutient ensuite qu’au moment de la prise de l’arrêté ministériel litigieux en date du 1er juillet 2002 aucune décision coulée en force de chose jugée constatant un séjour irrégulier dans son chef au pays n’aurait existé, de sorte que le moyen afférent serait à écarter. Le demandeur conteste finalement constituer un danger pour l’ordre et la sécurité publics en faisant valoir que les faits ainsi invoqués à la base de l’arrêté ministériel litigieux ne résulteraient d’aucune décision de justice et que par ailleurs il n’aurait jamais eu à faire à la justice luxembourgeoise, de sorte que ledit motif de refus serait encore à écarter pour ne pas être fondé.

Le délégué du Gouvernement rétorque qu’une saisine de la commission consultative n’aurait pas été nécessaire en l’espèce. Quant à l’application du règlement CEE n° 1612/68 du 15 octobre 1968, il fait valoir que le simple fait que Madame … soit autorisée à résider au Grand-Duché de Luxembourg ne serait pas suffisant pour rendre applicable ledit règlement communautaire, lequel ne concernerait que les ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne. Quant à la motivation de l’arrêté ministériel attaqué, il signale que la demande en obtention du permis de travail de Monsieur … n’était pas pendante au jour de la prise de la décision litigieuse alors que par arrêté ministériel du 5 février 2001 le ministre du Travail lui aurait refusé le permis de travail auprès de l’employeur … S.A., et que par ailleurs le risque d’atteinte à l’ordre public se dégagerait des pièces versées au dossier relatant le comportement personnel de Monsieur … tout au long de son séjour au pays. Il se réfère plus particulièrement à cet égard aux violences physiques et psychiques exercées par le demandeur sur son épouse depuis le début de leur mariage ainsi qu’au fait qu’il l’aurait même menacée de mort au cas où elle introduirait une demande de divorce. Quant au séjour irrégulier du demandeur au pays, le représentant étatique fait valoir qu’il se trouve établi depuis le 1er avril 2000, date à laquelle l’autorisation de séjour du demandeur a expiré, de sorte que ce serait pour de justes motifs que le ministre de la Justice a refusé l’entrée et le séjour à Monsieur ….

Concernant d’abord le moyen basé sur l’illégalité de la décision déférée pour omission de prise de l’avis de la commission consultative en matière de police des étrangers, il y a lieu de constater que conformément à l’article 1er du règlement grand-

ducal modifié du 28 mars 1972 précité « l’avis de la commission consultative en matière de police des étrangers sera, sauf urgence, obligatoirement pris avant toute décision portant 1. refus de renouvellement de la carte d’identité d’étranger ;

2. retrait de la carte d’identité ;

3. expulsion du titulaire d’une carte d’identité valable ;

4. révocation de l’autorisation temporaire de séjour ;

5. éloignement d’un réfugié reconnu au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, ou d’un apatride au sens de la Convention de New York du 28 septembre 1954 se trouvant régulièrement au pays ».

Il se dégage de la disposition réglementaire prérelatée que la décision litigieuse, en ce qu’elle opère non pas un refus de renouvellement de la carte d’identité d’étranger, mais prononce le refus d’entrée et de séjour dans le chef de Monsieur … sur base de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, ne rentre dans aucun des 5 cas de figure dans lesquels l’avis de ladite commission consultative devra obligatoirement être sollicité avant la prise de la décision ministérielle. Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter.

Il est encore constant que conformément aux dispositions de l’article 2 prévisé de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger :

- qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis, - qui est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics, - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour. » Au vœu de l’article 2 précité, l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg pourront dès lors être refusés notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers (trib. adm. 17 février 1997, Pas. adm. 2002, v° Etrangers, 2. Autorisations de séjour – Expulsions, n° 121 et autres références y citées, p.149). Le ministre dispose d'un pouvoir d’appréciation dans chaque espèce pour déterminer si la condition de disposer de moyens personnels suffisants est remplie et si elle justifie l'octroi ou le refus de l'entrée et du séjour au Grand-Duché de Luxembourg, étant entendu que ses décisions sont susceptibles d’être soumises au juge administratif dans le cadre d’un recours en annulation (Cour adm. 12 novembre 2002, …, n° 15102C, non encore publié).

En outre, la seule preuve de la perception de sommes, en principe suffisantes pour permettre à l'intéressé d'assurer ses frais de séjour au pays, est insuffisante; il faut encore que les revenus soient légalement perçus (trib. adm. 15 avril 1998, n° 10376 du rôle, Pas.

adm 2002, v° Etrangers, n° 125). Ne remplissent pas cette condition les revenus perçus par un étranger qui occupe un emploi alors qu'il n'est pas en possession d'un permis de travail et qu'il n'est dès lors pas autorisé à occuper un emploi au Grand-Duché de Luxembourg et à toucher des revenus provenant de cet emploi (trib. adm. 30 avril 1998, n° 10508 du rôle, Pas. adm 2002, v° Etrangers, n° 125 et autres références y citées).

En l’espèce, force est de constater qu’il ne se dégage ni des éléments du dossier, ni des renseignements qui ont été fournis au tribunal que le demandeur était, à la date de la décision ministérielle attaquée, autorisé à travers un permis de travail à occuper un poste de travail au Grand-Duché, voire s’adonnait légalement à une activité indépendante, et qu’il pouvait partant disposer de moyens personnels propres suffisants et légalement acquis.

Cette conclusion ne saurait être énervée par le fait qu’une demande en obtention du permis de travail aurait encore été pendante au jour de la prise de la décision déférée, voire par la considération qu’un recours contentieux dirigé le cas échéant contre une décision de refus d’octroi du permis de travail avait encore été pendant, étant donné que ces considérations, fussent-elles établies en fait, ne sont pas pour autant de nature à suppléer la carence ci-avant dégagée de l’existence effective d’un permis de travail dans le chef du demandeur au jour de la prise de la décision litigieuse.

A défaut par le demandeur d’avoir ainsi rapporté la preuve de l’existence de moyens personnels, le défaut de tels moyens constitue en principe un motif valable pour lui refuser l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg.

Dans la mesure où il n’est par ailleurs pas contesté en cause que l’autorisation de séjour du demandeur valable jusqu’au 24 mars 1999 a expiré à la date du 1er avril 2000, c’est encore à juste titre que le délégué du Gouvernement a relevé que le ministre a valablement pu retenir, à la base de l’arrêté ministériel litigieux que le demandeur était dépourvu de papiers de légitimation prescrits et de visa, si celui-ci est requis, de sorte que la décision déférée rentre clairement dans les prévisions de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée sans même qu’il y ait lieu d’examiner plus en avant le troisième motif de refus basé sur la considération que le demandeur serait susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics La décision litigieuse est en effet motivée à suffisance de droit et de fait par les deux autres motifs de refus ci-

avant examinés.

La conclusion ci-avant dégagée ne saurait être énervée par le moyen avancé en cause basé sur le règlement CEE 1612/68 du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, étant donné que le champ d’application personnel des droits découlant du principe de la libre circulation des travailleurs s’étend aux travailleurs ayant la nationalité d’un Etat membre (cf. Jurisclasseur Europe, volume 2, Principes actuels de la libre circulation des travailleurs salariés, fasc. 601, n° 15), de sorte que la notion de ressortissant d’un Etat membre ne saurait être interprétée de manière à s’étendre au-delà des nationaux des Etats membres sous peine de dépasser les objectifs du traité sur l’Union européenne, ainsi que les limites du principe de la libre circulation des personnes y inscrites.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le tribunal est amené à statuer contradictoirement en l’espèce encore que le demandeur n’était pas représenté à l’audience publique à laquelle l’affaire fut plaidée.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le dit non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 31 mars 2003 par :

Mme LENERT, premier juge , M. SCHROEDER, juge , M. Thomé, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15401
Date de la décision : 31/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-31;15401 ?

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