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27/03/2003 | LUXEMBOURG | N°16168

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 mars 2003, 16168


Tribunal administratif N° 16168 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 mars 2003 Audience publique du 27 mars 2003

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16168 du rôle, déposée le 24 mars 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembou

rg, au nom de Monsieur …, né le … à Tunis (Tunisie), de nationalité tunisienne, ayant été placé au ...

Tribunal administratif N° 16168 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 mars 2003 Audience publique du 27 mars 2003

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16168 du rôle, déposée le 24 mars 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Tunis (Tunisie), de nationalité tunisienne, ayant été placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 5 mars 2003 ordonnant la prorogation de la mesure de placement prise à son égard par décision du même ministre du 7 février 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Il ressort d’un rapport dressé le 7 février 2003 par le service de la police des étrangers de la police grand-ducale que Monsieur … fut interpellé en date du même jour dans un centre commercial, suite à un vol, et qu’il ne put pas présenter de document d’identité valable.

Par la suite, Monsieur … fut placé, par arrêté du ministre de la Justice du 7 février 2003, notifié le même jour, au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

La décision de placement fut fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Considérant que l’intéressé est muni d’un « Refus d’Admission sur le Territoire français » établi par la Police Nationale de Thionville ;

Considérant que l’intéressé est signalé au SIS sous le no I ALBSS 01536876 ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toutes pièces d’identité et de voyage valables ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’un laissez-passer sera demandé dans les meilleurs délais auprès des autorités tunisiennes ;

- qu’en attendant l’émission de ce document de voyage, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par arrêté du ministre de la Justice du 5 mars 2003, le placement de Monsieur … fut prorogé pour une durée d’un mois.

Par requête déposée le 24 mars 2003, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 5 mars 2003.

L’article 15 paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, instituant un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation lui déféré. Ce même recours ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur argumente en premier lieu que la décision entreprise devrait être annulée pour cause de nullité du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, pour défaut de base légale, estimant que la loi modifiée du 27 juin 1997 portant réorganisation de l’administration pénitentiaire n’offrirait pas de base légale suffisante à la création, par voie de règlement grand-ducal, d’une structure spécifique au sein du Centre pénitentiaire de Luxembourg destinée à accueillir les étrangers faisant l’objet d’une mesure de placement, en renvoyant à cet égard à l’avis du Conseil d’Etat, auquel la commission juridique s’est ralliée par la suite, rendu dans le cadre de l’élaboration de cette dernière loi et ayant estimé que la création d’un nouvel établissement pénitentiaire nécessiterait l’intervention du législateur.

Ce moyen tiré des prétendues nullité ou inapplicabilité du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 n’est cependant pas fondé, étant donné que la base légale dudit règlement grand-ducal est donnée par l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, tel que cela ressort d’ailleurs du libellé même dudit règlement grand-ducal. Dans ce contexte, il est indifférent que le Conseil d’Etat, au moment de l’élaboration de la loi du 27 juillet 1997 portant réorganisation de l’administration pénitentiaire, a estimé que l’intervention du législateur serait de mise pour l’hypothèse d’une modification des attributions d’un établissement pénitentiaire, étant donné que le Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière n’est pas à considérer comme un établissement pénitentiaire (cf. trib. adm.

5 décembre 2002, n° 15679 du rôle, non encore publié).

Au titre des deux moyens suivants, qu’il convient d’examiner ensemble, le demandeur estime qu’il n’y aurait pas eu de nécessité absolue pour reconduire la mesure de placement et il soutient que la décision entreprise devrait être annulée pour « absence des conditions pour prononcer une mesure de placement », au motif que l’autorité administrative ne serait pas en mesure de « préciser avec certitude que les autorités tunisiennes vont délivrer un laisser-

passer ». Dans ce contexte, il reproche encore aux autorités luxembourgeoises de ne pas avoir déployé tous les efforts et effectué toutes les démarches nécessaires en vue d’assurer que la mesure d’éloignement puisse être exécutée sans retard, dans les délais les plus brefs.

Lors des plaidoiries, le mandataire du demandeur a encore soutenu que l’expérience montrerait que les autorités tunisiennes ne répondraient jamais aux demandes leurs adressées en vue de la délivrance des papiers nécessaires au rapatriement d’un de leurs ressortissants, de sorte que le ministre de la Justice aurait dû savoir, dès le début, que ses démarches resteront infructueuses et que le placement du demandeur serait vain.

Concernant la justification de la décision de prorogation sous examen, le paragraphe (2) de l’article 15 de la loi prévisée du 28 mars 1972 dispose que « la décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre de la Justice à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

Le tribunal est partant amené à analyser si le ministre de la Justice a pu se baser sur des circonstances permettant de justifier qu’en l’espèce une nécessité absolue rendait la reconduction de la décision de placement inévitable (trib. adm. 22 mars 1999, n° 11191 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 203 et autres références y citées).

S’il est vrai que l’autorité compétente doit veiller à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d’assurer un éloignement dans les meilleurs délais, en vue d’éviter que la décision de placement ne doive être prorogée et que la prorogation d’une mesure de placement doit rester exceptionnelle et ne peut être décidée que lorsque des circonstances particulièrement graves ou autrement justifiées la rendent nécessaire, force est de constater qu’en l’espèce, il ressort du dossier que les autorités luxembourgeoises, après avoir procédé à des mesures de vérification quant à l’identité de l’intéressé et après établissement de la fiche signalétique, ont contacté les autorités tunisiennes par un premier courrier du 4 mars 2003, en vue de son rapatriement dans son pays d’origine, que les autorités tunisiennes ont confirmé le 15 mars 2003 la réception de ce courrier, tout en informant les autorités luxembourgeoises de ce qu’ils allaient entreprendre des démarches supplémentaires en vue de la détermination de l’identité exacte de l’intéressé, et qu’en date du 24 mars 2003, les autorités luxembourgeoises ont une nouvelle fois contacté les autorités tunisiennes en vue de l’obtention d’un titre d’identité ou un laissez-passer permettant le rapatriement du demandeur vers la Tunisie et d’en conclure que, compte tenu des spécificités de l’affaire, notamment du défaut de document d’identité valable dans le chef du demandeur et de la nécessité et des délais nécessaires en vue de l’obtention d’un laissez-passer des autorités du pays d’origine de l’intéressé, ainsi que des préparatifs relatifs à un vol, le cas échéant accompagné, pour la Tunisie (agents accompagnateurs, billets d’avion, formalités de transit, etc), l’ensemble des diligences entreprises en vue de l’organisation et de l’exécution matérielle du rapatriement de l’intéressé ne saurait être qualifié d’insuffisant et la critique afférente n’est pas fondée.

Cette conclusion n’est pas affectée par l’argumentation basée sur ce que les autorités luxembourgeoises ne sauraient avoir la certitude d’obtenir une réponse de la part des autorités tunisiennes ainsi que de la délivrance des pièces nécessaires en vue du rapatriement de Monsieur …, étant donné que cette affirmation est non seulement contredite par la première réaction de l’ambassade de Tunisie suite au courrier précité du 4 mars 2003, mais encore et surtout parce que, même si – comme l’a confirmé le délégué du gouvernement - certaines autorités étrangères n’ont pas montré dans le passé une collaboration des plus efficientes et rapides -, les autorités luxembourgeoises ne peuvent jamais prédire à l’avance l’attitude ou la réponse des autorités étrangères et si l’on admettait que les autorités luxembourgeoises doivent connaître les réponses de leurs homologues étrangers, au moment de la prise d’une décision de placement, on viderait – au moins partiellement - la procédure de la mise à disposition de sa substance, alors qu’elle est justement destinée à tenir un étranger en situation irrégulière à la disposition des autorités luxembourgeoises dans l’attente de l’accomplissement des formalités nécessaires en vue de son éloignement, lesquelles comprennent le plus souvent des démarches auprès d’autorités étrangères, soit du pays de provenance des personnes concernées, soit de pays vers lesquels elles peuvent être éloignées.

Enfin, le demandeur critique que son placement constituerait une mesure disproportionnée en ce qu’il ne serait pas placé dans une « infrastructure spécifique et appropriée ».

Il est constant en cause que le demandeur n’a pas été placé dans la partie réservée au régime pénitentiaire au sein du Centre pénitentiaire de Schrassig, mais dans une structure spécifique y aménagée, à savoir le nouveau Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière créé par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002. Dans la mesure où le caractère approprié de cet établissement au sens de l’article 15 (1) de la loi prévisée du 28 mars 1972 se dégage d’un texte réglementaire, il ne saurait dès lors plus être sujet à discussion.

En effet, dans la mesure où il n’est pas contesté que le demandeur était en situation irrégulière au regard de la loi prévisée du 28 mars 1972 et qu’il a subi une mesure de placement administrative sur base dudit article 15 en vue de son éloignement du territoire luxembourgeois, il rentrait et rentre directement dans les prévisions de la définition des « retenus » telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 précité, étant relevé que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence éventuelle de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent par essence un risque de fuite, fût-il minime, justifiant leur rétention dans un centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise.

Au vu de ce qui précède les reproches tirés du prétendu caractère disproportionné de la mesure de placement litigieuse sont également à rejeter comme étant non pertinents.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur est à en débouter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 27 mars 2003 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16168
Date de la décision : 27/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-27;16168 ?

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