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27/03/2003 | LUXEMBOURG | N°16095

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 mars 2003, 16095


Tribunal administratif N° 16095 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mars 2003 Audience publique du 27 mars 2003

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Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16095 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mars 2003 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avoca

ts à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Gradice (Kosovo/ex-Yougoslavie), de nationalité yo...

Tribunal administratif N° 16095 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mars 2003 Audience publique du 27 mars 2003

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Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16095 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mars 2003 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Gradice (Kosovo/ex-Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 4 février 2003, confirmant une décision initiale du même ministre du 9 décembre 2002, par lesquelles sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique a été déclarée manifestement infondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 mars 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Edmond DAUPHIN, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Le 2 décembre 2002, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.Il fut en outre entendu en date du 6 décembre 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice l’informa, par lettre du 9 décembre 2002, notifiée en date du 19 décembre 2002, par voie de lettre recommandée, que sa demande avait été rejetée aux motifs suivants : « Vous exposez que vous avez fait votre service militaire en 1989/1990 en Croatie et en Slovénie.

Vous ne seriez membre d’aucun parti politique, bien que vous ayez participé à quelques manifestations en 1991.

Vous exposez que vous êtes venu au Luxembourg parce que vous seriez sans travail depuis environ douze ans. Vous expliquez que la situation économique serait mauvaise au Kosovo, et que, depuis la fin du conflit, plus rien ne fonctionnerait. Votre famille vivrait actuellement sous tente et votre père serait invalide de guerre. Vous vivriez de la charité des gens.

Vous ajoutez que votre frère aurait été tué pendant le conflit du Kosovo et votre maison aurait brûlé.

Je vous informe que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi, et surtout, par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Je vous rends attentif au fait que, pour invoquer l’article 1er A,2 de la Convention de Genève, il faut une crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays.

Par contre, selon l’article 9, alinéa 1 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile. » Je constate que vous reconnaissez n’avoir subi ni mauvais traitement ni persécutions et n’avoir aucun problème lié à vos opinions politiques, religieuses, ni à votre groupe social ou national. Vous dites d’ailleurs demander au Luxembourg l’asile économique.

Votre demande ne répond donc à aucun des critères de fond définis dans le cadre de l’article 1er A,2 de la Convention précitée, mais constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est donc refusée comme manifestement infondée au sens de l'article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile; 2) d'un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

A la suite d’un recours gracieux introduit le 20 janvier 2003 par le mandataire du demandeur auprès du ministre de la Justice, ce dernier confirma la décision initiale par une décision du 4 février 2003.

Par requête déposée en date du 5 mars 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation des décisions ministérielles précitées des 9 décembre 2002 et 4 février 2003.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, dispose expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives.

Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, le demandeur reproche au ministre de la Justice de ne pas avoir correctement appliqué l’article 1er, A, 2 de la Convention de Genève, au motif que la vie dans son pays d’origine lui serait intolérable en raison de son appartenance au groupe social des Albanais du Kosovo qui feraient l’objet d’une exclusion sociale pure et simple, ainsi qu’en raison de persécutions de la part des Serbes. A cela s’ajoute qu’il vivrait, comme les autres membres de sa famille, « de la charité des gens », que son frère aurait été tué au cours du conflit ayant eu lieu au Kosovo, que sa maison aurait été incendiée et qu’il aurait rencontré des difficultés économiques dans son pays d’origine, en ce qu’il n’y aurait eu plus aucun moyen de subsistance.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande».

Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial et non sur un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 93, p. 199 et autres références y citées).

Il convient de relever en premier lieu que la demande d’asile du demandeur a été refusée au motif que sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié politique ne répondait à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève.

Force est de constater que les faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile ont trait, tel que cela ressort plus particulièrement du procès-verbal d’audition du 6 décembre 2002, à des problèmes économiques dans son pays d’origine, notamment en raison du fait qu’il a quitté son travail il y a douze ans et que depuis lors, il n’aurait plus travaillé. Il ajoute qu’il se serait rendu au Grand-Duché de Luxembourg à fin d’y solliciter « l’asile économique ».

En ce qui concerne l’argumentation supplémentaire développée par le demandeur dans sa requête introductive d’instance, et concernant plus particulièrement sa prétendue persécution, par des Serbes, faisant partie d’une minorité ethnique, en sa qualité de membre de la communauté albanaise, majoritaire au Kosovo, il échet de relever qu’une demande d’asile basée exclusivement sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (cf. trib. adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 91 et autres références y citées).

En l’espèce, il ressort des développements contenus dans la requête introductive d’instance qu’à part des allégations vagues et non autrement circonstanciées quant à des prétendues persécutions de la part de membres du groupe ethnique minoritaire des Serbes du Kosovo, le demandeur n’a fait état et n’a établi aucun fait concret susceptible d’être qualifié de persécution au sens de la Convention de Genève, mais ces allégations traduisent plutôt dans le chef du demandeur un sentiment général d’insécurité.

Il se dégage des déclarations du demandeur auxquelles il est fait référence ci-dessus, que, comme l’a retenu à bon droit le ministre de la Justice, la demande d’asile sous examen ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que ladite demande a été rejetée comme étant manifestement infondée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 27 mars 2003 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16095
Date de la décision : 27/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-27;16095 ?

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