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26/03/2003 | LUXEMBOURG | N°15584

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 mars 2003, 15584


Tribunal administratif N° 15584 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 novembre 2002 Audience publique du 26 mars 2003

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Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision prise par le ministre de la Justice en matière d’autorisation d’entrée et de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15584 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif le 8 novembre 2002 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avoc

ats à Luxembourg, au nom de M. …, né le … à Craiova (Roumanie), de nationalité roumaine, déclarant deme...

Tribunal administratif N° 15584 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 novembre 2002 Audience publique du 26 mars 2003

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Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision prise par le ministre de la Justice en matière d’autorisation d’entrée et de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15584 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif le 8 novembre 2002 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le … à Craiova (Roumanie), de nationalité roumaine, déclarant demeurer à Craiova (Roumanie), actuellement détenu au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision prise par le ministre de la Justice le 30 août 2002, par laquelle ledit ministre lui a refusé l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 janvier 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-

Paul REITER en ses plaidoiries.

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Par arrêté du 30 août 2002, le ministre de la Justice refusa l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg à M. …, aux motifs qu’il ne disposerait pas de moyens d’existence personnels, qu’il se trouverait en séjour irrégulier au pays et qu’il serait susceptible de compromettre la sécurité et l’ordre publics.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 novembre 2002, M.

VOINEA a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la susdite décision ministérielle.

Il convient de prime abord de relever que malgré le fait que l’avocat constitué pour le demandeur n’a ni été présent, ni représenté à l’audience de plaidoiries, le jugement est néanmoins rendu contradictoirement entre parties, étant donné que la procédure devant les juridictions administratives est essentiellement écrite et que le demandeur a pris position par écrit par le fait de déposer sa requête introductive d’instance.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, introduit en ordre principal, au motif qu’un tel recours n’est pas prévu en la matière.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 4, et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande principale en réformation de la décision critiquée.

Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le demandeur soutient en premier lieu que la décision ministérielle litigieuse n’énoncerait pas une motivation suffisante en droit et en fait.

Ledit moyen d’annulation est cependant à écarter, étant donné que, même en admettant que le reproche soit justifié, le défaut d’indication des motifs ne constitue pas une cause d’annulation de la décision ministérielle prise, pareille omission d’indiquer les motifs dans le corps même de la décision que l’autorité administrative a prise entraînant uniquement que les délais impartis pour l’introduction des recours ne commencent pas à courir. En effet, au vœu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, la motivation expresse d’une décision administrative peut se limiter à un énoncé sommaire de son contenu et il suffit, pour qu’un acte de refus soit valable, que les motifs aient existé au moment de la prise de décision, quitte à ce que l’administration concernée les fournisse a posteriori sur demande de l’administré, le cas échéant au cours de la procédure contentieuse, ce qui a été le cas en l’espèce, étant donné que les motifs énoncés dans la décision ministérielle, ensemble les compléments apportés par le représentant étatique au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause ont permis au demandeur d’assurer la défense de ses intérêts en connaissance de cause, c’est-

à-dire sans qu’il ait pu se méprendre sur la portée de la décision ministérielle querellée.

En second lieu, le demandeur reproche au ministre de la Justice d’avoir omis de solliciter l’avis de la commission consultative en matière de police des étrangers.

C’est à juste titre que le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.

En effet, l’article 1er du règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972 relatif à la composition, l’organisation et le fonctionnement de la commission consultative en matière de police des étrangers, prévoit cinq cas de figure dans lesquels l’avis de la commission consultative en matière de police des étrangers doit être sollicité. Sont ainsi visés, les décisions de refus de renouvellement d’une carte d’identité d’étranger, de retrait de la carte d’identité, d’expulsion du titulaire d’une carte d’identité valable, de révocation d’une autorisation temporaire de séjour et d’éloignement d’un réfugié reconnu au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 ou d’un apatride au sens de la Convention de New York du 28 septembre 1954 se trouvant régulièrement au pays.

Or, comme la situation du demandeur ne rentre dans aucun de ces cinq cas de figure, l’autorité administrative n’a pas contrevenu à la règle de la saisine obligatoire de la commission consultative en matière de police des étrangers et le moyen afférent laisse d’être fondé.

Concernant le bien fondé de la décision ministérielle querellée, le demandeur critique le motif basé sur un défaut de moyens d’existence, en soutenant qu’on ne saurait reprocher le défaut de disposer de moyens d’existence personnels à quelqu’un qui, comme lui, se trouve en détention préventive depuis plusieurs mois. Relevant le défaut d’existence d’une condamnation pénale à son encontre, il estime en outre qu’il ne constituerait pas un risque pour l’ordre et la sécurité publics et que la décision critiquée violerait le principe de la présomption d’innocence.

Le délégué du gouvernement rétorque que le demandeur ferait l’objet d’un mandat de dépôt suite à la commission d’un vol au Luxembourg, qu’il n’aurait pas de domicile fixe au Luxembourg ni le moindre moyen d’existence personnel. Il ajoute que le demandeur aurait compromis l’ordre public en participant à la commission d’un « vol avec association de malfaiteurs » et que les faits justifieraient la conclusion qu’il est susceptible de compromettre ledit ordre à l’avenir.

L’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant: 1° l’entrée et le séjour des étrangers; 2° le contrôle médical des étrangers; 3° l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère dispose que: « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger: (…) -

qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

La légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise. Il appartient au juge de vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration, sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute.

Or, il ressort des éléments du dossier et des renseignements qui ont été fournis au tribunal, que M. VOINEA ne disposait d’aucun moyen personnel propre au moment où la décision attaquée a été prise.

Par voie de conséquence, l’arrêté ministériel déféré est légalement justifié par ce seul motif, abstraction faite du caractère pertinent ou non des autres motifs invoqués à sa base, entraînant que l’analyse des moyens proposés y relativement devient surabondante.

Enfin, c’est à tort que le demandeur soutient que l’arrêté litigieux serait vicié, au motif qu’il omettrait de lui reconnaître un délai pour quitter le territoire et qu’il ne pourrait ainsi pas prendre « les dispositions élémentaires ». En effet, cette conclusion se dégage des dispositions de l’article 7 de la loi précitée du 28 mars 1972 au titre duquel le refus de l’autorisation de séjour entraîne pour l’étranger « l’obligation de quitter le territoire luxembourgeois endéans le délai imparti, qui commencera à courir à partir de la notification de la décision », et de la considération que contrairement aux ressortissants communautaires pour lesquels un délai minimal a été fixé par l’article 12 du règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972 relatif aux conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers faisant l’objet de conventions internationales, ledit article 7 n’a pas prévu de délai minimal, de sorte qu’il y a lieu de retenir que le délai exigé par l’article 7 peut être égal à zéro, tel étant le cas en l’espèce en présence d’une invitation à quitter le territoire dès la notification de l’arrêté litigieux, c’est-

à-dire, en cas de détention, immédiatement après la mise en liberté, l’essentiel étant qu’un délai ait été formulé de manière déterminée (cf. Cour adm. 21 novembre 2000, n° 12156C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 116 et autre référence y citée).

Il suit des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur doit en être débouté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Ravarani, président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 26 mars 2003, par le président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Ravarani 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15584
Date de la décision : 26/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-26;15584 ?

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