La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/03/2003 | LUXEMBOURG | N°15552

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 mars 2003, 15552


Tribunal administratif N° 15552 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 novembre 2002 Audience publique du 26 mars 2003

===============================

Recours formé par les époux … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

----------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15552 du rôle et déposée le 4 novembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit

au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Tutin (Serbie/ex-You...

Tribunal administratif N° 15552 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 novembre 2002 Audience publique du 26 mars 2003

===============================

Recours formé par les époux … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

----------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15552 du rôle et déposée le 4 novembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Tutin (Serbie/ex-Yougoslavie), et de son épouse, la dame … …, née le … à Tutin, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 22 mai 2002, notifiée en date du 4 juin 2002, par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision implicite de refus dudit ministre, résultant du silence de plus de trois mois suite à un recours gracieux introduit le 1er juillet 2002 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 janvier 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport et Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

En date du 4 janvier 1999, les époux Muart … et … …, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs …, introduisirent oralement auprès du service compétent une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour les époux … furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Ils furent ensuite entendus séparément en date des 12 et 19 octobre 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Par décision du 22 mai 2002, notifiée le 4 juin 2002, le ministre de la Justice les informa que leur demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit :

« Il résulte de vos déclarations auprès de la Police Judiciaire que le 24 décembre 1998 vous auriez quitté votre domicile à Tutin pour vous rendre à Novi Pazar. Vous auriez alors traversé la Croatie pour aller en Italie, où vous auriez pris place à bord d’une camionnette qui vous aurait emmenés au Luxembourg. Vous seriez arrivés au Luxembourg le 28 décembre 1998.

Vous avez déposé vos demandes en obtention du statut de réfugié le même jour.

Madame, Monsieur, vous indiquez qu’entre 1992 et 1998 vous auriez séjourné avec votre famille en Allemagne où vous auriez bénéficié d’une « Duldung ». Vous auriez quitté l’Allemagne en septembre 1998 pour rentrer en Yougoslavie.

Monsieur, le 1er décembre 1998 vous auriez reçu une convocation vous invitant à vous présenter à la réserve le 15 décembre 1998. Vous auriez accepté la convocation, mais le 14 décembre 1998 vous auriez quitté votre domicile et vous vous seriez caché chez des amis.

Vous n’auriez pas voulu joindre la réserve, parce que vous n’auriez pas voulu tuer des gens innocents au Kosovo ni être tué vous-même. Vous indiquez que le 18 décembre 1998 la police militaire serait venue pour vous emmener, mais vous n’auriez pas été à la maison. Pour souligner vos dires, vous apportez une convocation à la réserve datant du 1er décembre 1998, un appel pour comparution du Tribunal communal de Tutin du 25 janvier 1999 ainsi qu’un jugement (no 242/99) de ce même tribunal datant du 17 novembre 1999 vous condamnant à une peine d’emprisonnement de six ans et deux mois pour insoumission.

Vous auriez maintenant peur d’aller en prison.

Monsieur, vous ajoutez être depuis 1990 membre du parti politique SDA, sans pour autant avoir eu des fonctions spéciales. Ainsi, vous affirmez avoir aidé à organiser des manifestations et d’y avoir participé. Vous auriez également travaillé pour un journal dénommé « Journal Indépendant du Sandzak » lors de votre séjour en Allemagne. Vous précisez pourtant ne pas avoir rejoint le SDA de retour en Serbie en 1998.

De retour en Yougoslavie, en septembre 1998, la police civile serait venue à votre domicile pour vous emmener au poste de police afin de vous interroger. On vous aurait interrogé « sur tout » puis on vous aurait relâché, mais vous auriez dû vous présenter de nouveau en novembre 1998. Cette fois-là, on vous aurait battu et maltraité. La police vous aurait montré une vidéo sur laquelle on vous voyait participer à une manifestation en Allemagne. La police vous aurait interrogé au sujet de cette manifestation. On vous aurait isolé dans une pièce et des personnes masquées vous auraient frappé. Après, la police vous aurait relâché, mais vous auriez dû de nouveau vous présenter au fin du mois, ce que vous auriez fait. On vous aurait alors confisqué votre passeport et on vous aurait questionné sur votre activité au sein du journal mentionné plus haut. On vous aurait isolé dans une pièce et on vous aurait torturé. Vous décrivez les tortures que vous auriez subies. On vous aurait laissé partir après quelques heures, mais on vous aurait de nouveau emmené dans une pièce où des hommes masqués vous auraient frappé. La police vous aurait de nouveau laissé partir.

Vous dites être persuadé que ces mauvais traitements seraient liés à vos activités politiques. Vous auriez peur des personnes qui vous auraient maltraité. Votre peur serait également liée au fait que vous seriez de confession musulmane.

Madame, il résulte de vos déclarations que vous auriez dû quitter votre pays d’origine parce que votre mari aurait été maltraité à cause de son activité au sein du SDA pendant votre séjour en Allemagne. Vous seriez également partis parce que votre mari aurait reçu une convocation pour aller à la réserve. Vous auriez maintenant peur parce que votre mari aurait fui la réserve et parce qu’il aurait été maltraité.

Vous ajoutez aussi avoir peur du fait de votre confession musulmane.

Enfin, vous admettez ne pas être membre d’un parti politique et de ne pas avoir subi de persécutions.

Monsieur, l’insoumission est insuffisante pour constituer une crainte justifiée de persécution au sens de l’article 1er, A. §2 de la Convention de Genève. De même, votre condamnation du chef d’insoumission ne constitue pas un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder une crainte de persécution au sens de la prédite Convention. Enfin, il ne faut pas oublier qu’une loi d’amnistie a été adoptée par le Parlement de la République fédérale yougoslave au mois de février 2001 sous le bénéfice de laquelle vous tombez. Votre peur de devoir aller en prison n’est donc pas fondée.

En outre, il n’est pas établi que l’appartenance à l’armée yougoslave imposerait à l’heure actuelle la participation à des opérations militaires que des raisons de conscience valables justifieraient de refuser.

En ce qui concerne les mauvais traitements que vous auriez subis par la police serbe lors des interrogations, ils constituent des pratiques certes condamnables, mais il y a lieu de constater que ces faits se seraient produits en novembre 1998, et que depuis on a assisté à un changement de régime politique. De plus vous n’apportez aucune preuve que ces mauvais traitements seraient liés à vos activités politiques.

En outre, Monsieur, la simple qualité de membre à un parti politique et le fait d’y avoir travaillé au niveau organisationnel ne sauraient suffire pour bénéficier de la reconnaissance du statut de réfugié dès lors que vous n’exerciez aucune activité politique particulièrement exposée. En effet, vous précisez vous même de ne pas avoir eu un rôle politique prépondérant au sein du SDA.

Madame, Monsieur, concernant la situation particulière des ressortissants de confession musulmane en Serbie, je souligne que la reconnaissance du statut de réfugié politique n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile, qui doivent établir, concrètement, que leur situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Or, il ne résulte pas de vos allégations (…), qui ne sont d’ailleurs corroborées par aucun élément de preuve tangible, que vous risquiez ou risquez d’être persécutés dans votre pays d’origine pour un des motifs énumérés par l’article 1er, A., §2 de la Convention de Genève. Ainsi, la peur liée à votre confession musulmane dont vous faites état tous les deux, n’est pas de nature à constituer une crainte justifiée de persécution selon la Convention de Genève, mais traduit plutôt un sentiment général d’insécurité qu’une crainte de persécution.

Enfin, il ne faut pas oublier que le régime politique en Yougoslavie a changé au mois d’octobre 2000 avec la venue au pouvoir d’un président élu démocratiquement. Un nouveau gouvernement a été mis en place en novembre 2000 sans la participation des partisans de l’ancien régime. La Yougoslavie a retrouvé sa place dans la communauté internationale ce qui se traduit notamment par sa réadmission à l’ONU et à l’OSCE. A cela s’ajoute que le 15 mars 2002 un accord serbo-monténégrin a été signé par les présidents Kostunica et Djukanovic, prévoyant l’adoption d’une nouvelle Constitution et l’organisation d’élections permettant de donner plus d’indépendance au Monténégro. La République fédérale de Yougoslavie cessera d’exister pour être remplacée par un Etat de Serbie et de Monténégro.

Par conséquent vous n’alléguez tous les deux aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Vos demandes en obtention du statut de réfugié sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Le recours gracieux formé le mandataire des consorts … à l’encontre de la décision ministérielle précitée à travers un courrier du 1er juillet 2002 étant resté sans réponse, les époux … ont fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle prévisée du 22 mai 2002, ainsi qu’à l’encontre de la décision implicite de rejet du ministre résultant du silence pendant plus de trois mois suite à l’introduction du recours gracieux, par requête déposée le 4 novembre 2002.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles entreprises.

Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Les demandeurs soulèvent en premier lieu deux moyens d’annulation relatifs à la procédure d’instruction de leur demande d’asile.

En ce qui concerne le premier moyen d’annulation des demandeurs « pour inobservation du délai raisonnable édicté par les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme », il échet de relever que l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, telle qu’approuvée par la loi du 29 août 1953, ne s’applique qu’à des contestations portant sur des droits et obligations de caractère civil, ainsi que sur le bien-fondé d’accusations en matière pénale. Or, comme les contestations en matière de reconnaissance du statut de réfugié politique ne sont à considérer ni comme des contestations à caractère civil ni comme des contestations à caractère pénal, elles ne tombent partant pas sous le champ d’application de l’article 6 précité qui, pour le surplus, ne vise que des procédures juridictionnelles et non pas des procédures administratives.

Pour le surplus, il est établi par les pièces versées au dossier que préalablement à la décision ministérielle déférée du 22 mai 2002, les demandeurs ont fait l’objet d’une audition détaillée par un agent du service de police judiciaire, et de trois auditions par un agent du ministère de la Justice en présence d’un traducteur assermenté. En ce qui concerne la durée qui s’est écoulée entre l’audition des demandeurs et la prise de la décision entreprise, force est de constater que les demandeurs restent en défaut d’indiquer en quoi leurs droits auraient été lésés, étant donné que, d’une part, le ministre de la Justice est appelé à statuer sur base des déclarations des demandeurs en tenant compte de la situation telle qu’elle se présente à l’heure où il statue, c’est-à-dire qu’il doit tenir compte de changements de situation qui sont intervenus depuis l’audition des demandeurs d’asile et qui sont de nature à influencer le sort à réserver à leur demande d’asile et, d’autre part, les demandeurs n’indiquent pas dans leur recours en quoi leur situation particulière ou celle de leur pays d’origine auraient évolué depuis leurs auditions sans que pareil changement n’ait été pris en considération par le ministre.

Il s’ensuit que le moyen tiré du non-respect du délai raisonnable est à écarter.

Les demandeurs concluent ensuite à l’annulation de la décision ministérielle pour violation des droits de la défense et plus particulièrement pour violation de l’article 5 de la prédite loi du 3 avril 1996, en raison du fait qu’ils n’auraient pas été informé, ni au jour de l’introduction de leur demande d’asile en date du 4 janvier 1999, ni au moment de la rédaction du rapport du service de police judiciaire, ni au moment de leurs auditions devant l’agent du ministère de la Justice en dates des 12 et 19 octobre 1999 de leur droit à l’assistance d’un avocat à titre gratuit pour l’instruction de leur demande d’asile.

L’article 5 de la loi précitée du 3 avril 1996 dispose que « le demandeur d’asile est informé de son droit de se faire assister à titre gratuit d’un interprète et de son droit de choisir un avocat inscrit au tableau de l’un des barreaux établis au Grand-Duché de Luxembourg ou de se faire désigner un avocat par le bâtonnier de l’ordre des avocats. Le fait que ladite information a été donnée au demandeur d’asile devra ressortir du dossier ».

Cette information du demandeur d’asile, quant à son droit de se faire assister par un avocat, ne doit pas nécessairement être donnée lors du dépôt de la demande d’asile, étant donné que la loi ne contient pas de précisions quant au stade de la procédure d’instruction de la demande d’asile auquel cette information doit être donnée au demandeur d’asile, mais eu égard à la finalité de l’assistance d’un avocat et d’un interprète, qui est de mettre le demandeur d’asile en mesure d’assurer ses droits de la défense, il est impératif que cette information lui soit donnée au plus tard lors de la première mesure d’instruction dans le cadre de l’examen du bien-fondé de sa demande d’asile (cf. trib. adm. 13 mars 2000, n° 11832, confirmé par arrêt de la Cour adm. du 30 mai 2000, n° 11934C, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 18).

Il se dégage des pièces produites en cause que les demandeurs ont été informé de leur droit à l’assistance d’un avocat lors de leurs auditions en date des 12 et 19 octobre 1999, auditions qui, en l’espèce, constituent le premier acte d’instruction dans la procédure en obtention du statut de réfugié, de sorte que les dispositions et la finalité de l’article 5 précité ont été respectées. En effet, les rapports d’audition qui contiennent les déclarations que les demandeurs ont été informés de leur droit d’être assistés par un avocat, et qui ont été signés par les demandeurs, l’interprète qui était présent et un agent du ministère de la Justice, font foi à défaut d’éléments concrets et pertinents permettant de conclure à la fausseté de ces déclarations.

Il résulte des considérations qui précèdent que ce moyen tendant à l’annulation de la décision litigieuse pour une prétendue irrégularité procédurale est également à écarter.

Quant au fond, les demandeurs exposent qu’ils sont de confession musulmane et originaires de la ville de Tutin en Serbie et qu’ils ont quitté leur pays d’origine en raison de l’insoumission de Monsieur …, qui aurait refusait d’aller à la réserve de l’armée serbe ne voulant faire la guerre au Kosovo et tuer des gens innocents. Afin d’étayer ses dires, Monsieur … produit un jugement du tribunal communal de Novi Pazar le condamnant à une peine de prison de six ans et deux mois et il craint devoir exécuter cette peine en cas de retour au pays.

Les demandeurs font ajouter que Monsieur … aurait été membre du parti politique SDA et qu’au mois de septembre 1998, il aurait été emmené et interrogé par la police civile, de même qu’au mois de novembre 1998, auditions lors desquelles il aurait été maltraité. Finalement les demandeurs font encore référence à la situation générale d’insécurité en Serbie et, plus particulièrement, au Sandjak et estiment que les risques de persécution à leur égard seraient toujours réels à l’heure actuelle, les musulmans n’ayant pas de place au Sandjak.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des consorts … et que leur recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. - Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d’un recours en réformation, à apprécier le bien fondé et l’opportunité d’une décision entreprise en tenant compte de la situation existante au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2001, V° Recours en réformation, n° 11).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle des demandeurs, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations des époux ….

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les époux … lors de leurs auditions respectives en date des 12 et 19 octobre 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours des procédures gracieuse et contentieuse, et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, concernant le motif de persécution relatif à l’insoumission de Monsieur …, il convient de rappeler que l’insoumission n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef des demandeurs, une crainte justifiée d’être persécutés dans leur pays d’origine du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève.

Le tribunal constate en outre que la décision ministérielle de refus est légalement justifiée par le fait que la paix s’est établie dans la région originaire des demandeurs, de sorte qu’il n’est pas établi qu’actuellement Monsieur … risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables. Il convient par ailleurs de relever que Monsieur … n’établi pas à suffisance de droit qu’une condamnation serait encore susceptible d’être prononcée à son encontre de ce chef voire que le jugement déjà prononcé à son encontre serait encore effectivement exécuté, ceci au vu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et, plus particulièrement de la loi d’amnistie votée par le Parlement yougoslave visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale. Cette conclusion ne saurait en l’état actuel du dossier être énervée par les considérations avancées par les demandeurs tendant à la non application de la loi d’amnistie, étant donné qu’elles ne sont pas établies en fait et même contredites par une large application que cette loi connaît d’ores et déjà (v. Cour adm. 16 octobre 2001, n° 13854C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 48).

Concernant ensuite les craintes de persécution de Monsieur … en raison de son appartenance au parti politique SDA, il échet de relever que s’il est vrai que les activités dans un parti d’opposition peuvent justifier des craintes de persécution, Monsieur … indique simplement avoir été membre dudit parti mais il reste en défaut de soumettre des faits concrets d’une gravité suffisante pour dénoter l’existence d’une persécution au sens de la Convention de Genève en raison de son engagement politique. Il est vrai qu’il résulte du rapport d’audition de Monsieur … que ce dernier aurait été interpellé à deux reprises par la police civile, mais il a été relâché à chaque fois et n’a pas été condamné par la suite pour ses activités au sein du SDA. Les interrogatoires du demandeur ne revêtent dès lors pas un caractère de gravité suffisant et il échet de retenir pour le surplus que le régime politique a changé en Serbie depuis le départ des demandeurs, ce qui rend par conséquent leur persécution, en raison des activités de Monsieur … pour le SDA, peu probable.

Les autres allégations des demandeurs tirées de la situation générale dans leur pays d’origine en relation avec leur appartenance religieuse ne constituent en substance que l’expression d’un sentiment général de peur, sans que les demandeurs n’aient établi concrètement qu’ils risqueraient individuellement de faire l’objet de discriminations ou de maltraitances voire que les autorités actuellement en place seraient incapables de leur offrir une protection adéquate ou toléreraient des actes de persécution commis à leur encontre.

Il résulte de ce qui précède que les demandeurs non pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Ravarani, président M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 26 mars 2003 par le président en présence de M. Legille, greffier.

Legille Ravarani 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15552
Date de la décision : 26/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-26;15552 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award