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26/03/2003 | LUXEMBOURG | N°15511

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 mars 2003, 15511


Tribunal administratif N° 15511 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 octobre 2002 Audience publique du 26 mars 2003

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Recours formé par Madame … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15511 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 octobre 2002 par Maître Yvette NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre d

es avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le …, de nationalité capverdienne, demeurant actue...

Tribunal administratif N° 15511 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 octobre 2002 Audience publique du 26 mars 2003

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Recours formé par Madame … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15511 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 octobre 2002 par Maître Yvette NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le …, de nationalité capverdienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 9 septembre 2002, lui refusant l’octroi du permis de travail pour un emploi auprès de la société … s. à r. l, établie et ayant son siège social à L-…, en qualité de femme de ménage ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 janvier 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-

Paul REITER en ses plaidoiries.

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Par arrêté du 9 septembre 2002, le ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après dénommé « le ministre », refusa le permis de travail à Madame … pour un emploi de femme de ménage auprès de la société … s. à r. l., ci-après dénommée « la société … », « pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes - des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 1620 ouvriers non-qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’administration de l’Emploi - priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) - poste de travail non déclaré vacant par l’employeur - occupation irrégulière depuis le 04.03. 2002 ».

Le recours gracieux formé par courrier de la société … du 19 septembre 2002 s’étant soldé par une décision confirmative du même ministre du 14 octobre 2002, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel du 9 septembre 2002 par requête déposée le 29 octobre 2002.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 4, et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande principale en réformation de la décision critiquée.

Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse expose qu’elle serait arrivée au Grand-

Duché de Luxembourg au courant du mois d’octobre 1999 pour des raisons de santé et pour des raisons purement économiques et que depuis cette date, elle logerait chez des membres de sa famille. La demanderesse ajoute qu’elle aurait cherché pendant presque un an à trouver un emploi et que cette occasion se serait présentée auprès de la société …, qui l’aurait de suite déclarée auprès du Centre commun de la sécurité sociale. Madame … estime que la décision attaquée serait discriminatoire à son égard en raison du fait que l’administration de l’Emploi distinguerait entre les européens et les non-européens, les premiers ayant la possibilité d’accepter ou de refuser un emploi qui leur est proposé, tandis que les non-européens ne pourraient prétendre qu’à l’obtention d’un permis de travail pour des emplois refusés par les européens. Cette attitude serait contraire au principe d’égalité, étant donné que les demandeurs d’emploi européens seraient continuellement assistés par l’Etat, tandis que les non-européens, tout en acceptant n’importe quelle tâche, ne pourraient pas trouver un emploi.

Finalement, la demanderesse estime que le ministre aurait pu recourir à l’article 9bis du règlement grand-ducal du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, en sollicitant une garantie bancaire auprès de l’employeur, et que ce ne serait qu’en cas de non-respect de cette exigence que le refus du permis de travail à son profit se serait justifié.

Le délégué du gouvernement conclut à une motivation correcte et suffisante de la décision sous analyse, en précisant encore que la demanderesse n’aurait jamais eu d’autorisation de séjour au Grand-Duché de Luxembourg et qu’elle serait dès lors à considérer comme ayant été recrutée à l’étranger. Pour le surplus, comme elle se serait trouvée illégalement sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, elle ne saurait être traitée de la manière que ceux qui y vivent légalement.

En l’espèce, l’arrêté ministériel attaqué du 9 septembre 2002 énonce quatre motifs tirés de la législation sur l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, parmi lesquels la non-

déclaration du poste vacant par l’employeur.

C’est à bon droit que le délégué du gouvernement conclut au bien-fondé de ce moyen de refus de délivrance d’un permis de travail à Madame …, en soutenant que le motif en question, tiré de l’absence de déclaration du poste vacant, a valablement pu être invoqué par le ministre à la base de la décision litigieuse, en se référant à l’article 10 (1) du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, dans sa teneur lui conférée par le règlement grand-ducal du 29 avril 1999.

En effet, ladite disposition réglementaire dispose en son deuxième alinéa que « la non-

déclaration formelle et explicite de la vacance de poste à l’administration de l’Emploi, conformément à l’article 9 paragraphe (2) de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’administration de l’Emploi et portant création d’une commission nationale de l’Emploi, constitue un motif valable et suffisant de refus du permis de travail ».

Il échet de relever que la formalité de la déclaration de vacance de poste se justifie dans la mesure où, par l’accomplissement de cette formalité administrative, l’ADEM est mise en mesure d’établir la disponibilité concrète sur le marché de l’emploi de demandeurs d’emploi prioritaires, suivant l’article 10 (1) du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972 et de l’article 27 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, aptes à occuper le poste vacant, en assignant le cas échéant à l’employeur en question des ressortissants de l’Union européenne ou de l’Espace Economique Européen bénéficiant d’une priorité à l’embauche, susceptibles de remplir concrètement les fonctions ainsi déclarées vacantes. En effet, ce n’est qu’au cas où cette disponibilité concrète ne peut pas être établie par le gouvernement, que l’employeur en question peut envisager de se faire autoriser, sur base de l’article 16 de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’administration de l’Emploi et portant création d’une commission nationale de l’emploi, à recruter à l’étranger un ressortissant d’un pays tiers, non membre de l’Union européenne ou de l’Espace Economique Européen et à solliciter par la suite un permis de travail auprès de l’ADEM pour un tel ressortissant sur base d’une déclaration d’engagement à introduire auprès de ladite administration.

En l’espèce, il se dégage de la déclaration d’engagement et de la lettre d’accompagnement de la société … du 8 mars 2002 qu’elle avait engagé Madame … avec effet au 4 mars 2002. Il est encore constant que l’employeur n’a pas préalablement déclaré le poste vacant et que l’engagement de la demanderesse était surtout motivé par le fait que cette dernière pourrait s’affilier au Centre commun « en vue de son opération des yeux ».

Cette conclusion n’est pas affectée autrement par le moyen tiré de l’inégalité de traitement entre des ressortissants européens et les non-européens, étant donné que la demanderesse, non communautaire, tombe sous les prévisions de l’article 111 de la Constitution et des exceptions légales y visées.

Finalement le reproche tiré de la non-application de l’article 9bis du règlement grand-

ducal du 12 mai 1972, précité, est à abjuger, ladite disposition n’étant d’application qu’une fois un permis de travail accordé, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Etant donné que la décision se justifie par le seul motif analysé ci-dessus, l’examen des moyens ayant trait aux autres motifs sur lesquels le ministre a encore fondé sa décision de refus, devient surabondant. Le recours en annulation est partant à rejeter comme étant non fondé.

Nonobstant le fait que la demanderesse n’était pas représentée à l’audience publique à laquelle l’affaire a été fixée pour les débats oraux, l’affaire est jugée contradictoirement à l’égard de toutes les parties, la procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Ravarani, président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 26 mars 2003, par le président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Ravarani 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15511
Date de la décision : 26/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-26;15511 ?

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