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26/03/2003 | LUXEMBOURG | N°15306

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 mars 2003, 15306


Numéro 15306 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 août 2002 Audience publique du 26 mars 2003 Recours formé par Madame …, …, et consort contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15306 du rôle, déposée le 29 août 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tablea

u de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le …, et de son fils, Monsi...

Numéro 15306 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 août 2002 Audience publique du 26 mars 2003 Recours formé par Madame …, …, et consort contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15306 du rôle, déposée le 29 août 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le …, et de son fils, Monsieur …, né le…, tous les deux de nationalité albanaise, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 25 février 2002 portant rejet de sa demande en obtention d’une autorisation de séjour, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 28 mai 2002 prise sur recours gracieux;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 décembre 2002;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 janvier 2003.

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En date du 15 mai 2000, Madame …, préqualifiée, introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971.

Un recours contentieux introduit par Madame … contre la décision du ministre de la Justice du 13 septembre 2000 portant refus dudit statut dans son chef fut déclaré non justifié par jugement du tribunal administratif du 11 janvier 2001.

Par courriers des 29 mars et 9 avril 2001, Madame … introduisit une demande en obtention d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires pour elle-même et son fils …, également préqualifié, en faisant valoir en substance que ce dernier serait atteint, suite aux pressions tant psychologiques que psychiques subies en Albanie, d’une forme rare d’épilepsie qui nécessiterait un traitement et une surveillance médicaux réguliers qui seraient impossibles en Albanie.

Le ministre saisit le commissaire du Gouvernement aux Etrangers d’une demande d’avis concernant la question de savoir si un traitement adéquat de l’épilepsie de Monsieur … « qui semble être d’une gravité certaine » serait actuellement possible en Albanie.

Madame … réitéra sa demande en obtention d’une autorisation de séjour par courrier du 19 octobre 2001 en affirmant, par renvoi à un certificat émis par un neuropsychiatre albanais, qu’un traitement intense et régulier de la maladie de son fils serait impossible en Albanie.

Le commissariat du Gouvernement aux Etrangers émit le 22 novembre 2001 son avis sur la question lui soumise par le ministre de la Justice qui fut libellé comme suit :

« Monsieur … …, né le 08.12.1982, souffre d’une épilepsie frontale traitée par le Dr.

… (voir certificat médical du 24.11.2000).

Selon les explications du médecin, le 24.04.2001, Monsieur … n’a fait aucune crise épileptique pendant son séjour au Centre Hospitalier (30.08.2000-18.09.2000),mais d’après sa mère il en fera 2-3 par semaine.

Monsieur … est très dépendant de sa mère et une sur-protection est évidente :

- sa mère lui fait la barbe (a peur qu’il se coupe) - doit laisser la porte ouverte de la salle de bains et des toilettes (a peur qu’il fasse une crise) - ne le laisse pas prendre le train seul pour suivre des cours de langues … etc D’après les informations obtenues par MSF-BRUXELLES, des médicaments pour épileptiques sont disponibles en Albanie ».

Madame … réitéra sa demande en obtention d’une autorisation de séjour par courrier de son mandataire du 7 décembre 2001 en renvoyant aux éléments soumis dans ses courriers antérieurs.

Le ministre refusa de donner suite à cette demande par décision du 25 février 2002 libellée comme suit :

« J’ai l’honneur de me référer à votre demande d’autorisation de séjour du 7 décembre 2001 concernant Madame … et son fils ….

Je suis cependant amené à constater que vos mandants ne disposent pas de moyens d’existence personnels suffisants conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers.

Par ailleurs, je suis amené à constater que vos mandants ne font pas état de raisons humanitaires justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg.

Par conséquent, je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande ».

Le recours gracieux formé par courrier de son mandataire du 26 mai 2002 s’étant soldé par une décision confirmative du même ministre du 28 mai 2002, Madame … et Monsieur … ont fait introduire un recours en annulation à l’encontre de ces deux décisions ministérielles des 25 février et 28 mai 2002 par requête déposée le 29 août 2002.

A l’appui de leur recours, les demandeurs déclarent ne pas contester qu’ils ne disposent pas à l’heure actuelle de moyens d’existence personnels, mais ils estiment qu’il aurait appartenu au ministre de considérer les autres éléments objectifs et subjectifs de leur dossier et de leur accorder un titre de séjour sur base de considérations autres que financières. Ils reprochent au ministre de ne pas avoir usé de sa liberté d’appréciation conformément aux exigences d’une conduite raisonnable en ce qu’il n’aurait pas tenu compte des circonstances que Madame … aurait cherché à pouvoir s’établir durablement au Luxembourg afin de continuer à soigner son fils souffrant d’importantes crises d’épilepsie nécessitant la poursuite de son traitement au pays, telles que documentées par plusieurs certificats médicaux, et qu’un retour en Albanie emporterait de graves conséquences pour les demandeurs et plus particulièrement pour Madame … en ce sens « que sa situation de fortune limite fortement la possibilité pour elle d’accéder aux soins nécessaires à son enfant ». Ils ajoutent que Madame … ne disposerait pas de maison personnelle en Albanie, que ses revenus en Albanie auraient été lors de son départ de l’ordre de 113 € et que l’accès aux hôpitaux et médicaments en Albanie nécessiterait d’importants frais financiers auxquels ils ne pourraient pas faire face pour conclure que le refus d’une autorisation de séjour en leur faveur constituerait une mesure disproportionnée par rapport au but que le ministre pourrait légitimement poursuivre.

Il n’est pas contesté en cause qu’au vœu de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ;

3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ; 3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, une autorisation de séjour peut être refusée notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants légalement perçus pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers, et qu’en l’espèce les demandeurs n’ont pas établi qu’ils étaient, à la date de la décision ministérielle attaquée, autorisés à travers un permis de travail à occuper un poste de travail au Grand-Duché, voire s’adonneraient légalement à une activité indépendante, et qu’ils pouvaient partant disposer de moyens personnels propres suffisants et légalement acquis. Il s’ensuit que le ministre pouvait en principe refuser l’autorisation de séjour aux demandeurs en se fondant sur ce motif de défaut de moyens d’existence personnels légalement perçus.

Quant à l’état de santé de Monsieur … et à la nécessité d’un traitement et d’une surveillance continués au Luxembourg de sa maladie, il ressort d’un certificat des docteurs … et Dirk ULBRICHT du 24 novembre 2000 que « die Anfallsfrequenz ausserhalb des Krankenhauses wurde mit weiterhin bis zu 2-3 Anfällen auch Selbstverletzung täglich angegeben, jedoch traten in insgesamt 28 Tagen Hospitalisation lediglich ein Absencen-

artiger Zustand im Mai und das obengeschilderte Anfallssereignis am 18. August auf », ce dernier incident étant décrit comme « Anfall mit Retroflexion des Kopfes, Lippencyanose und anschliessend schnarchender Atmung registriert werden ». Ce même rapport conclut que « es liegt daher nahe, neben der Epilepsie-Therapie, die wir mit Zugabe von Topamax bis zu einer Maximaldosis von 200 mg optimierten und die damit einen deutlichen Schutz gegen fokale wie generalisierte Anfälle bieten sollte, auch eine pseudo-epileptische Genese anzunehmen, beispielsweise im Zusammenhang mit einer zeitweisen Trennung von der Mutter. In dieser Hinsicht war eine psycho-dynamische Exploration nicht möglich, jedoch fiel auf, dass die Mutter beispielsweise kam um den mittlerweile nahezu volljährigen Sohn zu rasieren ».

Il y a lieu de déduire de ces déclarations d’hommes de l’art que selon leur appréciation la maladie épileptique de Monsieur … a pu être stabilisée à l’aide de certains médicaments et que son état de santé affecté résulte aussi de problèmes d’ordre psychologique qui devraient être explorés.

Il y a encore lieu de constater que le commissariat du Gouvernement aux Etrangers retient que, selon les informations par lui obtenues, des médicaments pour épileptiques sont disponibles en Albanie, que les demandeurs n’établissent pas concrètement que ces médicaments leur seraient inaccessibles dans ce pays et qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier qu’un traitement d’ordre psychologique de Monsieur … serait impossible en Albanie.

Il échet encore de rappeler que le juge de l’annulation peut, lors de l’examen de l’exactitude des faits invoqués à l’appui d’une décision, de la pertinence des motifs dûment établis et du contrôle de cette décision sous l’aspect de la compétence, de l’excès ou du détournement de pouvoir, étendre son contrôle le cas échéant au caractère proportionnel de la mesure prise par rapport aux faits établis au cas où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité.

Or, en l’espèce, même s’il ressort des éléments du dossier soumis au tribunal que la maladie de Monsieur … nécessite un traitement médical suivi, la réduction des crises épileptique par voie médicamentale, constatée dans le rapport précité du 24 novembre 2000, et la disponibilité de médicaments pour épileptiques en Albanie constituent des éléments de fait qui sont de nature à écarter l’existence d’une disproportion flagrante entre la décision de refus d’autorisation de séjour, en l’état actuel du dossier, pour des raisons humanitaires et les faits établis en cause, tenant essentiellement à l’état de santé de Monsieur …, de manière que le ministre n’a pas transgressé les confins du pouvoir d’appréciation lui conféré par l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 en rejetant la demande en obtention d’une autorisation de séjour lui soumise par les demandeurs.

Il s’ensuit que le recours sous analyse laisse d’être fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 mars 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15306
Date de la décision : 26/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-26;15306 ?

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