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26/03/2003 | LUXEMBOURG | N°15115

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 mars 2003, 15115


Tribunal administratif N° 15115 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juillet 2002 Audience publique du 26 mars 2003

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Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de l’Environnement en présence du syndicat des Eaux du Barrage d’Esch-sur-Sûre (SEBES) en matière d’établissements classés

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15115 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juillet 2002 par Maître Cl

aude BLESER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …,...

Tribunal administratif N° 15115 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juillet 2002 Audience publique du 26 mars 2003

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Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de l’Environnement en présence du syndicat des Eaux du Barrage d’Esch-sur-Sûre (SEBES) en matière d’établissements classés

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15115 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juillet 2002 par Maître Claude BLESER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’un arrêté du ministre de l’Environnement du 4 juin 2002 accordant au Syndicat des Eaux du Barrage d’Esch-sur-Sûre, établi à L-9650 Esch-sur-Sûre, rue de Lultzhausen, l’autorisation d’installer et d’exploiter une conduite d’eau potable entre le Preizerdaul et Junglinster via Mersch, comprenant une conduite principale et des conduites secondaires avec les spécifications plus amplement décrites dans la demande et reprises en début de cette décision ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch du 26 juillet 2000, portant signification de ce mémoire au Syndicat des Eaux du Barrage d’Esch-sur-

Sûre ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 5 décembre 2002 par Maître Jean WELTER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte du Syndicat des Eaux du Barrage d’Esch-sur-Sûre ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 10 décembre 2002, portant signification de ce mémoire en réponse au mandataire de Madame … ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 août 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Dominique FARYS, en remplacement de Maître Claude BLESER, Jean WELTER, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives aux audiences publiques des 27 janvier et 10 février 2003.

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En date du 25 octobre 2001, la société SGI Ingénierie introduisit pour compte du Syndicat des Eaux du Barrage d’Esch-sur-Sûre, ci-après désigné par « SEBES », une demande auprès du ministre de l’Environnement aux fins d’obtenir l’autorisation d’installer et d’exploiter une conduite d’eau potable, entre le Preizerdaul et Junglinster via Mersch, comprenant une conduite principale DN 700 d’une pression maximale de service de 32 bar et d’une longueur d’environ 31,5 kilomètres équipée d’une chambre à vannes de départ, de 6 chambres à vannes de sectionnement, de 20 chambres de vidange (au point bas de la conduite) et de 15 chambres de ventouse (aux points hauts de la conduite) et des conduites secondaires DN 300 d’une pression maximale de service de 32 bar et d’une longueur totale d’environ 2,75 kilomètres, cette demande ayant été complétée en décembre 2001.

Par décision du 4 juin 2002, le ministre autorisa l’installation et l’exploitation de l’établissement concerné, sous le respect de dix séries de conditions y plus amplement énoncées.

Par requête déposée en date du 12 juillet 2002, Madame …, dont la propriété sise au lieu-dit … , inscrite au cadastre sous les numéros … sera traversée par le tracé d’une partie de la conduite principale DN 700 faisant l’objet de la décision prévisée, a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation dudit arrêté ministériel du 4 juin 2002.

A l’appui de son recours la demanderesse fait valoir qu’une partie de la conduite d’eau principale sera enfuie dans des terrains dont elle est propriétaire, lesquels seraient situés en zone verte, alors que cette conduite pourrait parfaitement être installée dans un chemin rural longeant sa parcelle, de manière à éviter le préjudice auquel elle serait exposée pendant la réalisation des travaux, étant donné que toute exploitation agricole des terrains serait alors impossible. Elle conclut partant à la réformation de la décision déférée pour violation des lois et règlements en vigueur, sinon pour illégalité des motifs, sinon encore pour excès de pouvoir, au motif que le ministre n’aurait pas pu autoriser la réalisation des travaux de construction litigieux à défaut d’accord préalable du propriétaire des terrains concernés.

Dans son mémoire en réponse, le SEBES fait exposer que seule, en principe, une violation de la loi du 10 juin 1999 précitée pourrait entraîner la réformation de l’autorisation litigieuse, mais qu’en l’espèce il ne serait même pas allégué par la demanderesse que l’arrêté ministériel déféré contreviendrait à l’une quelconque des dispositions de cette loi ou méconnaîtrait des intérêts dont la loi confère la protection au ministre de l’Environnement.

Le délégué du Gouvernement rétorque de son côté que l’article 9 de la loi modifiée du 31 juillet 1962 ayant pour objet le renforcement de l’alimentation en eau potable du Grand-

Duché de Luxembourg à partir du réservoir d’Esch-sur-Sûre, en disposant que « les travaux, installations mécaniques et ouvrages nécessaires à l’établissement et à l’exploitation de la conduite d’eau sont déclarés d’utilité publique et dispensés de l’autorisation prévue par l’arrêté royal grand-ducal du 17 juin 1872 concernant le régime de certains établissements dangereux, insalubres ou incommodes », ferait en sorte qu’une autorisation au titre de la loi du 10 juin 1999 précitée ne serait pas requise en l’espèce, étant entendu que l’arrêté royal grand-ducal y visé du 17 juin 1872 fut remplacé par la loi du 16 avril 1979 relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes, laquelle fut remplacée par la loi du 9 mai 1990 relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes, laquelle, à son tour a été remplacée par celle prévisée du 10 juin 1999. Il fait valoir que si la procédure de commodo et incommodo a néanmoins été faite, il ne saurait pas pour autant être reproché au ministre d’avoir commis un excès de pouvoir en autorisant les travaux litigieux sans solliciter l’accord des propriétaires de terrains, étant donné que le seul moyen d’annulation invoqué par la demanderesse manquerait de la précision nécessaire pour pouvoir être utilement examiné en ce qu’elle fait état d’une « violation des lois et règlements en vigueur » sans indication aucune quant aux textes qui auraient concrètement été violés. Le représentant étatique relève en outre que dans la mesure où la demanderesse invoque un préjudice matériel, le tribunal administratif serait incompétent pour connaître de ses doléances, étant donné qu’en vertu de l’article 84 de la Constitution les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux judiciaires.

A titre subsidiaire, le délégué du Gouvernement fait valoir que l’intérêt à agir contre une autorisation délivrée sur base de la législation sur les établissements classés doit être conditionné par une violation des intérêts protégés par cette législation, laquelle n’aurait pas pour objet de protéger le droit de propriété, l’article 28 de la loi du 10 juin 1999 précitée disposant en effet que les autorisations qui sont accordées en vertu de cette loi ne préjudicient pas au droit des tiers, de sorte qu’un tiers qui se verrait troublé par l’exploitation d’un établissement classé pourrait se pourvoir devant le tribunal pour solliciter, le cas échéant, des dommages et intérêts. Or, dans la mesure où le motif de réformation tiré d’un trouble de la jouissance d’un droit de propriété n’aurait aucun rapport avec législation sur les établissements classés, le représentant étatique estime que le tribunal devrait se déclarer incompétent pour en connaître.

L’établissement litigieux, en l’occurrence une conduite d’eau d’une pression nominale supérieure à 16 bar, est à ranger sous la classe 1 suivant la nomenclature arrêtée par règlement grand-ducal du 16 juillet 1999 portant nomenclature et classification des établissements classés, de sorte qu’en vertu de l’article 19 de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, le tribunal administratif a compétence pour statuer comme juge du fond en la matière.

Le recours principal en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

S’il est certes vrai qu’à travers son article 9 la loi modifiée du 31 juillet 1962 précitée avait dispensé les travaux, installations mécaniques et ouvrages nécessaires à l’établissement et à l’exploitation d’une conduite d’eau, de l’autorisation prévue par l’arrêté royal grand-ducal du 17 juin 1872 concernant le régime de certains établissements dangereux, insalubres ou incommodes, il n’en demeure cependant pas moins que la loi modifiée du 16 avril 1979 relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes ayant abrogé ledit arrêté royal grand-ducal du 17 juin 1872 avait disposé dans son article 25 que « sont abrogées toutes les dispositions légales ou réglementaires dispensant certains établissements publics ou privés de se conformer aux dispositions de la réglementation concernant les établissements réputés dangereux, insalubres ou incommodes ; ces établissements devront se conformer aux dispositions de la présente loi dans un délai de trois à partir de son entrée en vigueur », de sorte que dès l’entrée en vigueur de cette loi, la dispense d’autorisation invoquée par le délégué du Gouvernement n’était plus d’actualité.

Aux termes de l’article 13, 1. de la loi du 10 juin 1999 précitée « les autorisations fixent les conditions d’aménagement et d’exploitation qui sont jugées nécessaires pour la protection des intérêts visés à l’article 1er de la présente loi, en tenant compte des meilleures techniques disponibles, dont l’applicabilité et la disponibilité n’entraînent pas de coûts excessifs ». Ledit article a précisé en outre sous son point 3. que « l’autorisation du ministre ayant dans ses attributions l’environnement détermine les conditions d’aménagement et d’exploitation visant l’environnement humain et naturel, telles que la protection de l’air, de l’eau, du sol, de la faune et de la flore, la lutte contre le bruit et les vibrations, l’utilisation rationnelle de l’énergie, la prévention et la gestion des déchets ».

Le tribunal étant appelé à examiner l’acte litigieux en principe par rapport aux seuls moyens avancés en cause par la partie demanderesse, il y a lieu de constater, tel que relevé par les parties défenderesse et tierce intéressée, que les doléances avancées par la demanderesse se limitent à la considération que la conduite d’eau litigieuse pourrait parfaitement être installée dans le chemin rural longeant la propriété de Madame …, que par ailleurs pendant la réalisation des travaux projetés, toute exploitation agricole de ses terrains serait impossible ce qui lui causerait un préjudice certain, et que le ministre n’aurait pas pu autoriser la réalisation des travaux de construction à défaut d’accord préalable du propriétaire des terrains concernés.

Force est de constater qu’au-delà d’établir l’intérêt à agir de la demanderesse en l’espèce, lesdites considérations sont étrangères à la matière administrative pour autant qu’elles ont trait à une lésion alléguée des droits de propriété de la demanderesse, étant donné que les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux judiciaires.

Quant aux autres moyens avancés en cause, force est encore de constater que la demanderesse ne fait pas état d’une quelconque violation des intérêts protégés par la législation pertinente en l’espèce, en l’occurrence la loi du 10 juin 1999 précitée, de sorte qu’à défaut de toute indication concrète relative aux dispositions légales ou réglementaires qui, de l’avis de la demanderesse, auraient été violées en l’espèce, le tribunal n’a pas été mis en mesure d’analyser concrètement la légalité, ni a fortiori l’opportunité de la décision déférée.

En effet, il incombe au demandeur de fournir les éléments concrets sur lesquels il se base aux fins de voir établir les causes de réformation qu’il allègue, étant entendu que la légalité de la décision administrative régulièrement prise reste acquise jusqu’à l’établissement d’éléments de fait et de droit permettant au tribunal de prononcer son annulation ou sa réformation et qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse à cet égard.

La partie demanderesse n’ayant pas autrement explicité les moyens présentés à l’appui de son recours, il se dégage des considérations qui précèdent qu’en l’état du dossier tel que soumis au tribunal le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;

condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 mars 2003 par:

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15115
Date de la décision : 26/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-26;15115 ?

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