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24/03/2003 | LUXEMBOURG | N°15068

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 mars 2003, 15068


Tribunal administratif N° 15068 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juin 2002 Audience publique du 24 mars 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise d’impôts

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15086 du rôle, déposée en date du 27 juin 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Charles DURO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de Monsieur …, …, demeurant à L-…, tenda

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Tribunal administratif N° 15068 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juin 2002 Audience publique du 24 mars 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise d’impôts

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15086 du rôle, déposée en date du 27 juin 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Charles DURO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de Monsieur …, …, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 27 mars 2002 refusant de faire droit à une demande de remise gracieuse du 7 février 1997 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé le 27 novembre 2002 au greffe du tribunal administratif ;

Vu la constitution de nouvel avocat déposée le 10 février 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de Monsieur … ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Nathalie SCHROEDER, en remplacement de Maître Georges PIERRET, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 mars 2003.

Par lettre du 7 février 1997, adressée au directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », Monsieur … introduisit une demande en remise gracieuse.

Le contenu même de la lettre fut précédé par un chapeau ayant la teneur suivante :

« Conc. : Demande gracieuse aux fins d’application de la décision du 16.12.1992 en faveur des bois sinistrés durant l’ouragan de 1990, dont texte ci-après :

« Les produits bruts des coupes dues aux dégâts causés par les tempêtes de l’hiver 1989/1990 sont censés être égaux au total de la valeur comptable du bois abattu, des frais de coupe et des frais annexes ainsi que des frais ultérieurs de culture et de replantation.

L’application de cette mesure gracieuse, qui est sujette à demande, englobe les subsides pour le reboisement et exclut toute déduction ultérieure pour frais de replantation sur la surface en question, ceci indépendamment de l’exercice en question ».

Suivant copie de lettre réf. 107/93 du 21.01.1993 du ministère de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural au Groupement des Sylviculteurs ci-jointe. » Dans le corps de sa lettre, Monsieur … expliqua que l’exploitation de ses chablis n’aurait commencé que très tardivement à cause de sa maladie. Il précisa les parcelles pour lesquelles la demande gracieuse est présentée et demanda de voir nivelée la globalité des résultats sylvicoles des exercices 1992 à 1996 par annuités constantes, notamment à cause du défaut de versement effectif des subventions. Au-delà de l’exercice 1996, il pria l’administration des Contributions directes de lui accorder des provisions dûment motivées et justifiées à valoir sur les résultats sylvicoles de 1992 à 1996 tous dépendants des effets de chablis de 1990.

Le 22 octobre 1998, le bureau d’imposition d’Ettelbrück fit parvenir à Monsieur … les bulletins d’établissement des revenus d’entreprises collectives et des copropriétés pour les années 1993, 1994, 1995 et 1996.

Le 12 novembre 1998, le bureau d’imposition de … fit parvenir à Monsieur … les bulletins de l’impôt sur le revenu pour les années 1992, 1994, 1995 et 1996 tels que documentés au dossier.

Le 27 mars 2002, le directeur refusa de faire droit à la demande en remise gracieuse d’impôt précitée du 7 février 1997, en motivant sa décision de la façon suivante :

« Considérant qu’une lettre du 21 janvier 1993 (réf 107/93) du ministère de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural faisait état de la possibilité d’une demande gracieuse dans ce sens ;

Considérant qu’en vertu du paragraphe 131 AO, sur demande dûment justifiée endéans les délais du paragraphe 153 AO, le directeur de l’administration des contributions directes accordera une remise d’impôt ou même la restitution, dans la mesure où la perception de l’impôt dont la légalité n’est pas contestée, entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ;

Considérant qu’aux termes du paragraphe 153 AO, le délai pour l’introduction d’une requête est d’une année civile après que le requérant a eu connaissance des faits sur lesquels il entend fonder sa demande ;

En l’espèce, les faits sur lesquels le requérant entend fonder sa demande datent au début de l’année 1993, date de la lettre précitée ;

La demande est partant à déclarer tardive ;

Par ces motifs, Décide :

La demande gracieuse est tardive » .

Par requête déposée le 27 juin 2002 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a introduit un recours contentieux contre la décision directoriale du 27 mars 2002.

Etant donné que le § 131 de la loi générale des impôts, dite « Abgabenordnung » (AO), prévoit en la matière un recours de pleine juridiction, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.

Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le tribunal n’étant pas tenu de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l’intérêt de l’administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, peut les traiter suivant un ordre différent1, il y a lieu d’analyser en premier lieu la problématique soulevée ayant trait au fait que la demande en remise gracieuse a été introduite avant l’émission des bulletins d’imposition afférents.

A ce sujet, Monsieur … expose que l’administration des Contributions directes n’aurait pas encore émis les bulletins d’impôt sur le revenu respectivement les bulletins d’établissement des revenus d’entreprises collectives pour les années 1992 à 1996 au moment de l’introduction de sa demande en remise gracieuse. De ce fait, une éventuelle dette d’impôt au titre de ces années ne serait devenue exigible qu’après l’établissement de ces bulletins et donc bien après le moment d’introduction de la demande en remise gracieuse. Il ajoute qu’en faisant une demande gracieuse le 7 février 1997, c’est-à-dire bien avant l’établissement de ses bulletins d’impôt, il ne pourrait dès lors se faire opposer une tardiveté de sa demande en remise gracieuse d’autant plus que toute tardiveté dans le traitement des déclarations et demandes présentées serait exclusivement imputable aux autorités fiscales et plus particulièrement ce ne serait que cinq ans après sa demande en remise gracieuse que le directeur l’aurait informé de la prétendue tardiveté y relative.

Le délégué du gouvernement fait valoir que le nouveau § 131 AO ne s’appliquerait qu’à la remise d’un impôt dont la légalité ne serait pas contestée pour en déduire que la demande en remise d’un impôt qui ne serait pas encore liquidé ainsi que la demande qui ne tendrait à une réduction de l’impôt qu’à travers une dérogation au régime légal des bases d’imposition ou aux règles tarifaires serait ainsi exclue. Dans la première hypothèse la rigueur de la perception ne pourrait être appréciée, ni surtout mesurée faute de connaître le chiffre à percevoir. Dans la deuxième hypothèse la demande ne relèverait pas de l’appréciation du directeur, mais supposerait un règlement pris en vertu du § 13 AO.

Il constate qu’il résulterait de la requête introductive de recours que les bulletins de l’impôt sur le revenu pour les années 1992 à 1996 dateraient seulement du mois de novembre 1998 soit un an et demi après la demande gracieuse et qu’en plus la demande de nivellement par annuités constantes de la globalité des résultats sylvicoles des exercices 1992 à 1996 dépasserait manifestement la compétence du directeur pour en fin de compte conclure que la demande du 7 février 1997 adressée par Monsieur … au directeur serait dès lors doublement irrecevable.

1 Cf. Trib. adm. 21 novembre 2001, n° 12921, Pas.adm. 2002, V° Procédure contentieuse, IV Requête introductive d’instance, p.134.

Le § 131 AO tel que modifié à travers la loi du 7 novembre 1996 se lit de la façon suivante :

« Sur demande dûment justifiée du contribuable endéans les délais du § 153 AO, le directeur de l’Administration des contributions directes ou son délégué accordera une remise d’impôt ou même la restitution, dans la mesure où la perception d’un impôt dont la légalité n’est pas contestée entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable. Sa décision est susceptible d’un recours au tribunal administratif, qui statuera au fond».

Il est constant que Monsieur … a introduit sa demande en remise gracieuse le 7 février 1997. Il est également constant que les bulletins cités ci-avant ont été émis après cette date.

D’après le texte même du § 131 AO, une remise d’impôts ne se conçoit qu’à condition que la légalité de l’impôt ne soit pas contestée. Cette condition exige que la cote d’impôt dont il s’agit soit fixée, sinon la vérification de l’absence d’une contestation ayant trait à la légalité de l’impôt est par définition impossible à opérer. Ce que demande le contribuable, c’est en effet la renonciation au recouvrement d’une créance fiscale incontestablement constituée2.

Même si la demande en remise gracieuse introduite le 7 février 1997 était prématurée au jour de son introduction, vu qu’à ce moment la cote d’impôt n’était même pas encore fixée, il y a lieu de considérer que Monsieur … est censé n’avoir pas renoncé à sa demande et l’avoir maintenue au moment de l’émission des bulletins d’impôts, à savoir en 1998, faute d’expression contraire de sa volonté y relative et de péremption afférente.

C’est dès lors à tort que le directeur a déclaré la demande introduite en 1997 comme tardive en retenant que les faits sur lesquels entend se fonder le demandeur datent du début de l’année 1993 pour lui reprocher qu’il n’aurait pas respecté la condition du délai d’un an pour l’introduction d’une demande en remise gracieuse, alors que ni en 1993 et 1994, ni d’ailleurs les années subséquentes, Monsieur … n’a pu valablement introduire une demande en remise gracieuse faute d’une dette d’impôt incontestablement fixée en relation avec les faits à la base de la demande en remise gracieuse.

Il résulte des développements qui précèdent que, par réformation de la décision directoriale déférée, il y a lieu de déclarer la demande en remise gracieuse du 7 février 1997 recevable et de renvoyer le dossier en prosécution de cause devant le directeur.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le dit justifié ;

2 Cf. Doc.parl. Nos 39404 et 3940A2, p. 10 partant par réformation de la décision directoriale déférée déclare la demande en remise gracieuse recevable ;

pour le surplus renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes en prosécution de cause ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 mars 2003 :

M. Delaporte, premier vice-président, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M.Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15068
Date de la décision : 24/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-24;15068 ?

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