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19/03/2003 | LUXEMBOURG | N°16057

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 mars 2003, 16057


Numéro 16057 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 février 2003 Audience publique du 19 mars 2003 Recours formé par les époux … et … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16057 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 février 2003 par Maître Stef OOSTVOGELS, avocat à la Cour, assisté de Maître

Philip BASLER-GRETIC, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Lux...

Numéro 16057 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 février 2003 Audience publique du 19 mars 2003 Recours formé par les époux … et … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16057 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 février 2003 par Maître Stef OOSTVOGELS, avocat à la Cour, assisté de Maître Philip BASLER-GRETIC, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des époux …, né le … , et …, née le … , tous les deux de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 12 décembre 2002, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée leur demande en obtention du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative prise par le prédit ministre le 4 février 2003 suite à un recours gracieux des demandeurs ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Philip BASLER-GRETIC et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 mars 2003.

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Le 27 novembre 2002, les époux … et …, introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Les époux…-… furent entendus en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Ils furent en outre entendus séparément le 5 décembre 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Par décision du 12 décembre 2002, le ministre de la Justice les informa que leur demande avait été rejetée comme étant manifestement infondée, au motif que les coups de feu tirés sur Monsieur… invoqués à l’appui de leur demande ne seraient pas de nature à fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, faute pour les demandeurs d’avoir fourni une quelconque indication quant aux raisons de cet attentat, voire d’avoir pu confirmer qu’ils étaient vraiment destinés à Monsieur….

Suite à un recours gracieux formulé par lettre de leur mandataire du 20 janvier 2003 à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 12 décembre 2002, le ministre de la Justice confirma sa décision initiale le 4 février 2003.

Les consorts…-… ont fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions ministérielles prévisées des 12 décembre 2002 et 4 février 2003 par requête déposée le 28 février 2003.

L’article 10 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile prévoyant expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs soutiennent que les décisions ministérielles déférées devraient être annulées en raison d’une appréciation erronée des faits.

Dans cet ordre d’idées, ils exposent que Monsieur… se serait senti personnellement visé et menacé dans son village au point de perdre le courage d’y rester. Estimant avoir rapporté la preuve d’avoir fait l’objet de menaces de mort à travers des coups de fusil tirés sur Monsieur…, certainement dans le but de lui donner un dernier avertissement avant de passer à l’acte, les demandeurs estiment que ce serait à tort que le ministre a retenu que leur demande ne répondrait à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, étant donné l’appartenance de Monsieur… au parti politique LDK (Ligue démocratique) considéré comme modéré, mais de plus en plus attaqué par des militants indépendantistes. Ils se réfèrent à cet égard à des témoignages répétés de la population suivant lesquels ces groupes militants, souvent étroitement liés à la mafia locale, n’hésiteraient pas à forcer leurs adversaires, critiques de leur politique d’indépendance immédiate et sans condition, à quitter la région, sinon le pays tout court. Les demandeurs se réfèrent en outre à différents rapports documentant la situation générale tendue au Kosovo.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande. Lorsque le demandeur invoque la crainte d’être persécuté dans son propre pays, mais qu’il résulte des éléments et renseignements fournis que le demandeur n’a aucune raison objective de craindre des persécutions, sa demande peut être considérée comme manifestement infondée ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (cf. trib. adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 91 et autres références y citées).

En l’espèce, il ressort du rapport de l’audition des demandeurs du 5 décembre 2002 que les coups de feu tirés sur Monsieur…, invoqués à l’appui de la demande d’asile sous examen, ont émané de personnes non identifiées et que les demandeurs ignorent les raisons de cette opposition, de sorte que les éléments du dossier tels que présentés en cause ne comportent aucun élément permettant d’assimiler les incidents ainsi relatés à des persécutions au sens de la Convention de Genève. En effet, faute d’explication tangible permettant d’écarter raisonnablement la présomption qu’il s’est agi d’incidents relevant de la criminalité de droit commun, les craintes afférentes des demandeurs invoquées à l’appui de leur demande traduisent un sentiment général d’insécurité sans lien particulier avec les critères de la Convention de Genève.

Il s’ensuit que le ministre de la Justice a valablement pu se fonder sur l’article 3 du règlement grand-ducal précité du 22 avril 1996 pour rejeter la demande d’asile des demandeurs comme étant manifestement infondée, de manière que le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 mars 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16057
Date de la décision : 19/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-19;16057 ?

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