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19/03/2003 | LUXEMBOURG | N°16024

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 mars 2003, 16024


Numéro 16024 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 février 2003 Audience publique du 19 mars 2003 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16024 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 février 2003 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, ins

crit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des époux …, né le …, et …, née l...

Numéro 16024 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 février 2003 Audience publique du 19 mars 2003 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16024 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 février 2003 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des époux …, né le …, et …, née le …, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leur enfant mineur … …, née le …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 5 décembre 2002, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée leur demande en obtention du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative prise par ledit ministre le 15 janvier 2003 suite à un recours gracieux des demandeurs ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 mars 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2003 par Maître François MOYSE au nom des demandeurs ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Joëlle NEISS, en remplacement de Maître François MOYSE, et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 mars 2003.

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Le 22 octobre 2002, les époux … et …, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leur enfant mineur …, introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Les époux …-… furent entendus en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Ils furent en outre entendus séparément le 18 novembre 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Par décision du 5 décembre 2002, leur envoyée par courrier recommandé le 16 décembre 2002, le ministre de la Justice les informa que leur demande avait été rejetée comme étant manifestement infondée, au motif que les menaces par eux invoquées seraient peu précises et difficilement crédibles, de même qu’elles ne répondraient à aucun des critères de fond définis dans le cadre de l’article 1er, A) de la Convention de Genève.

Le ministre a relevé en outre que le Monténégro serait à considérer comme un pays où il n’existe pas, en règle générale, de sérieux risques de persécution.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre de leur mandataire du 8 janvier 2003 à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 5 décembre 2002, le ministre de la Justice confirma sa décision initiale le 15 janvier 2003.

Les consorts …-… ont fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions ministérielles prévisées des 5 décembre 2002 et 15 janvier 2003 par requête déposée le 20 février 2003.

L’article 10 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile prévoyant expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs soutiennent que les décisions ministérielles déférées devraient être annulées en raison d’une appréciation erronée des faits.

Dans cet ordre d’idées, ils exposent avoir subi dans leur pays d’origine des persécutions en raison de leur religion et de leur appartenance à la famille « … », qui se seraient manifestées par des harcèlements de la part de la police locale sous forme notamment de l’interdiction leur adressée d’utiliser le seul chemin d’accès de la ville vers leur maison. Les demandeurs exposent que ce traitement de la part des forces de l’ordre aurait ses racines dans la circonstance que plusieurs policiers auraient été suspendus de leurs fonctions pour avoir battu des cousins de Madame … pendant plus d’une demie heure sans raison particulière. Ils critiquent les décisions déférées pour défaut de motivation valable et reprochent au ministre d’avoir classé leurs paroles dans la catégorie « invraisemblables », ainsi que d’avoir considéré leur demande d’asile comme étant abusive, étant donné qu’ils n’auraient utilisé leur droit de demander l’asile que dans leur propre intérêt et sans avoir eu l’intention de nuire à une tierce personne. Quant à leur situation particulière, ils relèvent avoir à de multiples occasions fait l’objet de traitements discriminatoires du seul fait d’être de confession musulmane et que la situation actuelle au Monténégro, malgré les réformes entamées au niveau du gouvernement national, serait toujours empreinte d’instabilité et de terreur.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre de la Justice a fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours laisserait d’être fondé.

Il convient d’examiner d’abord le moyen exposé par les demandeurs suivant lequel les décisions déférées ne contiendraient pas une indication suffisante des motifs se trouvant à leur base.

Ledit moyen d’annulation est à écarter, étant donné que, même en admettant que le reproche soit justifié ce qui n’est pas le cas en l’espèce, le défaut d’indication des motifs ne constitue pas une cause d’annulation de la décision ministérielle prise, pareille omission d’indiquer les motifs dans le corps même de la décision que l’autorité administrative a prise entraînant uniquement que les délais impartis pour l’introduction des recours ne commencent pas à courir. En effet, au vœu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, la motivation expresse d’une décision administrative peut se limiter à un énoncé sommaire de son contenu et il suffit, pour qu’un acte de refus soit valable, que les motifs aient existé au moment de la prise des décisions, même si l’administration concernée les fournit seulement sur le tard à la demande de l’administré ou le cas échéant au cours de la procédure contentieuse. En l’espèce, les motifs énoncés dans les décisions ministérielles déférées, ensemble les compléments apportés par le représentant étatique au cours de la procédure contentieuse, ont permis aux demandeurs d’assurer la défense de leurs intérêts en connaissance de cause sans qu’ils aient pu se méprendre sur la portée du refus ministériel.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande. Lorsque le demandeur invoque la crainte d’être persécuté dans son propre pays, mais qu’il résulte des éléments et renseignements fournis que le demandeur n’a aucune raison objective de craindre des persécutions, sa demande peut être considérée comme manifestement infondée ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (cf. trib. adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 91 et autres références y citées, p. 298).

En l’espèce, il ressort du rapport de l’audition des demandeurs du 18 novembre 2002 que les problèmes par eux allégués trouvent leur source essentiellement dans des problèmes rencontrés par les membres de la famille de Madame …, de manière à s’analyser en des manifestations de vengeances relevant d’une criminalité de droit commun, laquelle, quels que soient la gravité et le caractère condamnable desdits actes, à les supposer établis, ne saurait être qualifiée de persécution au sens de la Convention de Genève, mais traduisent plutôt dans le chef des demandeurs un sentiment général d’insécurité. Il s’y ajoute que d’après les déclarations-mêmes des demandeurs les agressions commises à l’égard des cousins de Madame … ne sont pas restées sans suite, mais se seraient soldées par la suspension, voire le licenciement des policiers coupables, de sorte que les éléments du dossier ne portent pas à admettre une carence au niveau des autorités en place quant à leur capacité d’offrir une protection appropriée à leurs habitants à travers une poursuite adéquate des infractions commises.

Il s’ensuit que le ministre de la Justice a valablement pu se fonder sur l’article 3 du règlement grand-ducal précité du 22 avril 1996 pour rejeter la demande d’asile des demandeurs comme étant manifestement infondée, de manière que le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 mars 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16024
Date de la décision : 19/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-19;16024 ?

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