La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/03/2003 | LUXEMBOURG | N°16022

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 mars 2003, 16022


Tribunal administratif N° 16022 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 février 2003 Audience publique du 19 mars 2003

===========================

Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

-------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16022 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 février 2003 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l

’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave, demeurant a...

Tribunal administratif N° 16022 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 février 2003 Audience publique du 19 mars 2003

===========================

Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

-------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16022 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 février 2003 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 15 janvier 2003 confirmant une décision initiale du 12 décembre 2002 par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée une demande en obtention du statut de réfugié politique introduite par le demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 mars 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2003 par Maître François MOYSE au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Joëlle NEIS, en remplacement de Maître François MOYSE, et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 mars 2003.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Monsieur … introduisit en date du 14 novembre 2002 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, ainsi qu’en date du 3 décembre 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur …, par lettre du 12 décembre 2002, lui envoyée par courrier recommandé du 19 décembre 2002, que sa demande avait été rejetée aux motifs qu’il reconnaîtrait n’avoir subi ni mauvais traitements, ni persécutions et n’avoir aucun problème lié à ses opinions politiques, religieuses, ni à un certain groupe social. Le ministre a relevé en outre que le demandeur a précisé lors de son audition demander au Luxembourg l’asile économique, pour retenir que sa demande ne répondrait à aucun des critères de fond définis dans le cadre de l’article 1er, A, 2 de la Convention de Genève, de sorte à constituer un recours abusif aux procédures en matière d’asile.

Le recours gracieux formé par le mandataire de Monsieur … à l'encontre de la décision ministérielle précitée à travers un courrier datant du 8 janvier 2003 ayant été rencontré par une décision ministérielle confirmative du 15 janvier 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l'annulation des décisions ministérielles prévisées des 12 décembre 2002 et 15 janvier 2003 par requête déposée le 20 février 2003.

Etant donné que l'article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1.

d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile, 2. d'un régime de protection temporaire, disposant expressément qu'en matière de demandes d'asile déclarées manifestement infondées au sens de l'article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation des décisions ministérielles critiquées formulée à travers la requête sous analyse.

Le recours en annulation introduit à titre subsidiaire est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi, étant entendu que la décision confirmative du 15 janvier 2003 fut notifiée à Monsieur … en date du 21 janvier 2003 seulement.

A l’appui de son recours, le demandeur fait d’abord valoir que les décisions déférées violeraient l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes en ce qu’elles ne répondraient pas à l’obligation de motivation y inscrite.

Ledit moyen d’annulation est cependant à écarter, étant donné qu’en tout état de cause le défaut d’indication des motifs ne constitue pas une cause d’annulation de la décision ministérielle prise, pareille omission d’indiquer les motifs dans le corps même de la décision que l’autorité administrative a prise, par ailleurs non établie en l’espèce, entraînant uniquement que les délais impartis pour l’introduction du recours ne commencent pas à courir. En effet, au vœu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, la motivation expresse d’une décision administrative peut se limiter à un énoncé sommaire de son contenu et il suffit, pour qu’un acte de refus soit valable, que les motifs aient existé au moment de la prise de la décision, de sorte que l’administration concernée peut le cas échéant les fournir ex post sur demande de l’administré, voire au cours de la procédure contentieuse seulement.

En l’espèce, les motifs énoncés en fait et en droit dans la décision ministérielle, ensemble les compléments apportés par le représentant étatique au cours de la procédure contentieuse, ont permis au demandeur d’assurer la défense de ses intérêts en connaissance de cause, sans qu’il ait pu se méprendre sur la portée du refus ministériel lui opposé.

Le demandeur reproche ensuite au ministre de se baser à la fois sur le fait que la demande d’asile sous examen serait manifestement infondée et sur la considération qu’elle constituerait un recours abusif aux procédures d’asile. Il fait valoir à cet égard que même s’il était à qualifier de réfugié économique, le ministre n’aurait pas pu cataloguer sa demande comme étant une demande manifestement infondée traduisant un abus de droit et cumulativement une demande infondée comme ne répondant pas à l’un des critères de fond définis par la Convention de Genève. Il estime qu’en l’absence de tout autre statut d’asile alternatif, tel qu’une procédure d’accueil pour demandeurs d’asile à caractère économique, il ne saurait être suspecté d’avoir eu un recours abusif à une procédure d’asile légalement instituée.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New-York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En l’espèce, le ministre a retenu que la demande présentée par Monsieur … « ne répond donc à aucun des critères de fond définis dans le cadre de l’article 1er A, 2 de la Convention précitée, mais constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

L’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile amène le tribunal à conclure qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, à savoir le Kosovo. En effet, lors de son audition du 3 décembre 2002, le demandeur a expressément déclaré qu’il veut l’asile économique, étant donné qu’il ressort d’une famille nombreuse et que personne n’a du travail, de même qu’interrogé sur les conséquences éventuelles d’un retour dans son pays, il a répondu que son seul problème serait qu’il risquerait de traîner dans la rue faute de disposer d’un travail.

En outre, lors de son audition du 14 novembre 2002 par un agent du service de police judiciaire, le demandeur a déclaré : « Ich habe keinerlei Probleme mit den yougoslawischen Behörden in meiner Heimat. Ich kann lediglich wirtschaftliche Gründe anführen, welche mich veranlassten das Kosovo zu verlassen (…). Ich möchte hierlands arbeiten ».

Le caractère essentiellement économique de la demande d’asile de Monsieur … ayant par ailleurs été confirmé en cours d’instance contentieuse par son mandataire, le tribunal constate que le demandeur base ses craintes de persécution essentiellement sur la mauvaise situation économique générale existant dans son pays d’origine, sans apporter davantage de précisions quant aux persécutions qu’il risquerait personnellement de subir du fait de cette situation.

Il s’ensuit que la demande d’asile ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, de manière à s’inscrire clairement dans les prévisions de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 précité.

Dans la mesure où ce motif de refus est suffisant à lui seul pour justifier en fait et en droit la décision déférée, il n’y a pas lieu d’examiner plus en avant les développements du demandeur relatif au fait que le ministre a également qualifié sa demande d’asile comme étant constitutive d’un recours abusif aux procédures en matière d’asile, étant donné que l’argumentation afférente déployée, même si elle était fondée, n’est en tout état de cause pas de nature à énerver la conclusion ci-avant dégagée relative au fait que la demande d’asile litigieuse rentre dans les prévisions de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 précité.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous examen est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 mars 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16022
Date de la décision : 19/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-19;16022 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award