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17/03/2003 | LUXEMBOURG | N°15335

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 mars 2003, 15335


Tribunal administratif N° 15335 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 septembre 2002 Audience publique du 17 mars 2003 Recours formé par la société anonyme …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise d’impôts

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15335 du rôle, déposée en date du 9 septembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Nico Schaeffer, avocat à la Cour, assisté de Maître Claude GEIBEN, avocat à la Cour, inscrits tous les deux à l’Ordre des avoca

ts à Luxembourg, pour le compte de la società per azioni de droit italien …, ayant son si...

Tribunal administratif N° 15335 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 septembre 2002 Audience publique du 17 mars 2003 Recours formé par la société anonyme …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise d’impôts

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15335 du rôle, déposée en date du 9 septembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Nico Schaeffer, avocat à la Cour, assisté de Maître Claude GEIBEN, avocat à la Cour, inscrits tous les deux à l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de la società per azioni de droit italien …, ayant son siège social à …, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 7 juin 2002 refusant de faire droit à une demande de remise gracieuse de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial pour l’année 1998 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé le 18 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Nico SCHAEFFER au nom de la società per azioni de droit italien … déposé le 10 janvier 2003 au greffe du tribunal administratif ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale litigieuse ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Teresa ANTUNES MARTINS, en remplacement de Maître Nico SCHAEFFER, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 février 2003.

Par lettre du 14 août 2001, entrée le 17 août 2001, à la direction des Contributions, la société civile …-Réviseurs d’entreprises, introduisit, pour le compte de la société …, préqualifiée, auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, désigné ci-

après par « le directeur », une demande de remise gracieuse des impôts sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial de l’année 1998.

Le 13 mai 2002, le préposé du bureau d’imposition émit son avis au sujet de la demande de remise gracieuse.

Le 7 juin 2002, le directeur refusa de faire droit à la demande de remise gracieuse des impôts susdits aux motifs suivants :

« Force est de constater que le moyen invoqué dans la demande s’analyse en une contestation de la légalité de l’impôt, étrangère en tant que telle à la matière gracieuse (cf. T.A. N° 11196 du 27.10.99 et confirmé par C.A. N° 11703C du 30.3.2000) Considérant que la demande gracieuse ne doit pas servir à contourner la forclusion attachée au délai contentieux ou le réexamen d’office, la rigueur de la perception ne saurait être prétexte à un contrôle virtuel du bien-fondé de l’imposition ;

Considérant qu’une rigueur subjective ne saurait dans le présent cas être admise, faute de motivation dans ce sens ;

Considérant que partant les conditions pouvant légalement justifier une remise gracieuse ne sont pas remplies ; » Par requête, déposée au greffe du tribunal administratif le 9 septembre 2002, la société … fit introduire un recours en annulation sinon en réformation contre la décision du directeur prévisée du 7 juin 2002 en sollicitant la remise gracieuse des impôts en question pour l’année d’imposition 1998.

Etant donné que le paragraphe 131 de la loi générale des impôts, dite « Abgabenordnung » (AO), prévoit en la matière un recours de pleine juridiction, le recours en annulation introduit en ordre principal est irrecevable. Le recours en réformation introduit en ordre subsidiaire ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Au fond, la société … expose que les revenus déclarés pour 1998 consisteraient exclusivement en un produit de réalisation d’une participation dans la société néerlandaise … et d’un prêt contre cette même société racheté par la société … ensemble avec la participation.

Le revenu provenant de l’aliénation de cette même participation serait exonéré de toute imposition sur le revenu au vu du règlement grand-ducal du 24 décembre 1990 sur la cession de participations importantes pris sur base de l’article 166 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (LIR). Elle poursuit que ce serait à cause d’une erreur purement matérielle que le prix de cession de cette participation (prêt cédé avec la participation inclus) aurait été faussement ventilé dans les chiffres déclarés. Le prix total de la cession de la participation en 1998 dans …. aurait été de 220.962 HFL et comme la participation aurait été acquise en 1993 pour 30.000 HFL, la plus-value de cession serait partant de 190.962 HFL. Elle ajoute que la créance contre … aurait été cédée au prix de son nominal, telle qu’acquise en 1993, soit 95.000 HFL, de sorte qu’il n’y aurait pas eu de raison pour céder la créance à un montant supérieur à son nominal. Au lieu d’indiquer une plus-value exonérée de 190.962 HFL, l’annexe à la déclaration d’impôts indiquerait erronément une plus-

value exonérée de seulement 40.225.757 ITL. Elle estime qu’en conséquence de cette erreur matérielle une plus-value de cession (inexistante) sur la réalisation du prêt aurait été mise en compte et imposée. Ainsi le bulletin d’imposition au titre de l’impôt sur le revenu des collectivités pour 1998 ferait état d’une charge d’impôt de 718.224 LUF résultant exclusivement de la prédite erreur dans l’assiette d’imposition respectivement dans l’assiette d’exonération et le bulletin d’imposition au titre de l’impôt commercial communal pour 1998 ferait état d’une charge d’impôt de 160.200 LUF résultant exclusivement de la prédite erreur d’imposition. Elle note que le bureau d’imposition n’aurait nullement critiqué, mais accepté sans réserves le principe de l’exonération de la cession de la participation et qu’il en résulterait que ce serait manifestement à tort, sans raison objective, et contre le principe de toute équité qu’une partie de la plus-value de la cession de la participation aurait été exonérée, et qu’une autre partie de la même plus-value de cession (du même prix de cession) aurait été imposée. Elle soutient qu’une rectification ne s’imposerait pas seulement au vu des principes inscrits à l’article 166 et de son règlement d’application du 24 décembre 1990, mais surtout au titre du principe d’équité élémentaire qu’une plus-value – exonérée sur base des prédits textes légaux et réglementaires – ne serait pas en même temps soumise à deux régimes différents, c’est-à-dire partiellement imposée et partiellement exonérée, en dépit de textes décrétant une exonération complète et que cette conclusion se justifierait d’autant plus que le principe de l’exonération aurait été accepté sans réserves par l’administration et que la seule source de l’erreur est une erreur matérielle prouvée dans les chiffres. Elle est d’avis que la demande présentée sur base du paragraphe 131 AO se justifierait sur base de la considération objective « qu’en l’espèce une rigueur objective résulte d’une fausse application de la loi fiscale ayant entraîné au détriment du contribuable la fixation d’un montant d’impôt trop élevé » et qu’en l’espèce il ne ferait aucun doute que le législateur aurait voulu une exonération pleine et entière de la plus-value sur la participation cédée. Elle poursuit que d’éventuelles forclusions à l’endroit d’un recours gracieux ou contentieux contre le bulletin d’imposition ne devraient pas à elles seules enlever toute possibilité d’agir sur base du paragraphe 131 AO, dans un cas où il serait question d’une seule erreur matérielle, très facilement vérifiable et ne faisant l’objet d’aucun doute. Elle termine qu’en conséquence l’argument invoqué par le directeur pour écarter le recours sur base du paragraphe 131 AO serait en porte à faux avec les conditions d’application de cette même disposition et que la motivation comme quoi « le moyen invoqué dans la demande s’analyse en une contestation de la légalité de l’impôt, étrangère en tant que telle à la matière gracieuse » serait inappropriée et contestable dans le cas concret de la société ….

Le délégué du gouvernement déposa le 18 décembre 2002 son mémoire en réponse au greffe du tribunal administratif dans lequel il retient que le recours en réformation serait non fondé.

La société … déposa le 10 janvier 2002 un mémoire en réplique au greffe du tribunal administratif dans lequel elle conclut à l’irrecevabilité pour cause de tardiveté du mémoire en réponse déposé par le délégué du gouvernement en date du 18 décembre 2002.

Au vœu de l’article 5, paragraphe 1 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, il appartient au défendeur de fournir sa réponse dans le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive.

La requête introductive ayant été déposé au greffe du tribunal administratif le 9 septembre 2002, et le dépôt de cette requête valant signification à l’Etat, le mémoire en réponse aurait dû être déposé au plus tard le lundi 16 décembre 2002, compte tenu de la suspension des délais entre le 16 juillet le 15 septembre.

Le mémoire en réponse ayant été déposé le mercredi 18 décembre 2002, il appartient au tribunal, en application de l’article 5, paragraphe 6 de ladite loi modifiée du 21 juin 1999 aux termes duquel le délai en question est prévu à peine de forclusion, d’écarter le mémoire en réponse étatique déposé hors délai. Le mémoire en réplique n’étant qu’une réponse au mémoire en réponse écarté, le même sort le frappe.

Au vu du paragraphe 131 AO cité ci-avant, une remise gracieuse se conçoit « dans la mesure où la perception d’un impôt dont la légalité n’est pas contestée entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ».

Une remise gracieuse, à condition que la légalité de l’impôt ne soit pas contestée, n'est justifiée que si ou bien la situation personnelle du contribuable est telle que le paiement de l'impôt compromet son existence économique et le prive des moyens de subsistance indispensables, ou bien si objectivement l'application de la législation fiscale conduit à un résultat contraire à l'intention du législateur (cf. Trib. adm. 18 novembre 1998, n° 10364 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Impôts, sous IX. Remise gracieuse, n° 205, p. 344 et autres décisions y citées).

En l’espèce, il appartient au tribunal d’analyser si la demande de remise gracieuse se conçoit dans le cadre d’une rigueur objective. En effet la société … n’a avancé aucun moyen tendant à faire admettre que la demande de remise gracieuse devrait se concevoir dans le cadre d’une rigueur subjective.

La première vérification, préalable, à faire est celle de savoir si la légalité de l’impôt n’est pas contestée.

Il est établi que la société … a cédé en 1998 sa participation dans une société néerlandaise, acquise en 1993 pour un montant de 30.000 HFL, au prix de 220.962 HFL. Au même moment elle a également cédé sa créance provenant d’un prêt à la même société au montant de 95.000 HFL. Sur la vente de la participation elle a ainsi réalisé une plus-value de 190.962,44 HFL.

En application de l’article 166 LIR, les revenus provenant de la cession d’une participation importante sont exonérés d’impôt.

Elle a fait introduire, par un courrier du 21 février 2000, sa déclaration d’impôt sur le revenu des collectivités et pour l’impôt commercial de l’année 1998. Une annexe à cette déclaration renseigne que la plus-value réalisée sur la vente de la participation a été multiplié par un rapport participation/prêt + participation. Par l’application de ce rapport le montant total de la plus-value a été amoindri.

Le 2 juin 2000, l’administration des Contributions directes a fait parvenir à la société … le décompte y relatif en fixant les cotes d’impôt, conformément à la déclaration soumise, à un montant de 718.224 LUF pour l’impôt sur le revenu et à un montant de 160.200 LUF pour l’impôt commercial communal.

Le 2 février 2001, le conseil de la société … a fait valoir que le prédit rapport aurait été appliqué à tort et qu’il s’agirait d’une simple erreur de calcul à redresser.

La demande de remise gracieuse introduite le 14 août 2001 a la même teneur.

Une demande de remise gracieuse s’analyse en effet exclusivement en une demande du contribuable d’être libéré, sur base de considérations tirées de l’équité, de l’obligation de régler une certaine dette fiscale et ne saurait comporter par nature aucune contestation de la légalité de la fixation de cette même dette.

C’est dès lors à bon droit que le directeur a analysé la demande lui soumise comme une contestation de la légalité de la fixation de l’impôt sur le revenu de l’année 1998.

A cette constatation le fait de faire valoir que la fixation de l’impôt serait due à une simple erreur de calcul n’enlève rien.

En premier lieu, il n’est pas établi qu’il s’agit en l’espèce, comme la société … veut le faire admettre, d’une simple erreur matérielle très facilement vérifiable et ne faisant l’objet d’aucun doute. Les faits soumis au tribunal sont complexes, expliqués sur plusieurs pages des deux mémoires et se basent sur d’innombrables montants exprimés dans différentes devises, ensemble les taux de change y applicables ainsi que sur plusieurs transactions. Il a fallu à la demanderesse de verser quatre fardes de pièces pour prétendre à établir qu’il s’agirait d’une simple erreur de calcul et même encore à l’audience à laquelle l’affaire a été fixée pour plaidoiries, la mandataire de la société … a fait rectifier un montant indiqué, erronément selon elle, dans son mémoire écrit.

En effet la qualification de l’erreur en question nécessite une analyse approfondie du fond de l’affaire aboutissant à une contestation ayant trait à la légalité de l’impôt.

C’est encore à juste titre que le directeur a retenu que la demande en remise gracieuse ne doit pas servir à contourner la forclusion attachée au délai contentieux.

D’abord il est constant que la demande de remise gracieuse a été introduite après l’expiration du délai contentieux ou le réexamen d’office et ensuite tous les moyens avancés par la société … auraient pu servir dans le cadre de l’examen du recours contentieux et non pas dans le cadre d’une remise gracieuse d’impôts.

Vu que la condition de l’absence d’une contestation ayant trait à la légalité de la fixation de l’impôt n’est pas remplie en espèce, le cas d’ouverture de la remise gracieuse d’impôts n’est pas donné, de sorte qu’il n’y pas lieu d’analyser si la perception de l’impôt entraîne une rigueur objective incompatible avec l’équité.

Il s’ensuit que le recours dirigé contre la décision directoriale laisse d’être fondé et doit être rejeté.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, déclare le recours en annulation irrecevable, reçoit le recours subsidiaire en réformation en la forme, le dit cependant non justifié, partant le rejette, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 mars 2003 :

M. Delaporte, premier vice-président ;

M. Schroeder, juge ;

Mme Thomé, juge ;

en présence de M.Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15335
Date de la décision : 17/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-17;15335 ?

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