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17/03/2003 | LUXEMBOURG | N°15202

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 mars 2003, 15202


Tribunal administratif N° 15202 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 août 2002 Audience publique du 17 mars 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux délibérations du conseil communal de la Ville de Luxembourg en matière de promotion

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15202 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 août 2002 par Maître Serge URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau

de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, fonctionnaire communal, demeurant à L-…,...

Tribunal administratif N° 15202 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 août 2002 Audience publique du 17 mars 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux délibérations du conseil communal de la Ville de Luxembourg en matière de promotion

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15202 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 août 2002 par Maître Serge URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, fonctionnaire communal, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 15 octobre 2001 par laquelle celui-ci a procédé à une refixation du nombre de postes pouvant être occupés au cadre fermé de la carrière de l’ingénieur-technicien et a décidé de tenir en suspens le poste devenu vacant au grade 13 suite à cette refixation, ainsi que d’une décision du même conseil communal du 28 janvier 2002 lui accordant la promotion à la fonction d’ingénieur-technicien, inspecteur principal premier en rang, avec classement au grade 13 du barème légal avec effet seulement au 1er février 2002 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Yves TAPPELA, agissant en remplacement de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 6 août 2002, portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 26 septembre 2002 par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 26 septembre 2002 portant signification de ce mémoire en réponse à Monsieur … ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 octobre 2002 par Maître Serge URBANY au nom de Monsieur … ;

Vu la notification de ce mémoire en réplique du 25 septembre 2002 intervenue par télécopie à l’adresse de Maître Jean KAUFFMAN ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 20 novembre 2002 par Maître Jean KAUFFMAN pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu la notification de ce mémoire en duplique du 20 novembre 2002 intervenue par voie de télécopie adressée à Maître Serge URBANY ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée du 28 janvier 2002 ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Serge URBANY et Jean KAUFFMAN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 janvier 2003.

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A la suite d’une instruction disciplinaire ouverte à l’encontre de Monsieur … en date du 7 août 2001, le collège des bourgmestre et échevins prononça en date du 12 décembre 2001 à son encontre l’amende d’un huitième d’une mensualité brute de son traitement de base.

Cette sanction fut confirmée par décision du conseil communal du 11 mars 2002.

Lors de sa séance publique du 28 janvier 2002, le conseil communal de la Ville de Luxembourg accorda à Monsieur … une promotion à la fonction d’ingénieur-technicien, inspecteur principal premier en rang, avec classement au grade 13 du barème légal sur base des considérations suivantes :

« Considérant que par une délibération du 15 octobre 2001, il avait procédé à la refixation du nombre de postes pouvant être occupés au cadre fermé de la carrière de l’ingénieur-technicien ;

Considérant qu’à la suite de cette opération un poste supplémentaire est devenu vacant au grade 13, vacance reportée par voie de cascade au grade 12 ;

Considérant qu’il avait décidé à ce moment de tenir en suspens l’occupation du poste du grade 13, le fonctionnaire venant en rang utile au tableau d’ancienneté ayant fait l’objet d’une instruction disciplinaire ;

Considérant que le collège des bourgmestre et échevins a maintenant proposé d’accorder la promotion au fonctionnaire en question, celui-ci s’étant vu infliger la peine disciplinaire d’une amende et qu’il ne saurait entrer en ligne de compte de le sanctionner deux fois, à plus forte raison que la sanction du retard dans la promotion ne peut être décréteé par le conseil communal que sur avis du conseil de discipline ».

Par requête déposée en date du 2 août 2002, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 15 octobre 2001 par laquelle celui-ci avait procédé à une refixation du nombre de postes pouvant être occupés au cadre fermé de sa carrière et avait décidé de tenir en suspens le poste devenu vacant au grade 13 suite à cette refixation au motif qu’il a fait l’objet d’une instruction disciplinaire, ainsi que de la décision prévisée du conseil communal du 28 janvier 2002 lui accordant la promotion à la fonction d’ingénieur-technicien, inspecteur principal premier en rang, avec classement au grade 13 du barème légal sans spécification d’un effet particulier d’entrée en vigueur, soit avec effet au 1er février 2002 seulement.

La Ville de Luxembourg conclut à l’incompétence du tribunal pour connaître du recours principal en réformation en faisant valoir qu’il s’agirait d’une matière dans laquelle aucun recours en pleine juridiction ne serait prévu. Le demandeur rétorque à cet égard que la matière de promotion ferait partie intégrante des dispositions sur les traitements, de sorte que conformément aux dispositions de l’article 41 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, ci-après désigné par « le statut général », un recours en pleine juridiction serait admissible à l’encontre des décisions déférées.

Conformément aux dispositions de l’article 41 du statut général, seules les contestations auxquelles donnent lieu les décisions administratives relatives à la fixation des traitements en principal et accessoires et des émoluments, à la mise à la retraite ou à la pension des fonctionnaires communaux, sont de la compétence du tribunal administratif statuant comme juge du fond, de sorte qu’à défaut d’être expressément énoncée dans le cadre de cette disposition, une décision en matière de promotion ne saurait faire l’objet d’un recours au fond. Il s’ensuit que le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours de droit commun en annulation, introduit en ordre subsidiaire, l’ayant été dans les formes et délais prévus par la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours le demandeur fait valoir que c’est à tort que le conseil communal a décidé en date du 15 octobre 2001 de tenir en suspens sa nomination au poste devenu vacant au grade 13 et que cette décision s’analyserait en une sanction disciplinaire pour avoir engendré un retard effectif dans la promotion dans son chef. Il estime que le motif avancé à la base de cette décision de suspension, en l’occurrence l’existence d’une procédure disciplinaire pendante, ne serait pas de nature à la motiver légalement, de sorte qu’elle devrait encourir l’annulation.

Le demandeur ne critique la décision déférée du 28 janvier 2002 que dans la mesure où la promotion en faisant l’objet lui a été accordée sans spécification d’un effet particulier d’entrée en vigueur, de manière à n’avoir sorti ses effets qu’au 1er février 2002, alors qu’il estime avoir eu droit à cette promotion avec effet au 1er novembre 2001 déjà.

Dans cet ordre d’idées, il sollicite, d’après le dispositif de sa requête introductive d’instance, l’annulation de la décision du 28 janvier 2002, ainsi que le renvoi de l’affaire devant le conseil communal aux fins de lui accorder la promotion à la fonction d’ingénieur-

technicien, inspecteur premier en rang, avec classement au grade 13 du barème légal à partir du 1er novembre 2001, étant entendu que le demander a précisé dans son mémoire en réplique que l’annulation par lui sollicitée concerne uniquement la partie de la décision litigieuse lui ayant refusé l’avancement au 1er novembre 2001 et non pas celle qui lui a accordé l’avancement à partir du 1er février 2002.

La Ville de Luxembourg fait valoir que ce serait à bon droit qu’il a été décidé de tenir la nomination du demandeur en suspens en attendant le résultat de la procédure disciplinaire menée à sa charge et que même s’il était clair qu’en cas de nomination d’un fonctionnaire au poste devenu vacant au grade 13 par l’effet de la décision du 15 octobre 2001, c’était Monsieur … qui aurait dû en bénéficier par préférence, il n’en resterait pas moins qu’aucun texte n’obligerait l’administration à pourvoir un poste vacant, de sorte qu’en décidant de tenir cette nomination en suspens, le conseil communal n’aurait pris qu’une simple mesure conservatoire sans pour autant procéder à une mesure disciplinaire à l’égard du demandeur.

Malgré demande afférente du tribunal, les parties n’ont pas su produire comme tel le procès-verbal de la délibération du conseil communal du 15 octobre 2001 visée à travers les considérations de celle versée du 28 janvier 2002.

Il se dégage néanmoins des pièces versées au dossier et plus particulièrement des considérations expressément énoncées à la base de la décision déférée du 28 janvier 2002 du conseil communal, que celui-ci avait décidé en date du 15 octobre 2001 de tenir en suspens l’occupation du poste devenu vacant au grade 13 au motif que le fonctionnaire venant en rang utile au tableau d’ancienneté pour l’occuper, en l’occurrence Monsieur …, faisait l’objet d’une instruction disciplinaire. Les confins ainsi retenus de la décision litigieuse du 15 octobre 2001 sont par ailleurs confirmés en cause par la partie défenderesse, le mandataire de la Ville ayant affirmé que le conseil communal a effectivement décidé de tenir en suspens la nomination de Monsieur …, qui aurait dû bénéficier par préférence de la promotion au grade 13, dans l’attente du résultat de la procédure disciplinaire menée à sa charge.

L’article 58 du statut général énonce au titre des sanctions disciplinaires susceptibles d’être prononcées à l’encontre d’un fonctionnaire communal sous son point 7 « le retard dans la promotion ou l’avancement en traitement pour une durée ne dépassant pas une année. La sanction sort ses effets à partir du moment où le fonctionnaire l’ayant encourue est en rang utile pour une promotion ou un avancement en traitement.

En cas de retard dans la promotion, le fonctionnaire ne peut avancer que lors de la première vacance de poste qui se produit après l’accomplissement du délai fixé par la décision disciplinaire ».

En l’espèce, il est constant qu’à partir du 15 octobre 2001 Monsieur … était en rang utile pour occuper le poste vacant au grade 13. Il se dégage encore des faits tels que présentés en cause que c’est uniquement en raison de l’existence d’une procédure disciplinaire encore pendante à son encontre en date du 15 octobre 2001, que Monsieur … n’a pas bénéficié immédiatement de la promotion lui ultérieurement accordée par la décision également déférée du 28 janvier 2002.

Dans la mesure où le poste finalement attribué à Monsieur … et vacant dès le 15 octobre 2001 n’a dès lors pas été simplement non pourvu, mais que son occupation fut tenue en suspens d’une manière bien spécifique, en fonction de la seule issue de l’instruction disciplinaire menée à charge de Monsieur …, l’argumentation de la Ville de Luxembourg basée sur la considération d’ordre général suivant laquelle aucun texte n’obligerait l’administration à pourvoir un poste vacant pour soutenir que la décision litigieuse de suspendre la promotion de l’intéressé pendant une certaine durée ne serait pas constitutive d’une sanction disciplinaire, est insuffisante pour énerver le constat que la décision litigieuse rentre directement quant à ses effets dans les prévisions de l’article 58.7 prérelaté du statut général, en ce que par l’effet de cette suspension Monsieur … fut retardé dans la promotion pour une durée n’ayant pas dépassé en fait une année.

Or, force est de constater que le seul motif invoqué à la base de la décision litigieuse ainsi qualifiée, en l’occurrence le fait qu’une procédure disciplinaire était pendante à l’égard du fonctionnaire concerné, est insuffisant pour justifier légalement la prise de cette sanction disciplinaire à l’égard de Monsieur …, sous peine de préjuger du résultat de l’instruction en cours et de méconnaître les mécanismes de la procédure disciplinaire, de sorte qu’à défaut d’autres motifs fournis en cause, susceptibles de justifier la décision déférée, celle-ci encourt en tout état de cause l’annulation pour défaut de motivation valable, dans la mesure où elle a suspendu l’occupation du poste vacant au grade 13 par Monsieur ….

Force est de constater encore que le retard dans la promotion effectivement essuyé par Monsieur …, tout en étant rattachable à la décision de tenir en suspens sa nomination, n’a sorti la plénitude de ses effets que par l’effet combiné des décisions des 15 octobre 2001 et 28 janvier 2002. En effet, tandis que la décision ci-avant analysée de tenir en suspens sa nomination n’a pas préjugé, en tant que telle, de la prise d’effet de la décision ultérieure d’accorder cette promotion au demandeur, elle est néanmoins invoquée à la base de la décision déférée du 28 janvier 2002 et en constitue partant un élément de motivation déterminant, de sorte qu’il y a lieu d’examiner plus en avant et au regard des développements qui précèdent si le conseil communal a valablement pu invoquer cette décision de suspension pour motiver sa décision ultérieure d’accorder la promotion litigieuse à Monsieur … avec effet au 1er février 2002.

Tel que relevé par le demandeur, le fait pour la promotion litigieuse de lui avoir été accordée sans spécification d’un effet particulier d’entrée en vigueur, a fait aboutir la décision litigieuse du 28 janvier 2002 à un résultat équivalent à un retard pleinement effectif dans sa promotion.

Or, le simple fait que cette promotion fut tenue en suspens à un moment donné ne saurait être utilement invoqué pour justifier à suffisance la prise d’une décision assimilable dans son résultat à une sanction disciplinaire expressément énoncée au statut général, sous peine de méconnaître les mécanismes de la procédure disciplinaire et d’aboutir en fait à une deuxième sanction dans le chef du fonctionnaire concerné, dont la promotion fut tenue en suspens en attendant l’issue de la procédure disciplinaire par ailleurs menée à son encontre.

Dans la mesure où il se dégage des considérations ci-avant que la décision déférée du 28 janvier 2002, dans ses effets combinés avec celle invoquée à sa base du 15 octobre 2001, a directement engendré un retard dans la promotion du demandeur d’une durée ne dépassant pas une année, de manière à s’analyser en substance en une sanction disciplinaire expressément prévue à l’article 58, 7. du statut général, intervenue au mépris, non contesté en cause, des mécanismes de la procédure disciplinaire prévue par la loi à cet effet, il y a lieu d’en prononcer l’annulation partielle dans la mesure du refus implicite s’en dégageant d’accorder l’avancement litigieux au demandeur avec effet au 1er novembre 2001.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit partiellement justifié ;

partant annule la décision déférée du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 15 octobre 2001 dans la mesure où elle a suspendu l’occupation du poste vacant au grade 13 par Monsieur …, ainsi que celle du 28 janvier 2002 dans la mesure où elle omet de spécifier que la promotion en faisant l’objet est accordée au demandeur avec effet au 1er novembre 2001 ;

renvoie le dossier devant le conseil communal de la Ville de Luxembourg dans cette mesure ;

condamne la Ville de Luxembourg aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 mars 2003 par:

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15202
Date de la décision : 17/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-17;15202 ?

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