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12/03/2003 | LUXEMBOURG | N°16005

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 mars 2003, 16005


Numéro 16005 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 février 2003 Audience publique du 12 mars 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16005 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 février 2003 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Or

dre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Vucitern (Kosovo/Ex-Yougoslav...

Numéro 16005 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 février 2003 Audience publique du 12 mars 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16005 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 février 2003 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Vucitern (Kosovo/Ex-Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 27 novembre 2002, notifiée le 3 décembre 2002, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée une demande en obtention du statut de réfugié introduite par le demandeur, ainsi que d’une décision confirmative prise par ledit ministre le 13 janvier 2003 suite à un recours gracieux du demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 mars 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Ardavan FATHOLAHZADEH en remplacement de Maître Louis TINTI, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 14 octobre 2002, Monsieur … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut en outre entendu le 26 novembre 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 27 novembre 2002, notifiée le 3 décembre 2002, le ministre de la Justice l’informa que sa demande avait été rejetée comme manifestement infondée. La motivation de ladite décision ministérielle se lit comme suit : « Il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté Vucitern le 12 octobre 2002. Vous auriez pris place dans la camionnette d’un passeur et vous seriez d’abord allé en Albanie. Ensuite, vous auriez poursuivi votre voyage jusqu’à Luxembourg. Vous ne pouvez donner aucune autre précision quant à votre trajet.

Vous avez déposé votre demande en obtention du statut de réfugié le 14 octobre 2002.

Vous exposez que vous n’avez pas été appelé au service militaire.

Vous ne seriez membre d’aucun parti politique.

Vous exposez que vous ne seriez pas en sécurité à Vucitern parce que trois Serbes voudraient venger des membres de leur famille morts pendant la guerre. Vous auriez fait l’objet d’une tentative d’agression sur le chemin de l’école, mais vous vous seriez enfui à la vue de ces trois Serbes. Vous n’auriez cependant pas porté plainte. Vous pensez qu’ils seraient capables de vous tuer. Pour le surplus, vous ne faites état d’aucun acte de persécution postérieur au conflit du Kosovo.

Je vous informe que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi, et surtout, par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Je vous rends attentif au fait que, pour invoquer l’article 1er A, 2 de la Convention de Genève, il faut une crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays.

Par contre, selon l’article 9, alinéa 1 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile. » Or, je constate d’abord qu’il est hautement improbable que des Serbes cherchent à vous agresser, dans la mesure où il et connu que plus un seul Serbe n’habite à Vucitern et que ceux habitant à Mitrovica restent chez eux.

Je constate aussi que vous reconnaissez n’avoir subi ni mauvais traitement ni persécutions et n’avoir aucun problème lié à vos opinions politiques, religieuses, ni à votre groupe social ou national.

Votre demande ne répond donc à aucun des critères de fonds définis dans le cadre de l’article 1er A,2 de la Convention précitée, mais constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile. De même, en tant qu’Albanais du Kosovo, votre crainte d’être persécuté au Kosovo est manifestement dénuée de fondement.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. » Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 27 décembre 2002 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre de la Justice confirma sa décision initiale le 13 janvier 2003.

Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation des décisions ministérielles prévisées des 27 novembre 2002 et 13 janvier 2003 par requête déposée le 17 février 2003.

L’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 prévoyant expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient que les décisions ministérielles attaquées devraient être annulées en raison d’une appréciation erronée des faits.

Dans cet ordre d’idées, il expose être originaire du Kosovo et de confession musulmane et qu’il aurait dû fuir sa région d’origine en raison du fait que trois personnes serbes, qui avant la guerre du Kosovo étaient ses voisins, voudraient à l’heure actuelle venger leurs parents tués pendant la guerre et auraient essayé de l’agresser à deux reprises sur le chemin de l’école et que les autorités en place ne seraient pas capables de lui offrir une protection appropriée.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice a fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande. Lorsque le demandeur invoque la crainte d’être persécuté dans son propre pays, mais qu’il résulte des éléments et renseignements fournis que le demandeur n’a aucune raison objective de craindre des persécutions, sa demande peut être considérée comme manifestement infondée ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (cf. trib. adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 91 et autres références y citées).

En l’espèce, il ressort du rapport de l’audition du 26 novembre 2002 que le demandeur se dit persécuté par trois personnes serbes vivant Mitrovica et qui auraient tenté de l’agresser respectivement de le tuer à deux reprises sur le chemin de l’école. Or, de tels agissements relèvent d’une criminalité de droit commun, laquelle, quelle que soit la gravité et le caractère condamnable desdits actes, à les supposer établis, ne saurait être qualifiée de persécution au sens de la Convention de Genève, mais traduit plutôt dans le chef du demandeur un sentiment d’insécurité. Il s’y ajoute, comme l’a relevé à juste titre le délégué du gouvernement, que le demandeur n’a pas déposé de plainte auprès des autorités de son pays d’origine, qu’il n’a aucun problème lié à des opinions politiques religieuses ou en raison de l’appartenance à un groupe social ou national et qu’en tant qu’Albanais du Kosovo il disposait d’une possibilité de fuite interne raisonnable à l’intérieur de son pays d’origine au moment de la prise de décision déférée.

Il s’ensuit que le ministre de la Justice a valablement pu se fonder sur l’article 3 du règlement grand-ducal précité du 22 avril 1996 pour rejeter la demande d’asile du demandeur comme étant manifestement infondée, de manière que le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Ravarani, président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 12 mars 2002 par le président en présence de M. Legille, greffier.

Legille Ravarani 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16005
Date de la décision : 12/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-12;16005 ?

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