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12/03/2003 | LUXEMBOURG | N°15970

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 mars 2003, 15970


Numéro 15970 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 février 2003 Audience publique du 12 mars 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15970 du rôle, déposée le 12 février 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Annick DENNEWALD, avocat à la Cour, inscrit au

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalit...

Numéro 15970 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 février 2003 Audience publique du 12 mars 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15970 du rôle, déposée le 12 février 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Annick DENNEWALD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 13 décembre 2002, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 15 janvier 2003 prise sur recours gracieux, les deux déclarant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique manifestement infondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 mars 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Annick DENNEWALD et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 mars 2003.

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En date du 27 novembre 2002, Monsieur …, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, ainsi que sur son identité.

Le 4 décembre 2002, il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 13 décembre 2002, notifiée le 16 décembre 2002, que sa demande d’asile avait été rejetée comme étant manifestement infondée aux motifs, d’une part, qu’il proviendrait d’un pays, en l’occurrence le Monténégro, où il n’existerait, en règle générale, pas de risque sérieux de persécution et, d’autre part, que sa demande d’asile ne répondrait à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, mais sur une dispute avec des personnes privées.

Le recours gracieux formé par son mandataire suivant courrier du 3 janvier 2003 s’étant soldé par une décision confirmative du même ministre du 15 janvier 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des deux décisions précitées des 13 décembre 2002 et 15 janvier 2003 par requête déposée en date du 12 février 2003.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2. d’un régime de protection temporaire, disposant expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, de manière que le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours subsidiaire en annulation est par contre recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur, originaire du Monténégro et de confession musulmane, reproche au ministre de ne pas avoir précisé en quoi les faits ayant motivé son départ de son pays d’origine ne correspondraient à aucun critère de fond défini par la Convention de Genève et de s’être borné à une description de la situation politique en Yougoslavie et à la conclusion qu’il n’existerait plus d’affrontements entre les différentes communautés ethniques ou religieuses sans pour autant examiner sa situation particulière et vérifier concrètement en quoi les menaces dont il aurait été la victime ne constitueraient pas une cause fondant une crainte légitime de persécution. Il ajoute qu’il aurait renoncé à dénoncer la dispute dans laquelle il aurait été impliqué et les menaces de mort à son encontre aux forces de l’ordre alors que l’Etat de droit serait inexistant au Monténégro et qu’il n’aurait eu d’emblée aucun espoir que les coupables soient attraits en justice. Il affirme finalement que les agressions dont il aurait fait l’objet n’auraient été que les dernières dans une longue série d’exaspérations à son égard depuis son jeune âge en raison de sa confession musulmane.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New-York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de craintes de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motifs de sa demande.

Lorsque le demandeur invoque la crainte d’être persécuté dans son propre pays, mais qu’il résulte des éléments et des renseignements fournis que le demandeur n’a aucune raison objective de craindre des persécutions, sa demande peut être considérée comme manifestement infondée ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial ou sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas. adm. 2002, v° Etrangers, n° 93 et autres références y citées ;

trib. adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2002, v° Etrangers, n° 91 et autres références y citées).

En l’espèce, les faits exposés par le demandeur ont trait exclusivement à des problèmes avec des membres « d’une certaine mafia » et s’inscrivent ainsi dans un contexte de criminalité de droit commun sans que les auteurs des agissements à l’encontre du demandeur ne puissent être qualifiés d’agents de persécution au sens de la Convention de Genève à défaut d’un lien direct ou indirect établi avec les autorités publiques du pays d’origine du demandeur. En outre, le demandeur ne fait état d’aucune démarche en vue de rechercher la protection des autorités de son pays ou d’un refus de protection de ces dernières pour l’un des motifs visés par la Convention de Genève, la simple affirmation de l’inexistence d’un Etat de droit au Monténégro ne pouvant être qualifiée de moyen concret à cet égard.

Il s’ensuit que le demandeur n’a pas fait état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, de manière que le ministre a valablement pu retenir que sa demande d’asile ne répond à aucun critère de fond définis par la Convention de Genève. Le recours sous analyse est dès lors à rejeter sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les autres motifs énoncés à la base des décisions litigieuses et les moyens afférents du demandeur.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation, reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 mars 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15970
Date de la décision : 12/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-12;15970 ?

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